Action antalgique et fonctionnelle de l’acupuncture ou du TENS dans les douleurs de la ceinture pelvienne et des lombalgies liées à la grossesse

Grossesse - San Francisco's building (1910) - style mission revival -mural (1994) -  San Francisco - USA

 

La douleur de la ceinture pelvienne (en anglais, pelvic girdle pain -PGP-, identifiée par Maurice Lacomme (1897-1986), obstétricien français qui a décrit en 1942 un syndrome « ostéo-musculo-articulaire abdomino-pelvien bénin) et la lombalgie liée à la grossesse (PLBP) sont des problèmes fréquents apparaissant au cours du 2e et surtout 3e trimestre de la grossesse. Cela a des implications physiques, psychologiques et socio-économiques importantes qui peuvent être résolues par l’acupuncture et/ou techniques associées, comme cela a déjà été analysé en 2009, puis 2015 [[1],[2]].

Un nouvel essai comparatif randomisé pragmatique [[3]] a recruté dans des maternités cent-treize femmes enceintes réparties en deux groupes atteints de PGP cliniquement vérifiées entre la 12e et 28e semaine de grossesse [[4]]. L’objectif était donc d’étudier s’il existait une plus grande efficacité de la neurostimulation électrique transcutanée (TENS) dans le groupe expérimental par rapport à l’acupuncture (groupe témoin actif) dans le traitement de la douleur et d’observer l’amélioration du handicap physique dans les activités quotidiennes.

L’intervention consistait en dix séances d’acupuncture (deux séances par semaine) dans le groupe acupuncture. Les points d’acupuncture locaux ont été sélectionnés en fonction des symptômes individuels de la femme et de la présentation clinique, après la palpation diagnostique pour identifier les points sensibles. Au total, dix points segmentaires et sept points extrasegmentaires ont été utilisés : 20VG (baihui), 4GI (hegu), 26V (guanyuanshu), 32V (cialo), 33V (zhongcialo), 54V (zhibian), 11R (hengfu), 60V (kunlun), Ex-B-2 (huatuojiaji en L4L5 et S1-S2), 20VB (fengchi), 12Rt (chongmen), 36E (zusanli). Les aiguilles de 0,25 à 0,30 mm de diamètre ont été laissées in situ pendant 30 min et stimulées manuellement après 10 et 20 minutes avec recherche du deqi.

Dans le groupe TENS, les électrodes étaient placées en fonction des symptômes et de la présentation clinique de chaque femme, unilatéralement ou bilatéralement sur l’articulation sacro-iliaque et les muscles fessiers pour la douleur pelvienne dorsale ou dans la région de l’aine pour la douleur pubienne. Après instructions données à l’hôpital, le dispositif TENS (Cefar Primo) devait être utilisé à la maison pendant au moins 30 minutes par jour pendant 5 semaines. La stimulation à haute fréquence (80Hz avec une durée d’impulsion de 180µs) était mise en place par les femmes elles-mêmes avec une intensité à la limite du supportable au niveau de la zone traitée. En cas d’absence d’effet après la première semaine de traitement à 80Hz, les femmes pouvaient opter pour un mode de stimulation à basse fréquence (2Hz ; 180µs) afin d’avoir une antalgie optimale.

Aucune différence moyenne n’a été détectée entre les deux groupes. Les deux groupes ont réussi à préserver leurs activités physiques et quotidiennes selon les critères de jugement principaux : échelle de handicap Oswestry (ODI), de fonctionnement (échelle fonctionnelle spécifique au patient), échelle de capacité de travail (work ability Index). On a observé aussi une réduction significative (p<0,05) de l’intensité de la douleur du soir au sein des deux groupes : acupuncture -0,96 (intervalle de confiance IC à 95% : -1,91 à -0,01 ; p=0,049), TENS -1,29 (IC à 95 % : -2,13 à -0,44 ; p=0,003). Même chose sur la préoccupation vis-à-vis de la douleur : acupuncture : -1,44 (IC à 95% : -2,31 à -0,57 ; p=0,0012), TENS : -1,99 (IC à 95 % -2,81 à -1,17 ; p<0,0001). En conclusion, le traitement des douleurs de la ceinture pelvienne aussi bien par TENS que par acupuncture soulage le handicap et améliore l’activité physique tout comme les algies et les inquiétudes à l’égard de la douleur. L’une ou l’autre intervention pourrait être recommandée comme alternative non pharmacologique antalgique et pourrait permettre aux femmes enceintes de rester actives. Toutefois, le groupe d’acupuncture a montré une plus grande satisfaction à l’égard du traitement par rapport au TENS sans doute lié au fait que dans ce groupe, il y avait un suivi régulier et empathique qui n’existait pas chez les femmes qui se traitaient elles-mêmes par TENS à la maison. Il serait alors judicieux de réaliser un ECR comparant TENS versus électroacupuncture (stimulation percutanée à travers les aiguilles) ou versus neurostimulation électrique transcutanée appliquée sur le point même d’acupuncture (TEAS).

 

Figure 1. Le dispositif TENS (Cefar Primo PRO ; DJO Nordic AB, Malmö, Suède) utilisé pour l’étude.

 

 

 

[1]. Stéphan JM. Acupuncture autour de la naissance : bases scientifiques et état des lieux dans les nausées et le syndrome de Lacomme. Acupuncture & Moxibustion. 2009;8(2):86-93.

[2]. Stéphan JM. Obstétrique et acupuncture factuelle. Quel niveau de preuve en 2015 ? Acupuncture & Moxibustion. 2015;14(4):285-291.

[3]. Les ECR pragmatiques cherchent à vérifier l’efficacité d’une thérapeutique en la comparant au traitement de référence habituel, ici dans ce cas précis l’acupuncture.

[4]. Svahn Ekdahl A, Fagevik Olsén M, Jendman T, Gutke A. Maintenance of physical activity level, functioning and health after non-pharmacological treatment of pelvic girdle pain with either transcutaneous electrical nerve stimulation or acupuncture: a randomised controlled trial. BMJ Open. 2021 Oct 1;11(10):e046314.