Début des négociations conventionnelles pour la période 2023-2027

Les négociations entre l’Union Nationale des Caisses d'Assurance Maladie (UNCAM) et les syndicats des médecins libéraux en vue de la prochaine convention médicale qui couvrira la période 2023-2027, se tiennent depuis le 9 novembre 2022. Le gouvernement a fait parvenir une lettre de cadrage en définissant ses orientations.

Globalement, les ministres de la Santé, François Braun, et sa ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo ont réaffirmé leur volonté « d’assurer un égal accès à la santé, à la prévention et à des soins de qualité pour tous sur l’ensemble de notre territoire, tout en préservant l’exercice de la médecine libérale ». « Le cadre de la convention constitue l’un des leviers majeurs pour répondre aux besoins de santé de la population aujourd’hui et anticiper ceux des générations futures », ont-ils ajouté dans un communiqué.

« Ce processus de dialogue social doit aboutir avant la fin du premier trimestre 2023", rappelait le directeur général de la CNAM, Thomas Fatôme, il y a un mois dans Le Monde.

Quelles sont ces orientations ?

 

Un médecin traitant pour tous

Tout d’abord est demandé un accès à un médecin généraliste traitant pour tous, notamment les personnes en ALD. Tripler le nombre d’assistants médicaux pour qu’il atteigne les 10.000 d’ici à 2025 est un des autres objectifs du Gouvernement qui souhaite de ce fait soutenir l’exercice coordonné et la coopération interprofessionnelle.

Cette convention devra surtout « permettre aux médecins traitants de prendre en charge un plus grand nombre de patients et de consolider leur rôle dans le parcours de soins ».

« La revalorisation des conditions d’exercice des médecins traitants participera à cet objectif » ont tenu à préciser les ministres. Le partage de tâches, la pratique avancée et la coopération avec d’autres soignants devra constituer l’une des « priorités » afin que les médecins puissent  « se concentrer sur les prises en charge qui requièrent un diagnostic médical ». 

Le Gouvernement entend ainsi valoriser l'implication des médecins dans des fonctionnements en équipe sur leur territoire via, par exemple, « une rémunération forfaitaire partiellement substitutive à l'acte ».

Le Président Emmanuel Macron avait aussi déclaré que « tous les médecins qui arrivent à la retraite [...] pourront continuer à exercer leur activité en touchant l’intégralité de leurs revenus sans cotisations retraites ». L’exécutif appelle par ailleurs à une « responsabilité collective pour garantir la continuité des soins en tout point du territoire ». « Les partenaires conventionnels pourront, dans ce cadre, adapter les modalités de participation à la permanence des soins ambulatoires, les conditions de mobilisation des remplaçants et les modalités de rémunération ».

Les négociations devront par ailleurs « favoriser l'installation et le maintien des médecins en zones sous-denses et identifier de nouveaux leviers pour lutter contre les inégalités d'accès aux soins médicaux, notamment les conditions de participation à un exercice solidaire en réponse aux besoins de santé par les médecins n'exerçant pas en zone sous-dense ».

François Braun et Agnès Firmin Le Bodo souhaitent également que les négociations permettent « d’organiser la présence de médecins, notamment spécialistes, en dehors de leur lieu d’exercice habituel pour aller vers les territoires où l’offre n’est pas suffisante notamment en lien avec la constitution d’équipes de soins spécialisés ». C'est-à-dire développer les consultations avancées des spécialistes en parallèle de la montée en charge des hôpitaux de proximité.

 

Garantir l'attractivité du métier

Afin de garantir l'attractivité de la profession, les ministres évoquent la nécessité d'améliorer « la valorisation de la pratique et de l'expertise médicale ». Ils appellent ainsi à privilégier « les rémunérations valorisant un changement de pratiques ».  Une amélioration des outils existants en matière de régulation des dépassements d'honoraires, notamment l'Optam et l'Optam Co, devra être discutée.

 

Médecine préventive et numérique en santé

Les ministres veulent également transformer le système de santé en passant d’une approche curative à une approche préventive. Les rendez-vous de prévention aux âges clés de vie seront un tremplin. La rémunération sur objectif de santé publique (Rosp) devra ainsi évoluer, « pour être principalement centrée sur ces enjeux de prévention avec un nombre plus limité d'indicateurs ». Parmi les enjeux de santé publique, les ministres ont cité la santé mentale, les troubles du sommeil, l'équilibre alimentaire...

Constatant des « mésusages », les ministres souhaitent aussi « améliorer les pratiques et la qualité des soins » et maîtriser le volume des prescriptions, sans oublier la lutte contre la fraude.

Vient enfin l’enjeu du déploiement du « numérique en santé », à mettre au service des patients et des professionnels. Il est ainsi prévu d’encadrer l'utilisation de la télémédecine et le déploiement de l'ordonnance numérique, etc.

Voici donc les attentes du Gouvernement qui exige des médecins en contrepartie d’avoir une revalorisation des conditions d’exercice, un engagement fort, à savoir donc « partage des tâches », « coopération avec les autres professions de santé », mais aussi la « présence de médecins, notamment spécialistes, en dehors de leur lieu d’exercice habituel ».

Bref si on lit entre les lignes, on s’aperçoit que les prétendues revalorisations des conditions d’exercice sont quasi inexistantes.

 

PLFSS et quatrième année de médecine dans les déserts médicaux

Et comble du comble, le Gouvernement a eu recours à l'article 49 alinéa 3, qui lui permet de faire passer le texte qu'il présente, sans vote, pour la partie budget du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui va permettre justement de réaliser ses propositions pour la nouvelle convention mais aussi de les financer. Ainsi, le Gouvernement a donc engagé sa responsabilité le mercredi 6 octobre 2022 qui n’a pas été rejetée par une motion de censure. L’article 23, par exemple, a donc été adopté : il prévoit l’ajout d’une quatrième année d’internat de médecine générale dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. L’objectif est que cette année d'étude supplémentaire soit réalisée en priorité dans les déserts médicaux, bref les stages effectués en quatrième année du DES de médecine générale permettront de ce fait de répondre au manque de médecins en zones sous-denses à un prix défiant toute concurrence pour le Gouvernement ! La ministre Agnès Firmin Le Bodo a promis, à l’occasion d’un congrès sur l’avenir du système de santé organisé par l’Association nationale des étudiants en médecine de France à Tours le 3 novembre 2022, que les étudiants ne seront pas obligés d’aller exercer dans les zones sous-denses.  « Nous vous inviterons, vous inciterons, mais nous ne vous y obligerons pas », s’est-elle engagée. On est en droit d’en douter tout comme les syndicats d’étudiants en médecine qui appellent tous les carabins à une nouvelle grande mobilisation le 17 novembre prochain. Il faudra aussi attendre le résultat de l’examen du PLFSS en séance plénière par la Commission des affaires sociales du Sénat pour connaître l’adoption ou pas de la loi de financement de la Sécurité sociale. Néanmoins, on sait déjà que les dispositions prétendant porter remède aux déserts médicaux par cet article 23, n’ont pas été retenues par la commission qui souhaite lui substituer une proposition de loi adoptée par le Sénat le 18 octobre dernier à l’initiative de M. Bruno Retailleau. Celle-ci vise à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale en fléchant leur affectation vers l’aire sanitaire correspondant à leur subdivision territoriale de rattachement, ou d’effectuer leur dernière année d’internat dans le territoire où ils ont réalisé leurs études ; et enfin de fixer un régime de rémunération propre aux étudiants de la quatrième année du troisième cycle de médecine générale.

Mais n’en doutons pas, cette démagogie de bas étage pour une rémunération minimale est totalement insuffisante. Comment attirer de jeunes médecins vers la filière de la médecine générale en augmentant d’une année leur niveau d’étude pour satisfaire la complaisance éhontée d’un gouvernement envers certaines régions mal loties médicalement, et cela pour une rétribution misérable ? Les médecins généralistes arriveront sur le marché du travail dix ans après le Bac, soit quasiment vers 28 ans.. Les consultations bloquées au niveau le plus bas de toute l’Europe : 25€ à ce jour ! Et on leur demandera d’en faire toujours plus.. des esclaves des Temps Modernes au service du soi-disant bien public .. 55 à 65 heures par semaine alors qu’on prône les 35 heures hebdomadaires pour tous les salariés ! Pas de vie de famille, vu qu’ils devront satisfaire à la permanence des soins pour une somme ridicule, une retraite retardée au-delà de 67 ans ! Mais de qui se moque-on ? Cela suffit ! Il s’agit d’un véritable mépris de la part d’un Gouvernement qui insulte le sacrifice des jeunes qui passent la majeure partie de leur jeunesse en étude avec une rétribution minimale ! Mépris envers notre jeunesse certes mais aussi mépris de la médecine libérale et mépris des médecins généralistes. Et cela rejaillit sur nous médecins acupuncteurs qui pour avoir le droit d’exercer, devront effectuer encore trois à quatre années d’études avec une capacité d’acupuncture obligatoire. Que le Gouvernement réfléchisse à attirer les jeunes vers la médecine, sans que cela soit ressenti comme un esclavage !

Disparition programmée de la rémunération de l’acte

Le gouvernement a promis également « une rémunération forfaitaire partiellement substitutive à l'acte ».

Bref, on peut déjà dès à présent comprendre que sur le plan financier, les médecins généralistes qui attendent la revalorisation du C ou du G (qui n'a augmenté que de deux euros en vingt ans), seront une fois de plus déçus. Du moins comme le DG de la CNAM le signale, ce droit à l’augmentation, à la revalorisation appelle des « devoirs » et « des contreparties ».

Il prévient d’ailleurs qu’au travers de l’Assurance-maladie, c’est la collectivité qui investit et de ce fait attend logiquement, en face, des engagements, comme celui de s’impliquer encore davantage dans la permanence de soins, les soins non programmés, ou encore les consultations en zones sous-denses. Il a d’ailleurs même été question de « responsabilité collective » pour la permanence des soins (PDS) en ville et à l’hôpital. Et en cas de défaut de fonctionnement de cette responsabilité collective, cela entrainerait des contrôles et même des réquisitions ». On croit rêver ! Sommes-nous en dictature ?

Bref, les Politiques oublient un peu vite et insultent notre conscience professionnelle qui nous engage déontologiquement tous les jours y compris dans cette sombre période de pandémie à Coronavirus SARS-CoV-2 sur un principe de volontariat.

Le patron de la Cnam souhaite « lever les freins » à l'embauche des assistants médicaux, qui permettrait aux médecins généralistes, « sans travailler plus », d'augmenter « de 5% à 10% le nombre de patients qu’ils suivent » en misant sur un vaste déploiement des assistants médicaux ou des infirmier(e)s en pratique avancée pour augmenter le temps médical des médecins.

 

Tous les engagements demandés par le Gouvernement sur la permanence des soins, l’embauche d’assistants médicaux n’ont pour seul but que de faire diversion afin de ne pas honorer le souhait majeur de la profession, à savoir notre juste rétribution avec augmentation de la lettre clé de la consultation. On n’arrête pas de noyer le poisson avec soi-disant une responsabilité collective (la nouvelle expression à la mode !), alors que les différents Gouvernements successifs n’ont jamais tenu parole et organisent même la mort différée de la Médecine Libérale.

On manque de médecins ?

Mais qui a, de 1988 jusqu’au 31 décembre 2004, instauré le dispositif de cessation anticipée d'activité (MICA)[1] destiné aux médecins libéraux conventionnés. Une véritable hémorragie ! Et maintenant notre Président incite les médecins à la retraite à revenir sans payer de cotisations URSSAF ! Quelle incohérence dans les  propos de tous les Politiques qui ont la mémoire courte ! De qui se moque-t-on ?

On peut dire que cela va même plus loin, quand on voit la pléthore de « pseudo-médecins », de docteurs en médecine chinoise, ou de diplômés d’une école d’acupuncture, qui peuvent exercer illégalement en toute quiétude. L’Etat est gagnant à tout niveau, car cela permet de pallier indirectement au manque cruel de médecins d’une part, et d’autre part de bénéficier de cotisations lucratives de la part de ces auto-entrepreneurs avec un risque minimal de sanctions judiciaires.  

 

[1]. Le MICA consistait dans l'octroi d'une allocation de remplacement de revenu aux médecins libéraux conventionnés choisissant de cesser leur activité avant l'âge de 65 ans. L'objectif initial de ce dispositif était de réduire l'offre de soins ambulatoires et de contribuer à maîtriser les dépenses d'assurance maladie. Cette allocation était financée par des cotisations des praticiens conventionnés et par les caisses d'assurance maladie. Elle était gérée par la caisse autonome de retraite des médecins français. Le MICA a bénéficié à environ 9.000 médecins.