Acupuncture Traditionnelle Chinoise et mathématiques : la voie hambourgeoise

Hambourg et Médecine Traditionnelle Chinoise

Sven Schroeder est neurologue et acupuncteur. Il dirige le Hansemerkur Centrum de Médecine Traditionnelle Chinoise qui propose des soins de médecine complémentaire et alternative au sein du Centre Médical Universitaire de Hamburg-Eppendorf (Allemagne). Le service bénéficie du soutien financier d'une assurance de santé dont il porte le nom (Hansemerkur Versicherungsgruppe), sponsor n'intervenant pas dans le fonctionnement médical.

Cet établissement, pour l’instant unique en Allemagne, est consacré aux soins, à l'enseignement et à la recherche en médecine traditionnelle chinoise.

L’idée initiale de ce centre revient à un ancien maire de Shanghai, ville jumelée avec Hambourg.

Sven Schroeder était l’invité du Dr Fernando Salgado, coordonnateur du master d’acupuncture médicale de Santiago de Compostela (Saint Jacques de Compostelle) en Galice, au nord-ouest de l’Espagne et du centre Xiyun (西 , à l’Ouest des Nuages) de la même ville.

Sven Schroeder a donné sur deux jours une longue conférence sur sa conception de l’acupuncture et a réalisé des démonstrations sur des patients [1,2].

Niveaux d’Énergie, méridiens et analyse mathématique

La première partie de l'exposé portait sur les références des livres classiques et une analyse mathématique des rapports entre les méridiens (figure 1).


Figure 1. Sven Schroeder expliquant son analyse mathématique des niveaux d’énergie. Après la division, selon la tradition, du niveau yang et yin en trois niveaux, il s’agit de la combinaison taiyang-shaoyin, yangming-taiyin, shaoyang-jueyin

Les classiques consultés pour bâtir les raisonnements mathématiques sont Huangdi neijingsuwen, nanjing, shanghanlun, zhenjiudacheng, yixuerumen, zhenjiujiayijing et quelques autres moins connus. La compréhension de la  physiopathologie organise la recherche des points à puncturer : équilibre yin/yang, succession des méridiens selon l'ordre de « l'horloge chinoise », méridiens couplés, règle Midi-Minuit ...

 

Chaque méridien est fonctionnellement lié à sept autres. La figure ci-dessous montre ces combinaisons pour le méridien du Poumon (Lung, Lu, figure 2).


Figure 2 (extraite de [1]). Représentation des liens du méridien Poumon (LU- Lung) avec 7 des 11 autres méridiens selon les règles classiques de l'acupuncture traditionnelle (LI, Large Intestine-Gros Intestin ; ST Stomach-Estomac ; SP, Spleen-Rate ; HT Heart-Cœur ; SI, Small Intestine-Intestin Grêle ; BL, Bladder-Vessie ; KI, Kidney-Rein ; PC, Pericardium-Maîre du Cœur ; TE, Triple Energiser -Triple Réchauffeur ; GB, Gall Bladder-Vésicule Biliaire ; LR, Liver-Foie). Ce schéma présente également l’ordre successif des méridiens selon l’ « horloge chinoise ».

Toutes les combinaisons possibles sont analysées à l’aide de formules mathématiques telles que Cnk (C nombre des combinaisons de n objets à un moment k). Ensuite, après d’autres étapes (que le lecteur amateur de mathématiques pourra retrouver dans les articles en référence, disponibles in extenso), on aboutit à 60 possibilités de combinaisons de 4 méridiens puis seulement 15 après élimination des répétitions (Figure 3).


Figure 3. Assemblés par 4, les 12 méridiens offrent 15 possibilités (extrait de [1]). Identification des méridiens selon les deux premières lettres du nom anglais (cf ci-dessus).

Ensuite, des correspondances anatomiques – yin/yang, haut-bas, avant-arrière, gauche-droite sont utilisées pour construire le schéma thérapeutique (depuis des siècles par les différentes écoles chinoises et depuis quelques décennies par les acupuncteurs du monde entier (voir note 1). Elles sont également validées par l'expérience (des différentes écoles et de l’auteur). Exemple pour une douleur d’épaule, rechercher des points sur les méridiens du pied controlatéral puis ipsilatéral, cf exemple plus loin). Les points de commande des Merveilleux Vaisseaux sont également sollicités (figure 3, extraite de [1]).


Figure 4. Huit Points de commande des Merveilleux Vaisseaux : points maîtres et points couplés (dumai, houxi 3IG ; yangqiaomai, shenmai 62V ; yangweimai, waiguan 5TR ; daimai, zulinqi 41VB ; renmai, lieque 7P ; yinqiaomai, zhaohai 6R ; yinweimai, neiguan 6MC ; chongmai, gongsun 4Rte) (note 2).

Application

Après l’interrogatoire et la palpation de la région douloureuse (on demande au patient de désigner la région douloureuse d’un seul doigt pour le plus de précision possible), l'analyse clinique, comprend un examen de la langue et des pouls dont les informations sont intégrées à la démarche diagnostique. La thérapeutique, les points à piquer, sont recherchés le long de méridiens selon les règles indiquées plus haut (yin/yang ; haut/bas ; gauche /droite...) et aussi certaines habitudes liées à l’expérience. Elle s'organise, pour ce que nous avons vu, autour des méridiens tendino-musculaires (Sinew channels).

La puncture est plutôt originale. Après réflexions sur les différentes options, le praticien palpe avec un doigt un segment  de méridien à la recherche de points sensibles. Les points ainsi repérés sont ensuite explorés de façon millimétrique avec un palpeur à la recherche de points ashi très réactifs. Trois points successifs distants de 1 cm environ sont alors puncturés à une profondeur de 0,5cun en moyenne. La recherche du deqi est systématique et également minutieuse. Chaque étape comprend encore une évaluation de la douleur résiduelle, plutôt originale : initialement évaluée de façon numérique à base 10 (la classique échelle numérique), l’évolution sous traitement est ensuite évaluée en prenant la douleur initiale comme référence ayant une valeur 100. Puis étape après étape (toutes les dix minutes environ), avec adaptation des points puncturés, une réévaluation en pourcentage de la douleur résiduelle est effectuée (en demandant au patient de mobiliser activement l’articulation douloureuse).

En pratique

Exemple : femme de 62 ans, droitière, fibromyalgique (diagnostic il y a 5 ans), douleur antérieure du moignon de l'épaule droite (diagnostic échographique de tendinite – du tendon du long biceps ?) sur le trajet du méridien de Poumon. Premier point piqué xuanzhong 39VB gauche plus un point au-dessus et un point au-dessous repérés au palpeur (avec systématiquement recherche du deqi). Amélioration de 50% de la douleur spontanée aux mouvements actifs de l’épaule, mais pas de changement à la douleur locale provoquée par la palpation directe. Ensuite, puncture de points du méridien du Foie à droite au niveau du cou de pied) avec amélioration de la douleur et possibilité de mettre la main dans le dos.

Après 20 mn, la patiente n'a plus de douleur spontanée, ni au mouvement ni non plus à la palpation.

Deux autres personnes ont fait l’objet d’une démonstration équivalente de cette acupuncture dynamique.

Conclusion

Cette proposition de soin ne manque pas d’intérêt : la démarche diagnostique s’appuie sur la tradition chinoise, elle comprend une analyse occidentale (ici mathématique), mais aussi et surtout, une pratique basée sur la clinique ainsi que celle d’une application des aiguilles en fonction d’une palpation rigoureuse. Avec en plus, la recherche systématique du deqi qui reste, à notre avis, le meilleur lien entre Tradition Classique et acupuncture moderne occidentale.

 

Dr Patrick Sautreuil

ASMAF-EFA (Association Scientifique des Médecins Acupuncteurs de France- Ecole Française d’Acupuncture)

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Conflit d’intérêts : aucun

Notes

1. Trois références pour ces traitements modernes utilisant des références classiques :

Effective Points Therapy of Acupuncture, Mao Qunhui, Guo Xiaozong, Languages Press Foreing Languages Press, 1998 ; Tung’s acupuncture-Elucidation of Tung’s extra points, Wei-Chieh Young, Jinzhang Dong, Taipei, Chih-Yuan Book Store, 2005 ; Dr Tan’s strategy of twelve magical points, Tan R., Printing San Diego, California, USA 2002

2. La première mention des huit points maîtres des vaisseaux extraordinaires date de 1439 dans Zhen Jiu Da Quan (Collection complète d’Acupuncture et Moxibustion) de Xu Feng (Cf article de Sven Schroeder [1])

Références

1. An Acupuncture Research Protocol Developed from Historical Writings by Mathematical Reflections: A Rational Individualized Acupoint Selection Method for Immediate Pain Relief, Sven Schreder and Al, Evid Based-Complement Alternat Med, Volume 2013, 256754

2. Mathematical reflections on acupoint combinations in the Traditional Meridian systems, Sven Schroeder and Al, Evid Based-Complement Alternat Med, Volume 2012, Article ID 268237 

 

Surcharge pondérale traitée par gongsun, RA4 : à propos de deux cas cliniques. Florence Phan-Choffrut

Résumé : Deux cas cliniques de surcharge pondérale ont été traités avec succès par la puncture de gongsun, RA4. Le premier cas est un adolescent de 15 ans dont la prise de poids s’est aggravée après un accident de deux roues. La surcharge pondérale était importante (IMC 31). Le deuxième cas est celui d’une jeune femme de 21 ans qui avait grossi récemment en raison d’une augmentation de son appétit. La surcharge pondérale était inexistante selon les tables (IMC 20,5) et c’est le critère « incontrôlable » qui a retenu notre attention. Ces deux cas ont été traités et guéris par la puncture de gongsun, RA4, grand-père/petit-fils. Dans les deux cas, il a été établi qu’il y avait eu rupture relationnelle avec un grand-père. Mots clés : gongsun – typologie - méridien curieux.

Introduction

L’efficacité de l’acupuncture et de l’auriculothérapie dans le traitement des obésités s’explique par leur action sur les troubles de l’appétit, les troubles de la motilité intestinale, les perturbations métaboliques ainsi qu’émotionnelles [1,2,3]. Les points les plus souvent utilisés sont hegu GI4, quchi GI11, zusanli ES36, fenlong ES40, neiguan MC6 [4-6] et pour l’auriculothérapie : shenmen, estomac, appétit [7-9]. Notre propos est de proposer une approche diagnostique et thérapeutique de la surcharge pondérale par trouble du comportement alimentaire, à partir de la typologie des patients et du nom des points d’acupuncture.

Le point d’acupuncture est un lieu sur un méridien pour faire circuler les souffles, et c’est aussi un lieu où l’on peut permettre à un patient d’accéder à sa propre transformation pour retrouver l’harmonie et guérir. L’expérience clinique de l’action spécifique des points d’acupuncture, en tenant compte de la résonance énergétique, du nom et de la localisation nous ont amenés à ne puncturer que très peu de points par patient cherchant ainsi à définir la transformation qui doit s’opérer pour guérir. Le passage du traitement par les syndromes (Vide de Reins, Feu du Foie, etc.) à un traitement spécifique pour chaque patient a eu pour conséquence de développer les notions de typologie énergétique. Chaque individu a une résonance énergétique qui prédomine (taiyang, taiyin, shaoyang, shaoyin, ou Bois, Feu, etc.) et qui constitue sa typologie énergétique. Si on arrive à déterminer le souffle (qi) qui prédomine chez un individu, on choisira pour le traiter un point où ce souffle se déploie. Pour arriver à ce diagnostic, nous combinons un certain nombre d’éléments comprenant la symptomatologie physique et psychique, la localisation des troubles, la nature énergétique de la personne (est-elle taiyin, yangming ou bois, métal ?…), et quand on le peut la résonance avec le nom du point.

La suite ci-dessous

 

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