En 2010, une étude de recherche clinique multicentrique non-interventionnelle d’acupuncture a été menée à l’attention du personnel hospitalier atteint de troubles musculo-squelettiques (TMS) chronique, lombalgie, scapulalgie, ou épicondylite du coude résistant au traitement par médicaments et kinésithérapie, pilotée par les médecins du travail de 3 hôpitaux de l’AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris). Un traitement de 6 séances d’acupuncture a été offert aux 128 agents éligibles: 84 atteints de lombalgie, 35 de scapulalgie et 9 d’épicondylite. Les critères de jugement principaux ont été la faisabilité, l’acceptation par le personnel, l’observance des séances d’acupuncture, l’auto-évaluation du bénéfice sur le TMS et de la satisfaction de la prise en charge par acupuncture. Les critères de jugement secondaires ont été la comparaison des scores fonctionnels avant et après acupuncture d’après 2 questionnaires, un Questionnaire Concis de la Douleur (QCD) commun à tous les TMS et un questionnaire spécifique, auto-questionnaire de Dallas pour les douleurs du rachis, de Constant pour les scapulalgies, et fonctionnel pour les épicondylites. Plus de 94% des agents (121/128) ont déclaré accepter l’acupuncture et 85% ont effectivement reçu un traitement. Parmi eux, les 80 % (87/109) qui ont reçu de 5 à 6 séances ont manifesté une amélioration moyenne à importante de leur TMS dans 58% des cas et une satisfaction importante à très importante dans 72% des cas. Le score de la douleur en général du QCD commun à tous les TMS et le score spécifique ont significativement diminué dans les TMS majoritaires de l’étude: lombalgie (p<0,003 et <0,001 respectivement) et scapulalgie (p=0,015 et 0,03 respectivement).

Résumé : L’auteur essaie d’évaluer si quelques données des recherches contemporaines sur l’acupuncture demandent des changements dans la conception ontologique biomédicale du corps. On prétend, avec cette analyse, établir un modèle général de recherche sur la justesse de cette ontologie. Mots-clés : ontologie – biomédecine – acupuncture – qi.
Introduction
La biomédecine peut être comprise comme un champ des recherches scientifiques sur les systèmes organiques ou les maladies, champ qui comprend l’application de ces recherches dans le travail clinique, développé selon les principes épistémiques occidentaux, tels que la recherche étiologique et de la reproductibilité des effets thérapeutiques. L’ininterrompu progrès de la biomédecine suggère (soit au grand public soit même à quelques médecins) une conception ontologique selon laquelle le corps humain serait un ensemble d’organes et systèmes matériaux complètement ordonné par les lois générales de la mécanique et de la physicochimie.
Cette conception semble validée non seulement par les études anatomiques et physiologiques contemporaines (basées sur des techniques très probantes tel que les divers types de tomographie et de résonance disponibles), mais aussi par le grand succès des interventions chirurgicales et des études étiologiques en général. Tellement frappante est l’attestation de la conception biomédicale du corps et tellement fécondantes sont les lignes de recherche suscitées par elle que le grand public peut avoir l’impression que les principaux types d’événements qui caractérisent le corps ont été déjà compris, alors même que cette compréhension n’est pas complète et que de nombreuses recherches sont encore consacrées aux détails de cette machine corporelle. Dans cet article, nous allons réunir quelques données fournies par des recherches sur l’acupuncture et évaluer dans quelle mesure ces données ébranlent cette impression de justesse habituellement associée à la conception ontologique biomédicale du corps. Cette évaluation s’insère dans un projet de post-doctorat en philosophie (développé dans l’Université de São Paulo, Brésil) qui tente d’analyser les caractéristiques des conceptions ontologiques associées aux résultats du travail scientifique.