La réception de l’acupuncture en France. Une biographie revisitée de George Soulié de Morant


Comme le philosophe Michel Onfray qui mit en lumière l’affabulation freudienne à la base de la psychanalyse [1], Johan Nguyen nous offre une vision tout à fait nouvelle de la fabuleuse histoire de George Soulié de Morant. Certes, il ne remet pas en cause le fait que, grâce à lui, l’acupuncture française ait pris son envol en France avec la parution de l’une de ses œuvres majeures en 1934 [2]. Mais par contre, il s’interroge sur la légende du consul acupuncteur dont « le récit officiel  est porteur de bien d’ambigüités» [3]. Pour celui qui connaît la vie de Georges Soulié de Morant, reprenons quelques éléments.  Ainsi il se dit médecin chinois ayant reçu la reconnaissance officielle par le globule de corail ciselé, mais aussi dépositaire d’un diplôme chinois, peinture sur soie de cinq mètres de long portant en relief les signatures de cent personnalités certifiant avoir été guéries par lui (diplôme non retrouvé [8]). Mais avant la mise en place des yisheng(médecins traditionnels dont les chijiao yisheng – médecins aux pieds nus-) et des yishi (médecin au sens occidental) [4], la profession médicale n’était pas structurée et la transmission du savoir se faisait de père en fils ou de maître à élève. Il a peut-être assisté à la fameuse épidémie de choléra de 1902 à Pékin, mais il ne rapporte de cet événement lors de son retour en France que des pratiques superstitieuses comme une procession rogatoire photographiée par ses soins lors d’un voyage  à Huailai xian, ville à 200 km au nord de Pékin sur la route menant à la Mongolie [5]. Il n’a jamais été le seul et unique candidat de la France au prix Nobel de médecine en 1950 [6], cinq autres français, dont René Leriche qui fut régulièrement nominé sans l’obtenir, étaient présentés sur la liste, où d’ailleurs, étrangement, son nom n’y figure pas pour la bonne raison qu’il était enregistré comme candidat chinois [7].

Johan Nguyen objective, preuves à l’appui, grâce à une enquête minutieuse aux Archives Nationales d’Outre-mer, aux Archives du Ministère des Affaires Etrangères,  aux Archives Nationales de Paris etc. que l’histoire de notre Maître Soulié de Morant est truffée d’omissions, d’opportunités et de pans de vie occultés. « Plusieurs événements dans la vie de ce personnage restent voilés de mystère. Par exemple, les raisons pour lesquelles George Soulié de Morant abandonne sa position au ministère des Affaires étrangères demeurent très vagues » alors qu’en janvier 1917 il était promu consul de deuxième classe mais mis aussitôt en disponibilité, impliquant l’absence de rémunération et de droit à la retraite [8]. Troublante aussi sa production littéraire autour de la Chine. Soulié de Morant semble n’avoir jamais rencontré d’intellectuels français en Chine à la même époque, comme Paul Pelliot, Victor Segalen ou Edouard Chavannes. « Concernant la médecine, par exemple, malgré les années passées au Yunnan, Soulié de Morant ne fait jamais allusions aux missions médicales françaises dans le Sud-Ouest de la Chine » [8]. En fait, il faut considérer que Soulié de Morant n’était pas reconnu comme véritable sinologue par les sinologues institutionnels tels Victor Segalen, Marcel Granet ou Henri Maspéro de l’Ecole des Langues Orientales.

Malgré toutes ces zones d’ombre, Soulié de Morant arrive à se forger une image d’expert en acupuncture et de grand connaisseur de la Chine. D’autres avant lui n’avaient pas réussi à implanter l’acupuncture en France. Ainsi par exemple le consul Dabry de Thiersant en poste en Chine pendant sept ans publia en 1863 un ouvrage : ‘La médecine chez les Chinois’, réalisé à partir de dix ouvrages médicaux chinois, dont le Huangdi Neijing et le Zhenjiu dacheng et défendant « l’utilité de la médecine des Chinois pour ‘ l’humanité’ » [9]. De même, ‘Médecine et pharmacie chez les Chinois et les Annamites’ publié en 1902 par le Dr Jules Régnault objective que ‘la Médecine chinoise apparait plutôt comme un édifice scientifique stationnaire mais robuste, forgé par une méthode synthétique et une clinique séculaire’. Il entend par méthode synthétique la méthode qui accumule le résultat de siècles d’observations empiriques, s’additionnant au fil des siècles et sans remise en cause, s’opposant de ce fait à la méthode analytique, méthode scientifique qui formule le progrès de découvertes en découvertes, n’hésitant pas à reformuler les hypothèses au gré des recherches.

En fait ces deux auteurs ne voyaient dans la médecine chinoise que croyances et superstitions mais aussi un certain intérêt pour l’orientalisme à la mode à l’époque [9].

 

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1. Onfray M. Le crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne. 1er éd. Paris: Grasset; 2010.

2. Soulié de Morant G. Précis de la vraie acuponcture chinoise. 1ère éd. Mercure de France; 1934.

3. Nguyen J. La légende du consul acupuncteur. Actes des XVIemes journées de la FA.FOR.MEC; 16-17 novembre 2012; Strasbourg, France. 2012.

4. Hor Ting. Un siècle d’enseignement de la médecine en Chine Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(3):238.

5.Soulié de Morant G. Cangued convicts kneel down before a procession. Institut d’Asie Orientale. [cité le 29 Nov 2012];[1 page]. Available from: URL: http://turandot.chineselegalculture.org/Photographs.php?ID=561.

6. Nomination Database - Physiology or Medicine. Nobelprize.org. [cité le 29 Nov 2012];[1 écran]. Available from: URL: http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/nomination/nomination.php?action=show&showid=5209

7. Nomination Database - Physiology or Medicine". Nobelprize.org. [cité le 29 Nov 2012];[1 écran]. Available from: URL: http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/nomination/nomination.php?action=advsearch&start=841&key1=candcountry&log1==&string1=FR&log10=&log11=&order1=year&order2=nomname&order3=cand1name

8. Candelise L. George Soulié de Morant, le premier expert Français en acupuncture. Revue de synthèse. 2010;131(6-3):373-399. 

9. Guilloux R. Évolution de la "tradition" dans la réception de l'acupuncture chinoise en France (1860-1980). Revue d'anthropologie des connaissances. 2011;5(1):13-40.

 

 



 

Première mission d’enseignement de l’acupuncture auriculaire au Yémen

Témoignage d’une première mission d’enseignement de l’acupuncture auriculaire au Yémen en Novembre 2010. Apport de matériel (des aiguilles ASP, des palpeurs pression) et enseignement pratique et clinique des rudiments de l’acupuncture auriculaire dans le traitement de la douleur et du stress. Il s’agit de la première tentative répertoriée d’introduction de l’acupuncture auriculaire au Yémen. 

Dra Myriam pratiquant l’acupuncture auriculaire chez une paysanne yéménite.Auriculothérapie au Yémen

Expériences au Yémen

Comme Volontaire du Service National (VSN), j’ai eu le privilège de vivre et de travailler au Yémen avec mon épouse Isabelle en 1990 et 1991, alors qu’à 27 ans, j’étais jeune Interne des Hôpitaux de Paris en spécialisation de Radio-Diagnostic et d’Imagerie Médicale. J’avais intégré la Mission Médicale Française fondée par le Docteur Yvette Viallard, radiologue qui était venue en 1960 fonder le premier service de radiologie, à la demande de l’imam Ahmed, quand le Yémen était encore au « Moyen-Âge ». De nombreux VSN se sont ensuite succédés de 1975 à 1992.

Je fus le dernier coopérant radiologue français à exercer au Yémen ; conscient de cela, je m’attelais à la tâche comme seul échographiste dans l’hôpital républicain de la deuxième ville du Yémen du Nord, Taiz, et colligeai pendant ces deux années une expérience et une iconographie qui me permirent de réaliser à mon retour en France ma thèse de Médecine sur « Pratique de l’échographie en République du Yémen. Étude de 1570 cas et atlas d’échographie ». Traduit en anglais, cet atlas fut ensuite présenté par l’auteur à la faculté de médecine de Sanaa en 1994 et reste depuis le seul atlas d’échographie publié au Yémen.

Pendant ces deux années de 1990 et 1991, nous avons vécu sur place au Yémen deux événements historiques : la réunification des deux Yémens en mai 1990, qui nous a permis de découvrir Aden, la côte de l’Océan Indien, ses pécheurs et ses tortues, puis la première guerre du Golfe en 1990-1991 avec l’avantage de voir celle-ci du côté « arabe » et l’immense frustration de ceux-ci devant le cynisme occidental (guerre du pétrole masquée sous des atours de respect du droit international).

Mme Ségolène Belier, co-présidente de l’association Al Baradoni, visant à renforcer les liens entre le Yémen et la France m’a demandé en Juin 2010 de venir enseigner l’acupuncture auriculaire au Yémen.  Nous sommes ainsi partis une semaine du 3 au 10 Novembre 2010 au plus fort de « l’hystérie médiatique occidentale anti-Yémen ». Nous étions ainsi à peu près les seuls occidentaux - hors expatriés - à se rendre au Yémen pendant cette période et avons pu constater sur place que le Yémen n’est pas l’Afghanistan ni le « Yémenistan » qu’on nous présente dans nos journaux. Nous avons été superbement accueillis et tous les Yéménites rencontrés nous ont dit souffrir de cet amalgame entre quelques minoritaires fondamentalistes réfugiés aux frontières du désert et l’immense majorité de la population. 

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