Hyperactivité et troubles de la concentration : de la théorie à la pratique

Pascal Clément

Résumé : L'enfant dit hyperactif est un enfant qui souffre d'un « trouble déficit de l'attention / hyperactivité » (TDAH), syndrome clinique qui associe trouble attentionnel, impulsivité et hyperactivité motrice. Ce trouble est hétérogène dans son expression et son étiologie, mais son retentissement scolaire et psychosocial peut être invalidant. Le trouble ne disparaît pas à l'adolescence et se poursuit à l'âge adulte, nécessitant ainsi un accompagnement prolongé. Son traitement est multimodal. Il repose sur la mise en place de mesures psychoéducatives, ré-éducatives et médicamenteuses. Dans ce contexte, nous nous appliquerons à présenter la lecture que fait la médecine traditionnelle chinoise (MTC) du TDAH et la place qu'elle peut trouver dans la prise en charge globale des patients, en particulier au travers des apports pratiques de l'acupuncture. Mots-clés : TDAH – hyperactivité – attention – enfants - acupuncture.

Summary: The so-called hyperactive child is a child who suffers from "Attention Deficit Hyperactivity Disorder" (ADHD), a clinical syndrome which associates difficulty staying focused and paying attention, impulsivity and motor hyperactivity. This disorder is heterogeneous in its expression and its etiology, but its repercussions at school and psychosocial impacts can be invalidating. The disorder does not disappear in adolescence and continues through adulthood, requiring an extended support. Therapy  includes a combination of treatments. It is based on various types of psychotherapy, education or training, and medication. In this context, we present the Traditional Chinese Medicine (TCM) view about ADHD and the TCM place in the global care of patients, in particular through the practical contributions of acupuncture. Keywords : ADHD – hyperactivity – attention - childs disease - acupuncture.

  

Définition et approche clinique

 

La notion d'hyperactivité de l'enfant n'est pas récente. Les conceptions théoriques opposent encore les partisans de l'hyperactivité « symptôme », ou « instabilité psychomotrice » et ceux qui défendent la notion d'un « syndrome » nommé, selon la classification américaine DSM « trouble déficit de l'attention / hyperactivité » (TDAH, ou ADHD en anglais), et selon la classification de l'OMS (CIM10) « syndrome hyperkinétique ».

La prévalence est estimée entre 3 % et 5 % de la population d'âge scolaire, avec une prédominance masculine mais il est probable que la prévalence soit sous-estimée chez les filles.

La forme du garçon d'âge scolaire est le tableau le plus caractéristique et c'est généralement lors de la scolarisation à l'école élémentaire que la situation apparaît la plus gênante. L'enfant souffre de difficultés précoces et durables dans trois domaines :

-      l'inattention (incluant l'éveil, la vigilance, la distractivité, l'attention soutenue),

-      l'impulsivité (motrice, verbale et mentale),

-      l'hyperactivité.

Ces manifestations sont inappropriées dans leur intensité, compte tenu de l'âge et du niveau de développement de l'enfant, et surviennent dans différentes situations qui nécessitent de l'attention, un contrôle de l'impulsivité et une restriction des mouvements. D'autres symptômes sont fréquemment associés, telle que la désobéissance et la difficulté à respecter les lois, la fluctuation du rendement avec une grande variabilité des résultats, l'autoritarisme et l'entêtement, la versatilité. C'est à partir de l'ensemble de ces symptômes que le diagnostic positif peut être posé. Il s'agit probablement d'un des diagnostics les plus difficiles à établir en psychiatrie et neuropsychiatrie [1].

 Histoire naturelle

 La symptomatologie a la particularité de se modifier dans son expression et son intensité en fonction de différents paramètres. En effet, l'enfant hyperactif n'a pas le même comportement dans toutes les situations et des fluctuations importantes peuvent au contraire être observées.

L'enfant est souvent plus obéissant et moins agité avec son père qu'avec sa mère (plus d'autorité chez le père versus plus d'affect chez la mère mais celle-ci est aussi le plus souvent en première ligne pour les événements de la vie familiale, les rendez-vous chez le médecin, les courses au supermarché, les tâches scolaires, etc. et assume globalement plus d'heures de présence auprès de l’enfant...).

Les enfants TDAH souffrent plus souvent de troubles d'acquisition de la coordination motrice, en particulier dans les tâches de motricité fine. Cela peut constituer une aide au diagnostic.

L'insertion sociale est difficile avec des perturbations des relations avec leurs pairs ce qui entraîne facilement des exclusions par les autres dans les jeux et les activités de groupe et augmente les difficultés à communiquer et à faire comprendre leurs intentions et leurs sentiments.

 

Étiologies et données d'imagerie

 

Elles sont multiples, impliquant des mécanismes :

-        génétiques (les formes familiales sont fréquentes),

-        neurobiologiques (liées à un problème de recapture de la dopamine par les synapses)

-        environnementaux (substances utilisées pendant la grossesse, problèmes obstétricaux ou périnataux, contextes sociaux, familiaux et psychologiques).

En imagerie structurale, les études morphométriques montrent des atteintes plus étendues que ce qui était attendu. Des diminutions du volume du cerveau (lobes, noyau caudé) et du cervelet ont été décrites. En comparaison avec des sujets contrôles, un retard de maturation corticale existe chez ces enfants, particulièrement dans le cortex préfrontal. Ce délai de maturation apparaît significatif.

En imagerie fonctionnelle, les travaux ont surtout étudié les tâches cognitives liées au contrôle de l'attention, à la mémoire de travail et à l'inhibition de réponse. Les sujets atteints de TDAH montrent des dysfonctionnements frontaux pour les tâches impliquant une inhibition de la réponse et temporo-pariétaux pour celles impliquant l'attention. On ne peut néanmoins pas se prononcer sur l'aspect primaire ou secondaire des anomalies décrites [1].

 

Évaluation et diagnostic

 

Le diagnostic est clinique et repose sur l'analyse de l'histoire des troubles, l'analyse sémiologique, l'étude des comorbidités et de l'environnement familial.

L'évaluation clinique sera complétée par des évaluations cognitives (neuropsychologues) et l’évaluation de l'efficience intellectuelle afin de vérifier le niveau normal de celle-ci mais aussi repérer une précocité associée ou au contraire une insuffisance qui a son propre retentissement sur les capacités attentionnelles d'un enfant.

Différents tests et échelles d'évaluations (échelles de Conners, Attention deficit and hyperactivity disorder rating scale) peuvent étayer le diagnostic mais ne remplacent pas le diagnostic clinique. Elles peuvent néanmoins aider à suivre l'évolution de la symptomatologie sous traitement.

  

Formes cliniques et variations selon le stade de développement [1]

 

On décrit trois formes cliniques (en fonction de l'intensité respective des trois ensembles symptomatiques)

-      forme mixte, la plus fréquente

-      forme à hyperactivité / impulsivité prédominante

-      forme attentionnelle avec peu ou pas d'hyperactivité motrice : enfant plus en retrait socialement avec moins de problèmes de conduite.

 

Hyperactivité chez le jeune enfant et l'enfant d'âge préscolaire 

Parfois repérable dès les premiers mois de vie. En raison de leur activité motrice excessive et de leurs difficultés à appréhender le danger, ils sont particulièrement exposés aux risques d'accidents domestiques. Ceux qui ont, outre les caractéristiques de l'hyperactivité, un comportement agressif et négatif ont le plus de risques de présenter des troubles persistants. Néanmoins l’influence des facteurs environnementaux est telle que rien n'est joué avant 5 ans.

 

Hyperactivité chez l'adolescent 

La persistance du trouble à l’adolescence est possible et réalise un tableau identique à celui de l'enfance. Néanmoins, l'hyperactivité diminue mais l'impulsivité et l'inattention demeurent stables, interférant avec les résultats scolaires et conduisant à des infractions aux règles familiales, scolaires ou sociales. Les difficultés d'adaptation dans le domaine scolaire, éducatif et interpersonnel sont importantes et contribuent à détériorer la relation parents/enfant et à aggraver la mésestime de soi de l'adolescent. On observe alors souvent des conduites à risque à la recherche de sensations et de nouveauté pouvant déboucher sur des conduites addictives ou des choix de vie marginaux.

 

Variations selon le sexe

Peu de différences sont mises en évidence dans le comportement des filles et des garçons hyperactifs. Ainsi les comportements semblent similaires chez les 6/11 ans en ce qui concerne l'impulsivité et l'inattention. Néanmoins, à symptomatologie équivalente, les consultations en pédopsychiatrie se font plus souvent pour les garçons que pour les filles.

 

Formes associées à d'autres comportements perturbateurs

On observe fréquemment un trouble oppositionnel avec provocation et un trouble des conduites qui sont directement influencés par l'environnement familial avec un risque d'évolution vers une personnalité antisociale et des abus de substances.

Les troubles de l'apprentissage doivent être systématiquement recherchés.

Les troubles anxio-dépressifs peuvent précéder, accompagner ou encore être la conséquence du TDAH par le biais de la mésestime de soi et du rejet des autres.

 

Autres comorbidités

Les tics chroniques, le syndrome de Gilles de la Tourette, l'énurésie et encoprésie.

Les troubles du sommeil sont fréquents.

 

Diagnostics différentiels

 

Le diagnostic est difficile en préscolaire et il n'est pas aisé de distinguer un TDAH d'un comportement turbulent chez un enfant vivant dans un environnement désorganisé.

Une symptomatologie de type trouble attentionnel avec impulsivité et hyperactivité peut s'observer chez les enfants souffrant de troubles envahissants du développement - TED (autisme) ou de retard mental. Il s'agit là de symptômes associés, mais il ne s'agit pas du TDAH « syndrome », qui exclut l'existence d'un autre trouble mental en diagnostic principal [1].

De même, il n'est pas toujours facile de faire la différence entre TDAH avec comorbidité associée et une autre pathologie psychiatrique avec trouble attentionnel associé...

L'épilepsie peut entraîner aussi des troubles attentionnels et comportementaux de même que certains médicaments (corticoïdes, bronchodilatateurs...).

  

Approche thérapeutique

 

Multidisciplinaire

Il est nécessaire d'associer différentes approches thérapeutiques chez l'enfant lui-même, mais aussi d'inclure des moyens d'actions au niveau de la famille et de l'école.

Le traitement pour un enfant donné doit être individualisé avec au minimum une guidance psychoéducative de l'enfant et de sa famille, et des aménagements scolaires.

Ensuite seulement, et selon les cas, on y associe une approche psychothérapeutique, une rééducation, un traitement médicamenteux.

 

Médicaments

Ils ne peuvent en aucun cas se substituer aux mesures éducatives indispensables et aux autres approches thérapeutiques rééducatives ou psychothérapeutiques.

Le méthylphénidate (Ritaline*, Concerta*, Quasym*) est un stimulant du système nerveux central qui augmenterait la concentration de la dopamine et de la noradrénaline dans la fente synaptique. L'efficacité clinique ne paraît pas corrélée aux taux plasmatiques, très variables d'un enfant à l'autre pour une même dose et donc sans intérêt pour la conduite pratique du traitement. Il s'agit d'un médicament qui figure dans le groupe des stupéfiants et qui a l'autorisation de mise sur le marché (AMM) en France sous le libellé « troubles déficitaire de l'attention avec hyperactivité chez l'enfant de plus de 6 ans sans limite supérieure d'âge ». Les effets spécifiques sont documentés (chez les répondeurs) dans les trois domaines : moteurs, sociaux et cognitifs. Les effets indésirables sont réputés peu importants et le médicament est souvent bien supporté néanmoins. La revue Prescrire [2,3] précise que le méthylphénidate n'est à utiliser que chez les enfants très gênés par un syndrome d'hyperactivité avec déficit de l'attention (et non pas pour des enfants simplement turbulents), en dernier recours en raison de la nature amphétaminique de cette molécule qui a une efficacité symptomatique à court terme (dans 75 % des cas) et beaucoup d'effets indésirables (allant jusqu'à la mort subite). De plus, la durée du traitement ne peut être annoncée au départ mais on estime qu'il est inutile de le poursuivre plus d'un mois en l'absence d'amélioration. Le retentissement sur la croissance a été évoqué mais semble lié eu TDAH lui même et non au traitement.

La supplémentation en fer semble être un appoint intéressant chez les enfants présentant un taux abaissé de ferritine.

 

L'alimentation

L'influence de l'alimentation a été confirmée par l'étude INCA en 2011 [4] où une restriction alimentaire majeure pendant 5 semaines semble améliorer 60 % du groupe d'enfants (4 à 8 ans) concernés, mais cela est inapplicable voire dangereux pour une utilisation prolongée. D'une manière générale, on conseille d'éviter le plus possible les aliments trop sucrés, le café, les colorants alimentaires et autres stimulants.

Une hypothèse a été émise quant à un rôle des colorants alimentaires dans l'exacerbation de comportements d'hyperactivité chez les enfants. Une étude clinique comparative en double aveugle, versus placebo, selon une méthodologie croisée, chez 297 enfants représentatifs de la population générale, a montré des scores d'hyperactivité supérieurs dans les périodes de prise de colorants alimentaires (sous forme de boissons à base de jus de fruits contenant ou non les addictifs). Une méta-analyse de 15 essais cliniques en double aveugle, qui ont évalué des colorants alimentaires chez des enfants déjà considérés comme hyperactifs, a montré une augmentation de leur hyperactivité. En pratique, même si le mécanisme de ce phénomène n'est pas élucidé, ces données incitent à éviter d'exposer les enfants aux colorants alimentaires [1].

La L-tyrosine, acide aminé précurseur du neurotransmetteur dopamine est présente en grande quantité dans la chair blanche, comme le poulet et le poisson et l'on peut encourager leur consommation.

 

Psychothérapies

Cognitivo-comportementales ou psychodynamiques, nous ne les décrirons pas ici.

 

Rééducations

En orthophonie liées aux troubles d'apprentissage et en psychomotricité pour traiter les troubles de la coordination.

 

Liens avec l'école

Sensibiliser les enseignants aux difficultés spécifiques aux troubles attentionnels et prévoir des aménagements tels que projet personnalisé de scolarisation avec le médecin scolaire voire reconnaissance du handicap auprès de la maison départementale des personnes handicapées.

  

L'hyperactivité en médecine chinoise

 

Il n'y a pas vraiment de termes en MTC pour traduire le TDAH et tout au plus peut-il être évoqué dans les textes classiques [5] :

« Un yang puissant renforce les jambes, permettant d'aller au plus haut ; un yang excessif conduit à un discours délirant, ou l'on maudit et sermonne l'entourage sans distinction ». (Questions simples, Huangdi Neijing, Suwen) ;

« Les enfants caractérisés par l'exubérance de Sang et de qi seraient inquiet et agités ». (Essais sur la pathogenèse et les manifestations de diverses maladies, Zhubingyuanhoulun ; 610) ;

« Silence puis logorrhée sans raison ou encore activités excessives désordonnés et sans jugement ». (Prescriptions valant milles pièces d'or, Qian Jin Fang, 652) ;

« L’enfant distrait qui commence toujours brillamment sa scolarité mais ne termine jamais, parlant toujours correctement mais oubliant sans arrêt ce dont il parle ». (La réalisation de la longévité en gardant la Source, Shoushibaoyuan, 1616)

 

Physiopathologie

 

L'hyperkinésie infantile se caractérise par une hyperactivité qui empêche l'enfant de se concentrer et de rester tranquille pendant une période de temps à laquelle on s'attendrait pour un enfant de cet âge. En raisonnant selon la MTC, elle peut être due à un trouble des fonctions du Cœur et du Foie. Le Cœur contrôle l'Esprit (shen) et les sentiments. Lorsque le yin du Cœur est insuffisant, la Feu, par insuffisance, flambe alors vers le haut. Le Cœur perd alors sa capacité à contrôler l'Esprit, l'agitation s'installe. Le Foie a pour fonction d'harmoniser et de régulariser la circulation du qi et du Sang. La nature du Foie appartient au Bois. Le Vent est la première caractéristique de la saison du printemps, qui appartient également au Bois. La nature du Vent est d'être en mouvement. Une insuffisance du yin du Foie provoque la transformation du yang du Foie en Vent interne, qui à son tour déclenche l'hyperactivité [6,7].

Les enfants ont également des organes délicats qui restent très fragiles aux agressions, alimentaires en particulier. Une consommation excessive de produits laitiers, aliments gras, graisses animales, sucre, fragilisent la Rate et conduisent à la formation de Glaires. Les Glaires peuvent obstruer l'Esprit. Elles constituent un facteur pathogène « lourd » et alors qu'au niveau physique elles provoquent une impression de lourdeur du corps, au niveau psychique et émotionnel, elles « pèsent » aussi sur la personne et aggravent les états dépressifs et la mésestime de soi. A un certain degré, les Glaires obstruant l'esprit peuvent engendrer de la confusion mentale qui peut aggraver l'apathie ou l'excitation, engendrant alors une agitation, une conduite maniaque, une insomnie lorsqu'elles s'associent avec de la Chaleur [8].

Une fois formées, les Glaires suivent le Sang et peuvent aggraver une insuffisance ou une stase de Sang de par la relation d'échange mutuel entre les Liquides Organiques et le Sang.

On lit dans les questions simples du Huangdi Neijing, Suwen « ce n'est que lorsque le yin est en paix et le yang rassemblé que l'Esprit et l'Essence sont en harmonie » or, l’Essence (jing) est considérée comme l'origine et la base du shen, le shen d'un être nouvellement conçu provient donc du jing prénatal de son père et de sa mère. Après la naissance, le jing prénatal est mis en réserve dans le Rein et assure la base du shen. Si l'on considère les organes touchés, le premier à l'être est le Rein, puisqu'il ne peut enraciner le jing adéquatement. Ainsi, la fonction de loger le zhi est affectée. Comme le jing est faible (hérédité, problème de la mère à la grossesse, qualité du jing du père), cela affecte le yin du Rein, qui ira de son côté troubler le yin du Foie (flottement du hun). Le Foie ne peut retenir le yang, qui monte à la tête et va aussi affecter le Cœur et le shen. Le yang du Foie en excès peut aussi aller agresser la Rate et sa fonction d'enraciner le yi, d’où les symptômes de manque de concentration et de difficultés d'apprentissage. De plus, si le jing est faible, le po décline (Poumon), le qi de disperse, et le hun flotte [9].

Enfin, si l'hyperactivité se manifeste dès la naissance, il est indispensable de rechercher également un mécanisme traumatique psychique lors de la grossesse de la mère. Cet aspect implique les merveilleux vaisseaux (yinweimai et yangqiaomai) [10]. 

 

Tableaux cliniques

 

On peut individualiser quatre tableaux cliniques [5,6,9], correspondants aux trois formes cliniques occidentales :

-      Chaleur dans le Cœur et le Foie : forme hyperactif/impulsif

-      Glaires Chaleur : forme hyperactif/impulsif

-      Vide du Cœur et de la Rate : forme attentionnelle prédominante

-     Vide du Foie et de la Rate : forme mixte

Le Vide des Reins constitutionnel pourra être envisagé dans les formes du jeune enfant préscolaire ou dans les formes vues tardivement.

Si la maladie est située dans le Cœur, les symptômes comprennent l'inattention, l'instabilité émotionnelle, rêverie, et dysphorie.

Si la maladie se trouve dans le Foie, les symptômes comprennent l'impulsivité, l'hyperkinésie, l'irritabilité et le manque de maîtrise de soi.

Si la maladie est située dans la Rate, les symptômes comprennent l'inattention et une mauvaise mémoire.

Si la maladie est située dans le Rein, les symptômes comprennent de mauvais résultats scolaires et de la mémoire, une énurésie, des douleurs, une petite taille et la faiblesse des genoux.

 

Les syndromes de plénitude se trouvent toujours à un stade précoce du TDAH, dominé par la Chaleur dans le Cœur et le Foie, les troubles internes de Glaires-Chaleur.

Les syndromes de vide se trouvent toujours dans la phase tardive du TDAH, dominés par le vide de yin de Foie et des Reins et le vide de Cœur et de la Rate.

Un TDAH ancien devra faire évoquer un vide profond et constitutionnel.

S'il y a un vide de yin, les symptômes comprennent l'inattention, la mauvaise maîtrise de soi, la labilité émotionnelle et la distraction. S'il y a un excès de yang, les symptômes comprennent
l'hyperactivité, la logorrhée, l'impulsivité et l'obstination, l'irritabilité.

  

Principes thérapeutiques et exemples de points [5,6,9]

 

-      Chaleur dans le Cœur et le Foie : clarifier le Cœur et apaiser le Foie, stabiliser l’Esprit. Shenmen (C7), taichong (F3), fengchi (VB20), xinshu (VE15), ganshu (VE18), shenshu (VE23), sishencong (EX-HN 1).

-      Glaires-Chaleur : disperser la Chaleur, apaiser le Cœur et dissoudre les Glaires. Dazhui (VG14), neiguan (MC6), fenglong (ES40).

-      Vide du Cœur et de la Rate : Nourrir le Cœur et Tonifier la Rate. Fengfu (VG16), fengchi (VB20), shangxing (VG23), jianshi (MC5), zusanli (ES36), taichong (F3), qihai (VC6), geshu (VE17).

-      Vide du Foie et de la Rate : Tonifier le Foie et Renforcer la rate. Shenmen (C7), shenting (VG24), baihui (VG20), houxi (IG3), zusanli (ES36), pishu (VE20), ganshu (VE18), taichong (F3).

Le cas échéant, soutenir yinweimai (zhubin RE9, neiguan MC6), yangqiaomai (fengfu VG16, shenmai VE62), et le vide de Rein (shenshu VE23, taixi RE3, jingmen VB25, guanyuan RM4).

En prévention, l'attention sera portée sur l'alimentation, en particulier pour modérer une consommation excessive de produits laitiers, aliments gras, graisses animales, sucre, et dans les cas intriqués qui ne sont pas rares, il faudra interroger les parents pour repérer les causes essentielles et traiter. En effet, l'acupuncture doit être utilisée en combinaison avec d'autres traitements, ce qui rejoint l'approche multimodale de la médecine occidentale.

 

Mise en pratique des théories 

 

Revue de la littérature

 

En 2011, Lee et coll. [11] publient une revue systématique de la littérature comprenant 114 études d'acupuncture, électroacupuncture (EA) et auriculothérapie associées au TDAH. Seules trois études répondent aux critères d'inclusion :

-     Une étude montre que l'électroacupuncture (EA) + traitement comportemental est supérieure à EA factice + traitement comportemental [12].

-  Deux études rapportent un bénéfice significatif de l'acupuncture ou l'acupuncture auriculaire par rapport aux traitements médicamenteux conventionnels [11,13].

Ces résultats encourageant corroborent notre expérience de terrain. Les auteurs concluent néanmoins que les preuves sont insuffisantes pour l'efficacité de l'acupuncture en tant que traitement symptomatique.

Dans le même temps, la revue Cochrane publie également ses conclusions en excluant l'EA et l'auriculothérapie mais ne retient aucune étude d'acupuncture, celle publiée par l'équipe de Lee étant biaisée par le fait que l'acupuncture n'est pas comparée au traitement de référence (méthylphénidate) mais à une autre molécule [14].

Ainsi, compte tenu du manque d'essais disponible, il n'est pas possible de tirer de conclusions concernant l'efficacité et l'innocuité de l'acupuncture dans le TDAH de l'enfant et de l'adolescent.

 

Discussion et relations avec la médecine occidentale

 

La composante génétique ou environnementale du TDAH trouve un écho en MTC avec les déficiences constitutionnelles du jing et l'implication des Merveilleux Vaisseaux.

La supplémentation en fer pouvant être un appoint intéressant chez les enfants présentant un taux abaissé de ferritine, peut correspondre aux interrelations permanentes entre Liquides Organiques et Sang.

 

Les expériences de restrictions alimentaires majeures, améliorant la symptomatologie, peuvent renvoyer aux conseils diététiques destinés à éviter la formation de Glaires.

Enfin, à partir d'études d'imagerie, il existe des preuves solides que l'acupuncture a un effet considérable sur le système limbique, site de projection dopaminergique qui participe au contrôle des processus motivationnels et de récompense... Les études à ce sujet semblent montrer qu'il s'agit plutôt d'un effet général de l'acupuncture plus que spécifique, qui ne dépend pas forcement du site de l'aiguille mais plutôt d'une combinaison de facteurs incluant le stimulus et à un certains degré les convictions et les attentes du patient... Cela peut expliquer les difficultés à reproduire et mesurer dans des études standardisées les effets positifs que nous constatons dans nos cabinets [15,16].

 

Conclusion

 

La médecine traditionnelle chinoise nous permet d'appréhender ce trouble complexe, au diagnostic difficile, avec un point de vue nouveau, complémentaire et prometteur, que ce soit dans l'approche diagnostique nécessairement globale et qui constitue déjà l'essence de notre pratique, que dans la stratégie thérapeutique proposée, incluant conseils nutritionnels et acupuncture et s'intégrant particulièrement bien à la prise en charge multimodale recommandée en médecine occidentale. Plus que jamais, le raisonnement rigoureux du médecin et l'analyse des données de la littérature scientifique doivent nous conduire, à mettre en pratique nos théories et les confronter à nos pairs, médecins occidentaux ou acupuncteurs, en soignant nos études pour le souci commun que nous avons de la santé de nos patients et aboutir à une véritable pratique médicale intégrative.

 


 

Références

 1. Le Heuzey M.-F. Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant. In : EMC Traité de Médecine Akos. Paris: Elsevier Masson SAS ; 2012. 8-0870.

2. Colorants alimentaires et symptômes d’hyperactivité chez des enfants. La revue Prescrire. 2009 ; 338(29) :433.

3. Hyperactivité avec déficit de l'attention : gare au dérapage (suite). La revue Prescrire. 2004 ; 249(24).

4. Pelsser LM, Buitelaar JK. Effects of a restricted elimination diet on the behaviour of children with attention-deficit hyperactivity disorder (INCA study): a randomised controlled trial. Lancet 2011;377: 494-503.

5. Ni X, Zhang-James Y, Han X, Lei S, Sun J, Zhou R. Traditional Chinese medicine in the treatment of ADHD: a review. Child Adolesc Psychiatr Clin N Am. 2014 Oct;23(4):853-81.

6. Chen Jirui, Nissi Wang. Acupuncture : observations cliniques en chine. Paris : SATAS;1992.

7. Dinouart-Jatteau P. Maladies courantes de l'enfance. EMN. Paris. IC-19, 1992, 26p.

8. Maciocia Giovanni. Les principes fondamentaux de la médecine chinoise. 2e ed. Paris: Elsevier Masson ; 2005.

9. Boisvert MP. Evaluation énergétique du TDHD et ses méthodes de traitement. Canada: Collège de Rosemont ; 2009.

10. Desoutter B. Trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Actes du 9e Congrès de la Faformec; 18-19 novembre 2005; Lyon, France. 2005.

11. Lee MS. Acupuncture for treating attention deficit hyperactivity disorder: A systematic review and meta-analysis in Chinese Journal of Integrative Medicine. 2011;17(4 ) : 257-260.

12. Li SS, Yu B, Yan B, Kang L, Jiang SH, Li W, et al. Randomized- controlled study of treating attention deficit hyperactivity disorder of preschool children with combined electro-acupuncture and behavior therapy. Chin Archi Tradit Chin Med (Chin) 2009;27:1215–1218.

13. Liu M. Clinical observation of auricular pressing therapy for 40 patients with attention deficit hyperactivity disorder. Zhejiang J

Tradit Chin Med (Chin) 2007;42:533.

14. Li. Acupuncture pour le traitement du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) chez l'enfant et l'adolescent. Revue Cochrane en ligne. 2011.

15. White A, Cummings M, Filshie J, Stéphan JM. Précis d'acupuncture médicale occidentale. 1e ed. Paris: Elsevier Masson; 2011.

 16. Clément P. Hyperactivité et troubles de la concentration : de la théorie à la pratique. Actes du 18e congrès de la Faformec; 28 et 29 Novembre 2014; Tarbes, France. 2014.

Part de l'acupuncture dans la prise en charge des acouphènes : une solution d'avenir ?

 

Résumé : Introduction : la prise en charge actuelle des acouphènes ne peut s'envisager sans être globale et multidisciplinaire devant la multiplicité des contextes cliniques rencontrés. Cette prise en charge globale de l'individu est un des piliers de la Médecine Traditionnelle Chinoise. L'objectif ici est de faire un état des lieux des traitements allopathiques connus, d'évaluer l'apport thérapeutique de l'acupuncture dans l'état actuel des connaissances et de relater les essais cliniques déjà réalisés à ce sujet. Méthodes : description des connaissances actuelles allopathiques et acupuncturales, concernant le traitement des acouphènes, revue de littérature. Résultats : la totalité des essais analysés présente des biais méthodologiques. Conclusion : il n'est pas possible de conclure quant à un éventuel apport thérapeutique de l'acupuncture dans le traitement des acouphènes à l'heure actuelle. Mots-clés : acupuncture – acouphènes - revue de littérature - essai randomisé.

Summary: Introduction : the current management of tinnitus cannot be considered without being global and multidisciplinary in the face of multiplicity of clinical contexts encountered. This comprehensive care is one of the pillars of Chinese Traditional Medicine. The objective here is to make an inventory of known allopathic treatments, to evaluate the therapeutic contribution of acupuncture in the current state of knowledge an to report the clinical trials already carried out. Methods: description of the current allopathic and acupunctural knowledge, concerning the treatment of tinnitus, literature review. Results: the totality of analyzed trials presents methodological biases. Conclusion: it's not possible to conclude with regard to a pôssible contribution of acupuncture in the treatment of tinnitus at present. Keywords: acupuncture – tinnitus - literature review - randomized trials.

 

Introduction

Les acouphènes constituent un motif de consultation fréquent en médecine générale. Cette pathologie, plus ou moins invalidante et ayant un retentissement plus ou moins important sur la qualité de vie des patients, suscite encore à notre époque beaucoup d'interrogations. Ils peuvent être définis comme la perception personnelle et exclusive d'un bruit, sans qu'il n'y ait eu de stimulation extérieure à l'appareil auditif (comparable à un "mirage sonore"). On peut le ressentir de manière unilatérale ou bilatérale [1]. En Médecine Traditionnelle Chinoise, il est parfois désigné sous le terme de "chant d'oreille".

Prévalence

Différentes études estiment que la prévalence des acouphènes dans la population générale varie de 10 à 15%. Les acouphènes dits invalidants, c'est-à-dire entrainant une franche altération de la qualité de vie, toucheraient en France environ 1% de la population générale, soit plus de 600 000 personnes [2,3].

Facteurs de risque

Il existerait différents facteurs de risques liés à leur apparition: l'âge (leur prévalence augmenterait régulièrement au cours de la vie, probablement en lien avec l'apparition de la presbyacousie), l'exposition régulière au bruit (qu'elle soit d'origine professionnelle ou non), l'association à une hypoacousie quelqu'en soit son origine (les patients acouphéniques présenteraient plus volontiers une altération de la fonction auditive), certaines affections ORL ou stomatologiques chroniques (otites moyennes, sinusites, dysfonctionnement de l'articulation temporo-mandibulaire, pose de drains transtympaniques dans l'enfance...), les facteurs psychologiques de comorbidité (anxiété, dépression...), certains  facteurs de risque cardio-vasculaire (Hypertension Artérielle, tabagisme, dyslipidémies...), certains facteurs environnementaux (conditions socio-économiques défavorables) [4-6].

Physiopathologie

Plusieurs hypothèses existent concernant la physiopathologie des acouphènes. Ils résulteraient d'une activité neuronale aberrante qui serait perçue comme un son par les centres auditifs. L'atteinte pourrait avoir différentes origines. Ils pourraient être la conséquence d'un trouble de conduction sur les voies nerveuses de l'audition ; ou d'une atteinte des structures périphériques de l'audition (cellules ciliées externes, cellules ciliées internes, nerf auditif) ou de structures extrasensorielles ; voire d'une atteinte centrale [7].

 

Etiologies en médecine allopathique

De nombreuses étiologies sont évoquées. On peut les répertorier selon que les acouphènes soient subjectifs (perçus uniquement par le malade) ou objectifs (pouvant être perçus par un auditieur extérieur).

Acouphènes subjectifs

On distingue les atteintes de l'oreille externe (bouchon de cérumen, otite externe, ostéome ou exostose du conduit), de l'oreille moyenne (otite moyenne aigue, otite séromuqueuse, choléstéatome, otospongiose), de l'oreille interne (maladie de Ménière, traumatismes, exposition sonore excessive, presbyacousie, surdité brusque, origine toxique ou médicamenteuse, labyrinthite infectieuse), des voies nerveuses de l'audition (neurinome de l'acoustique, maladie de Paget, atteinte du système nerveux central), les atteintes cervico-faciales (pathologies de l'articulation temporo-mandibulaire, cervicales voire sinusiennes), les causes générales (hypertension artérielle, hypotension orthostatique, anxiété, dépression, facteurs de risque cardio-vasculaires...) [8].

Acouphènes objectifs

Citons les acouphènes pulsatiles, liés à une origine vasculaire (fistules artério-veineuses, anévrysmes) ou tumorale (tumeurs glomiques notamment), et les acouphènes d'origine mécanique, à bruit de cliquetis (atteinte de la trompe d'Eustache, de l'articulation temporo-mandibulaire, du voile du palais, des muscles de l'oreille moyenne).

Ainsi, devant la multiplicité des contextes rencontrés, l'interrogatoire, l'examen physique (dont les tests à visée ORL : acoumétrie, audiométrie tonale et vocale, tympanométrie) et les examens complémentaires (IRM, bilans biologiques, mesure des otoémissions acoustiques, des Potentiels Evoqués Auditifs) revêtent toute leur importance [9].

Traitements en médecine allopathique

Le traitement des acouphènes ne peut s'envisager sans être pluridisciplinaire. On associe souvent aux traitements étiologiques, quand ils sont possibles (par exemple la chirurgie, le cas échéant) d'autres thérapeutiques telles la thérapie sonore (appareillages ayant pour but de "masquer" les acouphènes selon différentes techniques), les techniques d'occlusodontie telles la pose de gouttières (le cas échéant), la psychothérapie de soutien ou cognitivo-comportementale, le counselling ( dans le cas des acouphènes, consiste surtout en une information du patient sur ses acouphènes par séances dédiées ; on l'appelle Tinnitus Retraining Therapy si associé à la thérapie sonore), le biofeedback, la sophrologie, l'hypnose [10,11].

 

Rapport des méridiens avec l'oreille

En Médecine Traditionnelle Chinoise, l'oreille est un lieu de convergence de plusieurs méridiens. On peut citer le lingshu, 28 : "l'oreille est un lieu où s'assemblent les mai ancestraux", mai signifiant "vaisseau" en mandarin. Certains méridiens présentent donc des rapports anatomiques étroits avec l'oreille, que cela soit par leur trajet principal, leur méridien distinct, leur méridien luo de communication ou leur méridien tendino-musculaire [12].

Méridien du Triple Réchauffeur

Une branche interne part du thorax (point danzhong (17RM), où il recontre le méridien du Maître du Cœur), s'achemine vers le creux sus-claviculaire au point quepen (12E), puis remonte le long du cou et du muscle sterno-cléïdo-mastoïdien vers le point tianyou (16TR). Ensuite, elle passe en arrière de la mastoïde et de l'oreille jusqu'à son apex au point jiaosun (20TR). Du point yifeng (17TR) (ou du point jimo (18TR) selon certains auteurs dont Nguyen Van Nghi), une branche rentre dans l'oreille, puis en ressort en avant du tragus en croisant le point tinggong (19IG), vers ermen (21TR) puis heliao (22TR). Selon certains auteurs, cette branche croise shangguan (3VB), selon d'autres, elle passe en avant de tinghui (2VB).

Méridien de la Vésicule Biliaire

Le trajet externe du méridien passe par tinghui (2VB), point situé juste en avant de l'oreille. Plus loin, il contourne l'oreille en décrivant une courbe au-dessus et en arrière, de shuaigu (8VB) à wangu (12VB). À noter qu'il croise le méridien du Triple Réchauffeur au niveau du point jiaosun (20TR). Pour certains auteurs, la branche pénétrant dans l'oreille depuis le méridien du Triple Réchauffeur serait issue de fengchi (20VB). Enfin, il existerait un dernier rameau qui pénètrerait dans l'oreille, à partir de touqiaolin (11VB) ou de wangu (12VB).

Méridien de l'Intestin Grêle

Le point tinggong (19IG) présente d'étroites relations avec les deux méridiens du niveau énergétique shaoyang. De plus, dans le trajet externe du méridien, celui-ci, après avoir croisé les autres méridiens yang au point dazhui (14DM), part vers le creux sus-claviculaire et le point quepen (12E). De là, une branche chemine le long du cou vers quanliao (18IG). Selon certains auteurs, une branche profonde y pénètrerait dans l'oreille ; selon d'autres cette branche profonde serait issue de tinggong (19IG).

Méridien de la Vessie

Après avoir croisé le méridien du dumai au point baihui (20DM), une branche part du méridien de la Vessie vers l'extrémité supérieure du pavillon en croisant le méridien de la Vésicule Biliaire sur tous ses points de qubin (7VB) à wangu (12VB).

Méridien de l'Estomac

Après avoir rencontré le méridien du renmai et le méridien controlatéral de l'Estomac au point chengjiang (24RM), il va vers l'angle inférieur de la mandibule au point daying (5E). D'où partent deux branches : l'une monte en avant de l'oreille en passant successivement par les points shangguan (3VB), xuanli (6VB), xuanlu (5VB), hanyan (4VB), puis touwei (8E) sur la région temporale avant de se terminer sur le front au niveau du point shenting (24DM) ; l'autre descend vers la fosse sus-claviculaire et quepen (12E), puis vers dazhui (14DM) où elle rencontre les autres méridiens yang.

Méridien luo du Gros Intestin

Concernant les méridiens luo de communication, un seul présente des rapports étroits avec l'oreille : le luo du Gros Intestin. En effet, à partir de jianyu (15GI), celui-ci arrive au creux sus-claviculaire et quepen (12E) puis au cou et à l'angle de la mandibule où il se déploie en deux branches : l'une vers les dents, l'autre vers l'oreille. Celle-ci communique avec les autres méridiens qui arrivent à l'oreille.

Méridien distinct (jingbie) du Maître du Cœur

Concernant les méridiens distincts, là encore, un seul présente des rapports avec l'oreille : le méridien distinct du Maître du Cœur. De tianchi (1MC), où il nait, il se dirige à l'horizontale vers yuanye (22VB), puis pénètre dans la poitrine vers le Cœur où il se divise en deux branches : l'une se connecte avec les trois Réchauffeurs ; l'autre monte au cou au point lianquan (23RM) puis chemine vers tianyou (16TR) où il se connecte au méridien principal et au méridien distinct du Triple Réchauffeur ; puis il se relie, au-dessus de wangu (12VB), avec les méridiens du Triple Réchauffeur et de la Vésicule Biliaire. Il s'agit du Cinquième Accord ou Cinquième Confluence (liaison Enveloppe du Cœur-Triple Réchauffeur, en vertu du rapport interne-externe).

Méridiens tendino-musculaires

Méridien tendino-musculaire de la Vessie

Une sous-branche issue du creux sus-claviculaire et quepen (12E), se divise en deux branches : l'une part vers la mastoïde et wangu (12VB), l'autre parcourt la joue jusqu'à quanliao (18IG) où elle croise les autres méridiens tendino-musuclaires yang du pied.

 

Méridien tendino-musculaire de la Vésicule Biliaire

À partir du creux sus-claviculaire et quepen (12E), il monte sur le bord latéral du cou et contourne l'oreille, derrière laquelle il se divise en deux branches : l'une passe derrière l'apex de l'oreille vers le sommet du crâne et baihui (20DM), l'autre descend de la tempe vers la joue et la mandibule où elle rencontre les autres méridiens tendino-musuclaires yang du pied

 

Méridien tendino-musculaire de l'Estomac

Il chemine vers l'angle de la mandibule à partir du creux sus-claviculaire et quepen (12E), puis se divise en trois branches : l'une vers l'oreille, la seconde vers quanliao (18IG) où elle croise les autres méridiens tendino-musuclaires yang du pied, la troisième encercle la bouche et monte vers le nez et les yeux.

 

Méridien tendino-musculaire de l'Intestin Grêle

Une branche se déploie sur la scapula, puis part vers la face latérale du cou où elle se situe entre, d'une part, le méridien tendino-musuclaire de l'Estomac en avant, et d'autre part, les méridiens tendino-musuclaires de la Vessie et de l'Intestin Grêle en arrière. Puis, elle s'y divise en deux branches : une branche antérieure vers l'angle de la mandibule qui longe la mandibule vers l'oreille, et une branche postérieure qui se fixe au processus mastoïdien (d'où une petite branche part vers l'oreille), puis encercle l'oreille afin de relier la branche antérieure avant d'aller vers la joue.

 

Méridien tendino-musculaire du Triple Réchauffeur

Depuis l'angle de la mandibule, une sous-branche monte devant l'oreille puis passe du canthus externe de l'œil vers la tempe et benshen (13VB) où elle croise les autres méridiens tendino-musuclaires de la main.

Méridiens curieux

Vaisseau yang du Talon (yangqiaomai)

Depuis la fosse sus-claviculaire, il atteint la face en passant successivement par les points dicang (4E), juliao (3E), chengqi (1E), puis jingming (1V) où il croise le yinqiaomai, avant d'aller vers le vertex.

 

Vaisseau yang de Liaison (yangweimai)

Depuis jianjing (21VB), il monte vers le cou, puis vers l'oreille. Ensuite, il atteint le front puis décrit une courbe au niveau du crâne en empruntant tous les points du méridien de la Vésicule Biliaire de benshen (13VB) à fengchi (20VB) ; pour certains auteurs, il "se répand à l'oreille". Ensuite, il chemine vers fengfu (16DM) et se termine à yamen (15DM).

 

Vaisseau Gouverneur (dumai)

Certains trajets énergétiques gagnent la mastoïde depuis fengfu (16DM). De plus, baihui (20DM) est étroitement interconnecté avec des branches qui gagnent l'oreille, comme vu précédemment.

Oreille et viscères

Concernant les rapports de l'oreille avec les Entrailles (fu), il semble que l'oreille soit fondamentalement liée aux Reins. De nombreux textes classiques tels le lingshu ou le suwen traitent de l'influence directe de ce Viscères (zang) sur l'oreille et la fonction auditive. De plus, il convient de noter le rôle joué par le Cœur, car il existe une étroite connection entre le Cœur et les Reins, sur un plan énergétique, mais également sur un plan bien plus profond. L'Orifice (qiao) de l'écoute étant les Reins, l'Orifice de l'entendement étant le Cœur.

Place des acouphènes au sein des tableaux syndromiques

Par conséquent, au vu des rapports entretenus par l'oreille avec les méridiens et les Entrailles, on peut émettre des interprétations quant à la place du symptôme "acouphènes", au sein de tableaux cliniques, dans le cadre de l'affection d'un méridien adjacent ou dans le cadre de la théorie des zangfu. Citons l'importance des travaux menés par le Docteur Bernard Cygler. À travers différents ouvrages, il a décrit, de manière empirique, les résultats obtenus après acupuncture pour des acouphènes et répertorié des milliers de cas auxquels il a été confronté durant plus de trente ans de pratique. Les hypothèses émises pourraient servir de base de réflexion.

Acouphènes et atteinte des méridiens

Ainsi, dans un premier ouvrage, il décrit l'association d'acouphènes avec d'autres symptômes comme pouvant évoquer l'atteinte de certains méridiens. Il s'agit :

- du méridien de l'Intestin Grêle : association avec surdité, otalgie irradiant vers la mandibule, œil jaune, larmoiement, enflure de la joue, raideur du cou, douleurs sur le trajet du méridien (face postéro-externe du cou, mâchoire, face postérieure des membres supérieurs) ;

- du méridien du Triple Réchauffeur : association avec surdité, douleurs devant les oreilles, diverses affections de la gorge (enflure, douleurs, obstruction, aphonie), troubles visuels, fixité du regard, agitation mentale, spasmes palpébraux et musculaires, vomissements ;

- du méridien de la Vésicule Biliaire : assciation avec surdité, fièvre intermittente, céphalées, douleurs oculaires, voire impossibilité d'ouvrir l'œil controlatéral, troubles visuels, douleurs de la partie latérale des côtes et de l'abdomen, douleurs sur le trajet du méridien (hanche, genoux, face externe des membres inférieurs) ;

- du méridien du Foie : association avec surdité, céphalées, troubles visuels (dont strabisme, larmoiement, flou visuel), vertiges, étourdissements, nausées, sensation d'obstruction de l'oesophage, distension abdominale, myalgies.

D'autres composantes des méridiens prinicpaux (méridien luo du Gros Intestin, méridien tendino-musuclaire de l'Intestin Grêle, méridiens distincts du Foie, du Gros Intestin, du Triple Réchauffeur, du Maître du Cœur) pourraient être incriminées.

Aspects importants de l'interrogatoire

Dans un second ouvrage, le Docteur Cygler émet l'hypothèse d'autres étiologies, mêlant médecine occidentale et énergétique chinoise selon la théorie des zangfu [13]. Il décrit également les composantes selon lui importantes de l'interrogatoire au sujet des acouphènes en Médecine Traditionnelle Chinoise. Les points importants :

- L'ancienneté de l'acouphène : classiquement, un acouphène (souvent d'installation progressive) correspondrait à un tableau de type Vide, tandis qu'un acouphène plus récent (souvent de début plus brutal) correspondrait à un tableau de type Plénitude. Même s'il ne s'agirait pas ici d'une règle générale.

- Le caractère unilatéral ou bilatéral : il est prioritaire d'éliminer un neurinome de l'acoustique, par des examens adaptés si l'acouphène est unilatéral et le reste. Il faut connaître également la présence de signes associés (surdité, vertiges) en cas d'acouphènes bilatéraux. Penser à l'apparition d'une nouvelle étiologie si l'acouphène était unilatéral et devient bilatéral. Le côté d'apparition, pourrait, selon certains auteurs, constituer un élément d'orientation (selon E. Soulié de Morant : des acouphènes à gauche témoigneraient d'un Vide de Sang, de yin, ou d'un excès de Chaleur par excès relatif de yang; des acouphènes à droite témoigneraient d'un Vide de qi ou d'une atteinte par les Glaires, le Vent ou le Froid par excès relatif de yin) [27].

- Le caractère continu ou intermittent : les acouphènes quels qu'ils soient, continus ou discontinus indiquent la recherche immédiate d'un neurinome de l'acoustique. Le passage d'intermittent à continu est un signe d'aggravation.

- Les éventuelles variations d'intensité des acouphènes unilatéraux : systématiquement aggravés le matin ou le soir, penser à un trouble des méridiens curieux qiao. Penser à la Rate s'ils fluctuent avec le stress. Penser aux méridiens curieux s'ils évoluent par cycles.

- La tonalité : de nombreuses tonalités différentes ont été décrites, qui pourraient orienter vers certaines étiologies.

- La présence d'une sensation d'oreille bouchée : effectuer la manoeuvre de Valsalva (souffler par le nez, les deux narines bouchées) pourrait constituer un élément d'orientation. Si les oreilles se libèrent, il s'agit d'une stagnation de yang au niveau du nez et de l'œil et d'un vide de yang au niveau des oreilles. Penser alors à tongziliao (1VB). Si elles ne se libèrent pas, il s'agit du cas inverse (stagnation de yang au niveau des oreilles et vide de yang au niveau des yeux et du nez), tinghui (2VB) serait alors plutôt indiqué. Tinggong (19IG) peut être associé pour son indication dans les symptômes de plénitude endocrânienne.

- L'association à une éventuelle hyperacousie.

Etiologies des acouphènes en Médecine Traditionnelle Chinoise

Il est à noter que dans ces indications, les points "ministériels" sembleraient avoir plus d'efficacité que les points shu dorsaux (beishu).

Les atteintes de la charnière cervico-occipitale

Ainsi, il décrit différentes étiologies et, selon son expérience, certains points ayant montré une efficacité sur les symptômes. La première d'entre elles, les acouphènes d'origine cervicale. Bernard Cygler fait la distinction entre les atteintes de la charnière cervio-occipitale et les atteintes de la Barrière Supérieure.

Concernant les atteintes de la charnière cervico-occipitale, il s'agit d'une atteinte mécanqiue de cette zone qui correspond à l'empilement de l'os occipital, de l'atlas et de l'axis. On retrouve des signes projetés (otalgies à tympan normal, douleurs dentaires ou de la face sans origine organique évidente). Les points pouvant être efficaces sont souvent locaux : fengfu (16DM), fengchi (20VB), wangu (12VB), touqiaoyin (11VB), tianzhu (10V), jianliao (14TR), danzhong (17RM), voire d'autres points en fonction du contexte clinique.

Les atteintes de la Barrière Supérieure

L'atteinte de la Barrière Supérieure concernerait plutôt le développement personnel et spirituel de l'individu. S'y croisent le yangqiaomai, le méridien prinicpal du Gros Intestin, le méridien tendino-musuclaire de la Vésicule Biliaire. La Barrière Supérieure, qui se situe à fengfu (16DM), serait un lieu bloqué par toutes les pensées arrêtées, rigides, les idées préconçues, l'arrogence intellectuelle ou au contraire les sentiments d'infériorité, le manque de mémoire, l'excès ou l'insuffisance d'abstraction. Les points pouvant être utiles sont ceux la constituant : yamen (15DM), fengfu (16DM) et naohu (17DM).

Les acouphènes d'origine Rate

Les acouphènes d'origine Rate seraient dûs à un vide de qi de celle-ci. Ils surviendraient dans des contextes de ruminations, pensées obsessionnelles ou surmenage intellectuel. Les acouphènes seraient continus mais fluctuants avec les stress, aggravés par la prise d'alcool, survenant souvent sur terrain de spasmophilie ou de claustrophobie. Les points pouvant être efficaces : shangqu (17R, point "ministériel" de la Rate), dadu (2Rte, point de tonification, point rong), taibai (3Rte, point Terre et yuan). Ajouter daling (7MC) pour les patients méticuleux ou perfectionnsites, obsessionnels du rangement. Autres points possibles selon le contexte : sanyinjiao (6Rte), zhangmen (13F), pishu (20V)...

Les acouphènes d'origine Foie

Les acouphènes d'origine Foie pourraient survenir en contexte de Feu du Foie (faisant suite à une stagnation du qi du Foie) ou de Vide de Sang du Foie. Ils fluctueraient avec les accès de colère extériorisée comme de colère refoulée, et on retrouverait souvent chez ces patients des antécédents hépatiques ou de lithiases biliaires. Points pouvant être utiles : zhongdu (6F, point xi, serait plus efficace pour les explosions de colère), youmen (21R), point "ministériel, serait plus efficace pour les colères refoulées). Autres points possibles selon le contexte : taichong (3F), ganshu (18V), qimen (14F)...

Les acouphènes d'origines Reins

Pour les acouphènes d'origines Reins, il existerait deux cas de figure. Soit, il s'agit d'un vide de yin avec Chaleur Vide (et éventuellement un Vide de yang secondaire), ou à l'inverse d'un Vide de yang avec Vide de yin secondaire. On les retrouve souvent secondairement à d'autres pathologies (traumatismes sonores, presbyacousie, surdités héréditaires, surdités brusques...). Dans ce cas, l'acupuncture ne donnerait pas de résultats probants. Soit, il s'agit d'acouphènes déclenchés par excès de peur ou de crainte. Ceux-ci semblent plus accessibles au traitement. Les points qui seraient utiles sont : siman (14R, point "ministériel"), taixi (3R, point Terre, yuan, shu), rangu (2R, point rong, Feu et point de départ du yinqiaomai). Fuliu (7 Rn) pourrait être efficace dans la peur de l'eau ou des inondations. Autres points possibles selon le contexte : shenshu (23V), mingmen (4DM), guanyuan (4RM), qihai (6RM)...

Les acouphènes d'origine Estomac

Le contexte clinique des acouphènes d'origine Estomac serait souvent évocateur : soit il existe une pathologie gastrique (ulcère...), soit une situation de vie que l'on a du mal à "digérer" : certaines injustices, contrariétés, stress... Les points possiblement efficaces : liangmen (21E, point "ministériel", serait plus indiqué dans les troubles organiques), shangguan (3VB, serait plus indiqué dans les situations psychologiques), gongsun (4Rte, point luo). Bulang (22Rn) pourrait être utilisé pour les patients indignés par l'injustice.

Les acouphènes d'origine Vésicule Biliaire

Les acouphènes d'origine Vésicule Biliaire surviendraient chez des patients hésitants, ayant des difficultés à la prise de décision. Il peut également exister un contexte de pathologie des voies bilaires. On pourrait penser à guanmen (22E, point "ministériel"), danshu (19V, point shu dorsal), qimen (14F), diwuhui (42VB).

Les acouphènes d'origine Vessie

Les acouphènes d'origine Vessie pourraient concerner des patients ayant des pathologies des liquides endolabyrinhiques, associées à des pathologies vésicales (cystites récidivantes). On peut alors songer à shuidao (28E, point "ministériel" de la Vessie).

Les acouphènes d'origine yinweimai

Certains méridiens curieux pourraient également être impliqués. Ainsi, les acouphènes d'origine yinweimai possèderaient d'autres symptômes associés tels des douleurs thoraciques cardiaques transfixiantes ou à type de "coups d'aiguilles", des céphalées mal systématisées, des symptômes pelviens... Il s'agit souvent de patients émotifs, ayant des difficultés à prendre leurs distances par rapport à leurs sentiments. Points pouvant être efficaces : zhubin (9R, point xi et point de départ du méridien), neiguan (6MC, point d'ouverture), gongsun (4Rte couplé à neiguan), dadun (1F), yutang (18RM).

Les acouphènes d'origine yangweimai

Les acouphènes d'origine yangweimai seraient, à l'instar des douleurs rhumatismales associées, sensibles à l'influence de la météorologie, et s'aggraveraient dès que le temps change (patients "baromètres"). Ces patients seraient très sensibles à l'atmosphère d'un groupe : un rien les blesse, ou au contraire, leur fait plaisir. Points possibles : waiguan (5TR, point d'ouverture), zulinqi (41VB, couplé à waiguan), fengchi (20VB, croisement avec le Méridien du Triple Réchauffeur), jinmen (63V, point xi). Kufang (14E) serait utile en cas de douleurs névralgiques ou de symptômes psychologiques.

Les acouphènes de type yinqiaomai

Il semblerait que les acouphènes de type yinqiaomai soient plus fréquents que ceux de type yangqiaomai, c'est pourquoi nous nous attarderons plus sur eux. Il existerait un contexte de phobies, repli sur soi, dépression. On peut également retrouver d'autres symptômes associés au yinqiaomai : symptômes pulmonaires (asthme, sensation de gorge serrée), urinaires et gynécologiques (incontinence, troubles utérins), douleurs sur le trajet du méridien (face interne des membres inférieurs). Les symptômes évolueraient de manière intermittente avec résurgence la nuit. Comme points possiblement utiles, citons zhaohai (6R, point d'ouverture), lieque (7P, couplé à zhaohai), rangu (2R, point de départ). Qihai (6RM) serait utile en cas de problèmes avec les parents dans l'enfance.

Les acouphènes de type chongmai

Le contexte des acouphènes de type chongmai est évocateur : individus immobiles, profondément fatigués moralement, physiquement, sexuellement, ayant perdu l'envie de "lutter". Il n'y a pas d'idées suicidaires et les symptômes sont souvent consécutifs à un changment de vie. Points possibles : gongsun (4Rte, point d'ouverture), neiguan (6MC couplé à gongsun), qichong (30E, point d'émergence à la surface du corps), guanyuan (4RM).

Les acouphènes de type renmai

Pour les acouphènes de type renmai, les patients adoptent souvent une présentation autoritaire, pleine d'aisance voire de vantardise. Ils donnent l'impression d'être à l'aise. Ils occultent souvent de nombreux détails de leur vie à l'interrogatoire. On pense surtout aux points sus et sous ombilicaux du méridien, ainsi que les points thoraciques, voire d'autres selon le contexte.

Les acouphènes de type dumai

Concernant les acouphènes de type dumai, on rencontre deux types de symptômes : d'une part, des symptômes vertébraux chez des sujets à l'attitude voûtée depuis l'enfance. Ces patients souffrent d'une absence de force physique et mentale (ils "ne se gouvernent pas"). D'autre part, une impossibilité à s'affrimer, à dire "je", avec des problèmes d'identité ou de dépression. Les points les plus utiles semblent être les points crâniaux et faciaux, voire d'autres selon le contexte.

Les acouphènes liés à la maladie de Ménière

D'autres étiologies peuvent aussi être évoquées, notamment la malaide de Ménière. En Médecine Traditionnelle Chinoise, elle est la plus fréquente des pathologies des liquides de l'oreille et n'existe pas en tant qu'entité morbide, car une distinction est faite entre les pathologies de l'"oreille-audition" (surdité et acouphènes) et celles de l'"oreille-équilibre", pathologie de l'endocrâne (vertiges). De plus, acouphènes et surdité sont vus comme deux stades évolutifs de la même pathologie ("boudonnements pouvant devenir surdité"). Xiaxi (43VB) et zuqiaoyin (44VB) comportent cette notion dans leur symptomatologie associée. Il est important de savoir l'ordre d'apparition des symptômes afin de savoir s'il s'agit d'une pathologie d'origine "oreille" ou d'origine "endocrâne". À noter la fréquente présence de signes "Rate" associés. De nombreux points pouraient être efficaces, ils dépendent du contexte clinique.

Les acouphènes des pathologies de l'endocrâne

Les pathologies de l'endocrâne regroupent une grande variété de contextes cliniques : troubles de l'intelligibilité avec ou sans presbyacousie, surdités héréditaires, surdités brusques, traumatismes sonores... De nombreux mécanismes physiopathologiques peuvent être évoqués : plénitude de yin ou de yang endocrânien, Vide de yin du Foie, stagnations, glaires, troubles des méridiens curieux... Les acouphènes sont souvent bilatéraux, décrit par le patient comme les "ayant dans la tête". On note souvent des signes nasaux ou orificiels associés. Les points sont sélectionnés selon le contexte, à noter une possible efficacité des points Fenêtre du Ciel sous la base du crâne dont fengchi (20VB) et tianzhu (10V) et de certains points crâniaux, notamment tongtian (7V) et luoque (8V).

Les acouphènes pulsatiles

Les acouphènes pulsatiles correspondent à des battements synchrones au pouls, et sont relatifs au Sang. Là encore, de nombreux mécanismes physiopathologiques peuvent être impliqués. Les points utilisés dépendent du contexte, à noter la relative efficacité de toulinqi (15VB), qui ferait circuler les Stases de Sang à la tête.

Les acouphènes lors des surdités brusques

Lors d'une surdité brusque, il est primordial, comme pour les acouphènes pulsatiles, d'effectuer les examens complémentaires adaptés afin d'éiminer une pathologie tumorale, ainsi que d'instaurer des traitements allopathiques d'urgence si nécessaire, notamment en raison du risque médico-légal. Notons les limites de l'acupuncture face à cette pathologie. Tianyou (16TR) aurait une relative efficacité, en tant que point Fenêtre du Ciel.

Les acouphènes des traumatismes sonores

Face à un traumatisme sonore, le contexte est souvent très évocateur. L'acupuncture est souvent peu efficace mais peut entraîner des améliorations des acouphènes dans certains cas. Il peut s'agir d'un blocage de la barrière "Crâne-Face" : chengguang (6V), shangguan (3VB), et xiaguan (7E), qui sont les points qui la constituent ; ou de symptômes Rate, endocrâniens...

Les acouphènes lors de la presbyacousie

La presbyacousie correspond à l'altération physiologique de l'audition liée à la sénescence. Des acouphènes sont souvent associés. Cela correspond à une origine "Endocrâne". Les points pouvant être utiles : xinhui (22DM, qui contrôle le Sang au niveau de l'endocrâne et de la tête, selon J.M. Kespi [28]), yanglao (6IG), baihui (20DM).

Les acouphènes des dysfonctions tubaires

Les acouphènes sur dysfonction tubaire surviennent souvent dans les suites d'une infection ORL et témoignent d'une otite séreuse. On retrouve souvent une sensation d'oreille bouchée. Dans ce cas, il faut effectuer la manoeuvre de Valsalva : si l'oreille se débouche, piquer tongziliao (1VB), sinon, piquer tinghui (2VB).

Les acouphènes avec symptômes "solaires" associés

Certains acouphènes se manifestent dans un contexte d'angoisse, avec sensation de "boule à l'estomac". Il s'agit des symptômes "solaires". Le contexte psychlogique est souvent semblable aux acouphènes de type Estomac. Les points possiblement utiles : juque (14RM, point mu du Cœur), taiyi (23E, "la terre du Cœur" selon Kespi), liangmen (21E, point "ministériel" de l'Estomac), shenmen (7C), yanggu (5IG), points thoraciques du renmai...

Autres étiologies

D'autres étiologies peuvent être évoquées, mais sont en général peu accessibles à l'acupuncture : otospongiose, surdité héréditaire à révélation tardive, barotraumatismes, fibromyalgie, acouphènes "béquille" (le malade ne peut vivre sans son symptôme), hallucinations auditives, maladie d'Alzheimer, neurinome de l'acoustique.

Essais comparatifs randomisés sur l'acupuncture dans le traitement des acouphènes

Maintenant, terminons par quelques mots sur les essais comparatifs randomisés (ECR) qui ont été réalisés sur le sujet des acouphènes. Ces essais comportent tous des biais, les principales critiques que l'on peut adresser portant sur des questions méthodologiques : biais de sélection (groupes sélectionnés hétérogènes, variabilité des critères d'inclusion et d'exclusion), diversité des protocoles employés (points utilisés, fréquence et nombre de séances, choix de l'acupuncture manuelle ou de l'électroacupuncture, choix ou non d'une acupuncture adaptée à chaque patient), choix des groupes contrôles (acupuncture placebo : critères utilisés discutables) [14]. La taille des effectifs, l'impossibilité du double aveugle atténuent la puissance statistique de même que l'impossibilité d'obtenir un placebo totalement inactif [15], et la nécessité que ce placebo reste crédible aux yeux des patients (nécessité de l'emploi d'une échelle de crédibilité du placebo telle l'échelle de Vincent [16]) posent également d'autres problèmes. De plus, actuellement, ces essais sont peu nombreux (environ dix à quinze résultats lors des recherches sur les bases de données sur les trente dernières années) [17-26]. Ainsi la dernière revue systématique concernant électroacupuncture et acouphènes a permis d’identifier cinq ECR (n=322) dont la qualité méthodologique montre aussi un risque élevé de biais de sélection et de performance [29]. De ce fait, il n’existe pas de preuve convaincante que l’électroacupuncture soit bénéfique dans les acouphène. Il est nécessaire de réaliser des ECR de haute qualité méthodologique et de plus grande puissance [30].

Conclusion

Il est donc, à notre époque, très difficile de conclure que l'acupuncture possède, ou non, des effets spécifiques dans le traitement des acouphènes. Il faudra que d'autres essais paraissent, que peut-être les normes méthodologiques des ECR évoluent ou qu'apparaissent des outils d'évaluation objective, ce qui impossible pour le moment dans l'état actuel des connaissances. Cependant, les résultats en pratique clinique, encourageants, indiquent que la Médecine Traditionnelle Chinoise est peut-être une voie d'avenir pour traiter ces symptômes.

 

 

Dr Alexandre Denis

237, rue Nationale, 59800 Lille

Tél : 03 20 54 71 17

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Conflit d’intérêt: aucun

 

 

 

 

Références

 

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