Pourquoi y-a-t-il encore une médecine traditionnelle chinoise et plus de physique traditionnelle chinoise ?

 

Il s’est construit en France le mythe d’une médecine chinoise qui serait une sorte d’antithèse de la médecine occidentale. Ce mythe s’est largement implanté ensuite dans le monde occidental. La conséquence principale est une disjonction avec la science et la fabrication d’un discours fondé sur le présupposé d’une altérité fondamentale, la médecine chinoise étant irrémédiablement ancrée dans l’écriture, la langue et la pensée chinoise. Cette culturisation et déscientifisation ouvre largement la voie à une emprise ésotérique[1]. Un glissement de sens est opéré entre la « médecine traditionnelle chinoise » (MTC) et les « médecines traditionnelles », puis vers les « sciences traditionnelles ». Le glissement se fait sur le terme « tradition » qui dans les trois expressions a des sens différents. Dans MTC, « tradition » est utilisé dans un sens neutre de simple continuité historique[2], dans « médecines traditionnelles » il implique une césure avec la modernité occidentale[3] et dans « sciences traditionnelles » il fait directement référence aux sciences ésotériques et occultes comme l'astrologie, l'alchimie ou encore la magie[4]. Ces « sciences traditionnelles », image inversée de la science moderne n’ont en tant que telles aucune réalité historique ou philologique en Chine comme en Occident[5]. La médecine chinoise est ainsi amalgamée dans une construction ésotérique occidentale.

 La tradition scientifique chinoise

 Il est très largement établi que la Chine ancienne a produit un important corpus scientifique dans tous les domaines (mathématique, astronomie, physique, chimie, botanique, médecine…) qui avait globalement atteint un niveau plus élevé que l'Occident[6]. Ce n'est qu'à partir des 17e – 18e siècles, moment où se produit en Europe la révolution scientifique, que dans les différentes disciplines l'Occident rattrape et dépasse la Chine[7]. Une « société traditionnelle » comme celle de la Chine ancienne a donc produit sur la nature, tout comme l'Occident, un important corpus savant de données empiriques[8] très éloigné de ce qui est décrit comme étant les « sciences traditionnelles » ésotériques. Le savant chinois, comme le savant occidental, observe, questionne, décrit, classe, analyse, dénombre, calcule, pèse, mesure, énonce, rectifie, critique, théorise, expérimente, débat, découvre, invente …  Une même rationalité est à l'œuvre[9].

On peut alors se poser la question de savoir pourquoi, dans l'ensemble des sciences chinoises, la médecine est la seule pour laquelle est affirmée une différence de nature, une altérité ou une incommensurabilité[10] par rapport à son équivalent occidental ? Il n’y a pas un astronome, un physicien ou un botaniste qui se réclamerait d’une astronomie, d’une physique ou d’une botanique chinoise traditionnelle inscrite dans la culture, la langue et la pensée chinoise et d’une altérité irréductible par rapport à leurs équivalents modernes, il n’y a plus que des médecins.

Les énoncés astronomiques, physiques ou botaniques traditionnels chinois ont simplement été incorporés dans la science universelle ou ont été éliminés au profit d'autres plus pertinents. C’est ce que Joseph Needham exprime par sa célèbre métaphore de la rivière de la science chinoise se jetant dans l’océan de la science moderne[11]. Historiquement, Needham décrit ainsi pour chaque discipline un point de dépassement, moment où l’Europe dépasse la Chine et un point de fusion moment où les versions chinoises et européenne d’une discipline ne font plus qu’une[12] (Figure 1). Si le point de fusion a été très rapidement atteint, en quelques décennies, pour les sciences fondamentales[13], il est plus tardif pour la botanique et, à l’évidence, n’a pas encore été atteint en médecine. C’est ce qui donne cette illusion d’altérité et d’incommensurabilité dans laquelle va se nicher l’ésotérisme.

Notons que la fusion des mathématiques, physique et astronomie se fait indépendamment de la pression impérialiste occidentale qui, bien sûr, n’existait pas à ce moment et qu’elle est menée par les savants chinois eux-mêmes. Karine Chemla observe ainsi que pour les mathématiques « il y a bien synthèse en Chine dès ce début de XVIème siècle, mais c'est le fait des Chinois »[14]. Loin de se sentir non concernée par les sciences occidentales ou de se réfugier derrière une altérité fondamentale, une communauté savante chinoise procède à une analyse critique et rationnelle pour progressivement aboutir à une fusion. Le même processus est enclenché par les médecins chinois dès la rencontre sur le terrain avec la médecine occidentale au XIXe siècle, constituant l’École de convergence sino-occidentale (Zhongxi huitong pai). À l’opposé d’être une soumission à l’Occident ou une réponse à une injonction politique du régime maoïste, la « scientifisation » de la médecine chinoise est un processus rationnel interne mené par une communauté savante tournée vers la réalisation de ses objectifs professionnels[15]

La particularité de la médecine

 Comme l'observe Needham, qui était biologiste, si la fusion n'a pas encore eu lieu en médecine c'est du fait de l'extrême complexité des phénomènes du vivant[16]. La fusion entre sciences chinoises et sciences occidentales s’effectue lorsqu’un consensus peut être établi au sein de la communauté savante. Cela a à voir avec la notion de preuve, et si la preuve est relativement facile à concevoir et à élaborer en astronomie ou en physique dans la précision de la prévision d’un phénomène, c’est autrement plus complexe en médecine. La médecine expérimentale ne s’établit que dans la deuxième moitié du XIXe siècle (Claude Bernard 1865). Les outils des neurosciences, essentiels dans la compréhension de l'acupuncture, tout comme les modalités de preuve en thérapeutique avec l’Evidence-Based Medicine n'apparaissent que dans le dernier quart du XXe siècle. Ces décennies marquent le passage d’une science jusque-là essentiellement spéculative quant à une analyse des phénomènes induits par l'acupuncture à une science véritablement expérimentale. Notons que c'est aussi le moment où s’affirme très ouvertement en France une acupuncture ésotérique antimoderne[17].

 La résurgence d’un ancien débat interne à la médecine occidentale

 En 1865, dans son « Introduction à l'étude de la médecine expérimentale », Claude Bernard s'interroge sur le fait que la méthode expérimentale soit développée dans toutes les sciences de la nature et non à ce moment-là en médecine et en biologie. Claude Bernard évoque pour ce retard, tout comme Needham pour la médecine chinoise, l'extrême complexité des phénomènes du vivant et le fait que d'un point de vue expérimental, la médecine est fortement dépendante des progrès des disciplines fondamentales. Mais Claude Bernard avance aussi le fait que la médecine concerne l’homme et ses croyances avec des implications idéologique et religieuses qui interfèrent fortement et parasitent le savoir scientifique. La biologie, la science de la vie, se trouve sur un terrain déjà occupé par la pensée religieuse et métaphysique qui oppose une forte résistance à la mise en question de ses dogmes. La médecine chinoise est en fait confrontée au même débat que la médecine européenne au XIXe siècle, celui de l’introduction de la méthode expérimentale telle qu’elle a été formulée dans les autres sciences. Ce sont les mêmes forces qui, à l'époque, s'y opposaient au nom d’un point de vue métaphysique sur la vie et l'homme qui, en Occident, se réinvestissent dans la médecine chinoise sous le couvert d'une altérité irréductible de la tradition.

 

 

 

Dr Johan Nguyen

192 chemin des cèdres

83130 La Garde

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Figure 1. « Schéma montrant les rôles respectifs de l'Europe et de la Chine dans le développement de la science œcuménique » (Needham J. Dialogue des civilisations Chine-Occident. Pour une histoire œcuménique des sciences. Paris: Éditions la Découverte. 1991. Page 293). Les point de dépassement (T) sont les moments où pour chaque discipline l’Europe dépasse la Chine et les points de fusion (F) les moments où les contenus des disciplines dans leur version chinoise et européenne d’une discipline ne font plus qu’un.  À partir de 1610 l’astronomie occidentale dépasse l’astronomie chinoise, la fusion se réalise en 1640, soit un écart de 30 ans entre dépassement et fusion.  On peut discuter les dates ou les notions elles-mêmes, mais il reste l’évidence centrale d’une convergence et d’une fusion des sciences occidentales et chinoises.

 

 

 

 

[1]. Nguyen J. Rompre avec le discours ésotérique dans notre champ professionnel : un impératif éthique. Acupuncture & Moxibustion. 2017;16(1-2):67-78.

[2]. Le terme couramment admis de « médecine traditionnelle chinoise » apparait pour la première fois en anglais dans un article du Chinese Medical Journal de 1955 pour désigner le corpus de savoirs et de pratiques de la médecine chinoise alors en cours d'institutionnalisation (Fu Lien-Chang. Why our western-trained doctors should learn traditional Chinese medicine. 1955;73(5):363-7). L'historien chinois Ma Kan-Wen est considéré comme le créateur de l’expression (Jewell JA, Hillier S. Kan-Wen Ma. BMJ. 2017. 356:j810). Le sens donné à « traditionnelle » est très éloigné d’un sens ésotérique.

[3]. Les « médecines traditionnelles » font référence à un point de vue anthropologique, ethnologique et sociologique et non à un questionnement médical et scientifique.

[4]. Faivre A. L'ésotérisme. Paris: PUF. 2007. Pages 98-101.

[5]. La discussion est classique par exemple dans l’évolution de l’alchimie vers la chimie. La chimie n’est pas l’antithèse, l’image en miroir de l’alchimie, elle en est le produit (Joly B. La frontière des sciences. Les Nouvelles d'Archimède. 2008;47:6-7).

[6]. L’œuvre de Joseph Needham, Science and Civilisation in China (1952-2003) est bien sûr centrale dans la mise en évidence de ce corpus scientifique.

[7]. Ce qui conduit à la « Grande question » de Joseph Needham : alors que les sciences chinoises étaient plus développées que leurs équivalents européens à l’époque médiévale, pourquoi la science moderne a-t-elle émergé en Occident et non en Chine ?

[8]. Dans le sens de « fondées sur l’expérience ».

[9]. « Le point de vue adopté ici suppose, cela va de soi, l’égalité de tous les hommes pour l’investigation des phénomènes naturels, la maitrise par tous d’un langage universel qui participe de l’œcuménisme de la science moderne et la reconnaissance que les sciences de l’Antiquité et du Moyen Age (malgré des traits culturels évidents) étaient concernées par le même monde physique que le nôtre, et, par conséquent peuvent être incluses dans la même philosophie naturelle œcuméniques. Needham J. Dialogue des civilisations Chine-Occident. Pour une histoire œcuménique des sciences. Paris: Éditions la Découverte. 1991. Page 296.

[10]. L’incommensurabilité est le fait pour deux réalités d'être sans rapport entre elles, d'être de nature différente. En épistémologie, le terme d'incommensurabilité est utilisé pour décrire le statut de deux paradigmes appliqués à une même science et dont la comparaison est impossible en raison de différences fondamentales dans leurs structures et les schèmes de pensée qu'ils introduisent.

[11]. « Par quelle métaphore décrire la manière dont les sciences médiévales de l'Occident et de l'Orient ont été subsumées en science moderne ? L'image qui vient naturellement à l'esprit de ceux qui travaillent dans ce champ est celle des fleuves et de la mer. Selon une vieille expression chinoise, « les fleuves font la cour à la mer », et l'on peut effectivement considérer les courants scientifiques anciens des diverses civilisations comme des fleuves se jetant dans l'océan de la science moderne. Celle-ci s'est constituée grâce aux apports de tous les peuples de l'Ancien Monde, a été sans cesse irriguée par eux, qu'il s'agisse de l'Antiquité grecque ou romaine, du monde arabe, ou des cultures de la Chine et de l'Inde ». Needham J. Ibid.  Traduit de Clerks and Craftsmen 1970.

[12]. Ce qu’il appelle la science œcuménique, science universelle.

[13]. « La fusion des mathématiques, de l'astronomie et de la physique d'Occident et d'Orient s'est opérée très vite après la rencontre des deux cultures. Dès 1644, à la fin de la dynastie Ming, on ne distinguait plus de différence sensible entre Chine et Europe dans ces domaines ; la coalescence était parfaite ». Needham J. Ibid.  Page 294.

[14]. Chemla K. Que signifie l'expression de "mathématiques européennes" vue de Chine ? in L'Europe mathématique, Goldstein C, Gray J Et Ritter J. Paris: Éditions de la Maison de l'homme. 1996:219-45.  

[15].  Anne Fagot-Largeault note que « l’émergence d’une médecine scientifique est un processus inhérent au développement de la médecine elle-même » (Fagot-Largeault A. L’émergence de la médecine scientifique. Paris: Éditions Matériologiques. 2012).  Il n’y a pas lieu de considérer que la médecine chinoise serait, on ne sait trop pourquoi, exclue du processus.

[16]. « On pourrait être tenté d’en déduire de tout cela et d’une façon tout à fait empirique une « loi d’oecuménogénèse » [d'universalité] établissant que, plus une science a pour objet la vie, plus la complexité des phénomènes auxquels elle s’intéresse est grande, plus l’intervalle entre le point de dépassement et de fusion est important Needham J. Ibid. page 294.

[17].  Nguyen J. 2017 ibid.

Van Gogh : revue de littérature de ses diverses pathologies et essai d’analyse du déséquilibre énergétique à travers ses peintures

 Résumé : Après une revue de la littérature sur les divers diagnostics selon la médecine allopathique attribués à Van Gogh, une analyse de ses peintures est réalisée selon une grille de lecture basée sur la correspondance entre les couleurs, les Cinq Eléments, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments. Une corrélation a pu être établie entre les diverses pathologies dont souffrait le célèbre artiste selon le diagnostic occidental et les déséquilibres énergétiques révélés par les couleurs de ses œuvres, vus sous l’angle de la différenciation des syndromes bianzheng). La prédominance de jaune, de vert et de bleu dans l’ensemble de ses peintures pourrait être attribuée à ses troubles traduits en termes de déséquilibres énergétiques selon la médecine chinoise. Mots-clés : Cinq Eléments - couleurs - déséquilibre énergétique - bianzheng - Van Gogh

Summary: After a review of the literature on various diagnoses according to allopathic medicine, an analysis of Van Gogh’s paintings is performed, on the basis of correspondence between colors and the Five Elements, the Five Emotions et the Seven Feelings. A correlation hasbeenestablished between the diverse diseases of the famous artist, according to Western diagnosis, and energy imbalances revealed by the color of his paintings, from the perspective of pathophysiological syndromes (bianzheng). The predominance of yellow, green and blue in his artwork may be attributed to his disorders, in terms of energy imbalances according to Chinese medicine. Keywords: Five Elements - colors - energy imbalance biangzheng - Van Gogh

   

Introduction

 Hésitant un temps entre vocation artistique et vocation religieuse, Vincent Van Gogh choisit de se consacrer à la peinture. Tout le monde s'accorde à voir en Van Gogh le mythe absolu du génie, du fou, du miséreux, artiste méconnu et condamné au malheur. Sa carrière n'a duré qu'à peine dix ans, et il se serait suicidé [1] en laissant derrière lui une œuvre considérable. Malgré de graves troubles neuropsychologiques, Van Gogh ne s’est quasiment jamais arrêté de peindre. En dix ans, il a réalisé près de neuf-cents tableaux et un millier de dessins.

Son style très coloré présente une vitalité et une tension particulière qui n’ont pas fini de marquer les esprits. Il applique les couleurs par touches de pinceaux, sans mélanger sur la palette. Sous le soleil de Provence, son style de peinture se modifie. Ses toiles sont plus colorées. Il peint par larges touches courbes et utilise abondamment les couleurs jaune, vert et bleu.

La relation entre les trois disciplines, science, médecine et art, a longtemps été un domaine d’exploration fascinant avec leurs contrastes étonnants et leurs frontières mal délimitées. La confrontation des problèmes médicaux chez les artistes (beaux-arts, musique, etc.) a toujours fait couler beaucoup d’encre. On peut pratiquement dire qu’aucune personnalité n’a été autant diagnostiquée à titre posthume que Vincent van Gogh.

Cet article ne vise ni à ajouter une nouvelle maladie à la longue liste déjà établie à ce jour, ni à argumenter sur le «bon diagnostic». Il se propose, à partir des couleurs utilisées par Van Gogh, de faire une « lecture énergétique » basée sur la correspondance entre les couleurs et les Cinq Eléments, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments. Un déséquilibre énergétique, dans le cadre de la différenciation des syndromes (bianzheng) selon la médecine traditionnelle chinoise, peut-il influencer sur le choix des couleurs dans toute création artistique ? 

 

Multiplicité de pathologies et de diagnostics en médecine allopathique

 

Vincent Van Gogh (1853-1890) donnait dans son art une essence profonde de la vie, et de façon unique. Plus de cent-cinquante psychiatres et médecins de différentes spécialités ont tenté d'identifier «la maladie» de l’artiste et de multiples diagnostics ont été proposés.

Cependant, comment les troubles neurologiques dont il souffrait ont-ils pu influencer son art ? Ceci n’est pas encore clair. La combinaison de sa personnalité excentrique, irascible, ses humeurs instables et sa créativité prolifique rendent la compréhension de sa pathologie très complexe. Cela pose un grand défi à ceux qui essaient d’analyser les relations existant entre «l'esprit artistique», le cerveau et la maladie. En fait, la plupart des diagnostics proposés pour Van Gogh au cours du siècle dernier ne sont pas basés sur des preuves médicales, mais sont seulement en partie vérifiables à partir d’analyses de ses tableaux et des données biographiques.

D’après une récente publication [2] datant de 2013, une analyse de la maladie de Van Gogh a été réalisée à la lumière de sa correspondance, dont la qualité littéraire est largement reconnue. L’auteur s’est basé sur les antécédents médicaux de l’artiste à travers les nombreuses citations dans ses lettres, pour voir comment Vincent a exprimé ses plaintes, ses émotions liées à sa maladie. Les symptômes sont devenus plus précis après décembre 1888. Au début, Van Gogh avait beaucoup hésité à parler de sa maladie, mais peu à peu, il décrivait dans ses lettres ses expériences tout au long de ses psychoses cycloïdes. Selon l’auteur, il existe des signes de synesthésie, de prosopagnosie et d’agnosie spatiale. L'affinité de Van Gogh pour la poésie, déjà au début de sa vingtaine, rend plausible l'hypothèse d'une excitation du lobe temporal par des décharges épileptiques, ce qui pourrait expliquer en partie le fonctionnement complexe de son esprit créatif et torturé par la souffrance. L’auteur a tenté de placer les diagnostics effectivement réalisés au cours de la vie de l’artiste dans leur contexte historique et culturel. Il est évident que ceux qui établissent un diagnostic et ceux qui le reçoivent sont impliqués dans le même contexte culturel, en tenant pour acquis les modes médicales de leur temps, y compris les biais incorporés. Par ailleurs, à partir des archives de la faculté de médecine de Montpellier et de la correspondance de Van Gogh, le Pr François-Bernard Michel [3] a reconstitué les relations de l’artiste avec ses trois psychiatres (les Drs Jean-Félix Rey, Théophile Peyron et Paul Gachet), de 1888 à son suicide en 1890. Il a montré comment tous les trois ont raté la prise en charge du génie, ne laissant à Van Gogh aucun espoir de guérison.

Il existe une certaine tendance de la part des médecins et des groupes de patients à mouler « la maladie » de Van Gogh dans un schéma propre à leur spécialité ou à leur maladie [4].

Parmi les diagnostics énoncés dans plus d’une douzaine d’articles retrouvés dans Pubmed (dont la 1ère date de 1981 et les derniers en 2013), on peut citer : glaucome, xanthopsie induite par la digitaline, dyschromatopsie acquise, maladie de Ménière, épilepsie du lobe temporal, trouble bipolaire, saturnisme, intoxication à la thuyone, saturnisme, psychose cycloïde (voir tableau I). Chacune de ces maladies pourrait être responsable des troubles neuropsychologiques qui auraient été aggravés par la malnutrition, le surmenage, l'insomnie et un penchant pour l'alcool, en particulier pour l’absinthe.

 Tableau I. Symptômes/pathologies dont souffrait Van Gogh (PubMed).

 

Symptômes

Références

Institution/Pays

Halos colorés attribués au glaucome

[5] Lanthony P, Bull Soc Ophtalmol Fr.

Service de Physiologie – CNO des XV-XX Paris France

Xanthopsie et cataracte

[6] Arnold WN, Loftus LS. Eye (Lond).

Department of Biochemistry and Molecular Biology, University of Kansas Medical Center, Kansas City 66103.USA

Xanthopsie due à intoxication digitalique

[7] Lee TC. Jama.

[8] Elliott DB, Skaff A. Ophthalmic Physiol Opt.

 

 

[9] Lanthony P. J. Fr Ophtalmol.

 

USA

Centre for Sight Enhancement, School of Optometry, University of Waterloo, Ontario, Canada

 

Service de Physiologie – CNO des XV-XX Paris France

Dyschromatopsie acquise

[10] Hart WM Jr. Surv Ophthalmol.

Department of Ophthalmology, Washington University School of Medicine, St. Louis, Missouri, USA

Maladie de Ménière (épilepsie controversée) : vertiges et étourdissements épisodiques, déséquilibre physique, symptômes auditifs, acouphènes ainsi que réaction présumée psychologique, secondaire à sa symptomatologie physique

 

[11] Arenberg IK et al. Jama.

[12] Arenberg IK et al, Acta Otolaryngol Suppl.

International Meniere's Disease Research Institute, Colorado Neurologic Institute, Englewood 80110. USA

Epilepsie

Remarque : Epilepsie : Diagnostic rédigé par le Dr Peyron, médecin à l'asile de Saint Rémy (France), dans lequel le 9 mai 1889, Van Gogh s'est volontairement engagé à l'asile pour épileptiques et déments

 

[13] Meissner WW. Bull Menninger Clin.

 

 

[14] ter Borg M, Trenité DK. Epilepsy Behav.

Boston Psychoanalytic Institute, Boston College, MA. USA

 

Epilepsy Institute of the Netherlands Sein, Pays-Bas

Trouble bipolaire,

symptômes maniaco-dépressifs ou cyclothymiques

[15] Janka Z. Orv Hetil.

Pszichiátriai Klinika. Hongrie

Psychopathologie due à une intoxication chronique au plomb (saturnisme) : débilitation débutante, stomatite avec perte de dents, douleurs abdominales récurrentes, anémie (avec un « teint de plomb"), neuropathie radiale, encéphalopathie saturnine avec crises d'épilepsie, altérations progressives du caractère et périodes de délire, de trouble mental

[16] González Luque FJ, Montejo González ALActas Luso Esp Neurol Psiquiatr Cienc Afines.

 

Espagne

Saturnisme

[17] Weissman E. J Med Biogr.

 

Department of Internal Medicine, University of Virginia, USA

 

Frontière entre psychose et épilepsie

[18] Lemke S, Lemke C. Nervenarzt.

 

Klinik für Psychiatrie und Neurologie Hans Berger, Friedrich-Schiller-Universität Jena. Allemagne

Epilepsie du lobe temporal avec des oscillations maniaques, humeur dépressive aggravée par l'absinthe, le brandy, la nicotine et de la térébenthine.

 

[19] Morrant JC. Can J Psychiatry.

Shaughnessy Hospital, Vancouver

Canada

Dépendance à l’absinthe (thuyone) : hallucinations, convulsions, sensations de désinhibition

[20] Arnold WN. Jama.

Department of Biochemistry, University of Kansas Medical Center, Kansas City 66103. USA

Psychose cycloïde

[2]Voskuil PH. Front Neurol Neurosci.

 

Hans Berger Clinic for Epilepsy, Oosterhout, Pays-Bas

  Le trouble bipolaire selon les critères DSM-IV

 D’après l’analyse de deux neurologues [21] en 2005, Bogousslavsky J (Neurologie, INSERM Unit 549) et Boller F (Neurologie et Psychiatrie, CHUV Centre Paul Broca, Lausanne, Suisse), il est fortement probable que Van Gogh souffrait de trouble bipolaire ayant causé sa mort par suicide selon les critères DSM-IV. Bien qu'aucun diagnostic définitif n’ait pu être déterminé, les deux auteurs se sont basés sur des preuves extrapolées à partir des échanges de courrier du célèbre artiste. En 2005, les deux neurologues ont rapporté les faits suivants.

Entre février 1886 et octobre 1888, lorsque Van Gogh vivait à Paris, ses lettres ont révélé tous les symptômes de la maladie bipolaire même s’il est difficile à reconstruire la durée exacte de la dépression et des phases maniaques.

Avant 1886, Van Gogh a présenté des épisodes dépressifs majeurs et mineurs alternant avec des phases hypomaniaques ou maniaques, souvent avec des cycles rapides. Les deux épisodes de dépression ont été suivis par des périodes prolongées d'énergie et d'enthousiasme, d'abord comme un évangéliste, puis en tant qu'artiste.

Un épisode dépressif de longue durée a eu lieu à Londres, après une déception amoureuse, quand il a été expulsé de l'église, et au moment de sa séparation d'avec Sien, une prostituée et son fils. Un épisode d’hypomanie durable ou des phases maniaques ont coïncidé avec ses débuts comme évangéliste, ainsi qu’à ses débuts d’artiste.

Au cours des années passées à Paris (1886-1888), il a abusé de l'alcool, consommé beaucoup d'absinthe. L'anxiété, l'irritabilité, l'hostilité, l'excentricité et divers symptômes somatiques se sont manifestés. A Arles (1888), il a connu l'angoisse, la mélancolie, le remords, l'insomnie et l'épuisement physique, à l’origine de son comportement insalubre. La veille de Noël en 1888, au cours de ce qui a été le premier épisode de sa crise psychotique (dont il est resté amnésique), il a coupé une partie de son oreille gauche. En mai 1889, après deux brèves crises psychotiques, il s’est volontairement inscrit à l'asile de Saint-Rémy. A Saint-Rémy, au cours de l'année suivante, il a vécu des épisodes dépressifs sévères et trois crises psychotiques, dont au moins deux étaient concomitantes avec ses visites temporaires à Arles. La dernière de ces crises, caractérisée par des délires religieux et paranoïaques, ainsi que des hallucinations auditives, a persisté pendant trois mois (février-avril 1890) et a laissé quelques souvenirs très vifs. Quittant l'asile en mai 1890 comme étant guéri, il s'installe à Auvers-sur-Oise. Là se sont manifestés des cycles rapides de symptômes maniaques et dépressifs. Le 27 Juillet, il se serait tiré une balle dans la poitrine et il est mort deux jours plus tard.

  La xanthopsie de Van Gogh

 Certaines hypothèses médicales ont laissé entendre que le goût de Van Gogh pour l'utilisation de la couleur jaune pourrait être lié à son addiction à l'absinthe. En effet, cet alcool contient la thuyone, substance neurotoxique qui, à fortes doses, peut causer la xanthopsie, un trouble de la vision amenant à voir les objets en jaune. Toutefois, une étude a mis en évidence qu'une consommation d'absinthe aurait entraîné le buveur dans l'inconscience en raison de la teneur en alcool avant qu’il ait pu ingérer suffisamment de thuyone pour souffrir de xanthopsie.

Une autre hypothèse suggère que le Dr Gachet aurait prescrit de la digitaline à Van Gogh pour traiter l'épilepsie, substance qui pourrait entraîner une vision teintée de jaune et des changements dans la perception de la couleur d'ensemble [5,9]. Cependant, il n'existe aucune preuve directe que Van Gogh ait consommé de la digitaline, même si Van Gogh a peint la toile «Portrait du Dr Gachet avec branche de digitale».

Il ne semble donc pas exister d’explication médicale en médecine allopathique pouvant expliquer pourquoi Van Gogh avait une forte prédilection pour la couleur jaune dans ses peintures. D’après l’analyse d’Arnold WL [6], cette attirance par le jaune ne pourrait être expliquée que par une question de goût personnel, fondé sur une sensibilité personnelle. Dans quelle mesure le concept "Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas" est-il justifié ? Nos inclinations naturelles dictent nos goûts. Mais dans quelle mesure nos inclinations naturelles pour certaines couleurs seraient-elles le reflet de nos « équilibres/déséquilibres énergétiques » selon la théorie des Cinq Eléments à un temps t donné ?

 Relation entre médecine occidentale et médecine chinoise

 Les Cinq Emotions et les Sept Sentiments

 

Les Cinq Emotions sont réparties sur les Cinq Eléments et sont considérées comme physiologiques quand elles ne se manifestent pas de façon excessive, répétée ou permanente. Elles correspondent à un mode d’adaptation aux aléas de la vie.

Les Sept Sentiments représentent le caractère pathologique des émotions. Aux Cinq Emotions sont ajoutées la tristesse (bei) associée aux Poumons et la frayeur (jing) associée au Cœur et aux Reins.

« Par suite de la séparation avec les parents, de la désespérance, de l’accumulation des soucis et de la concentration, de la rancune d’une part ; du chagrin, de la crainte, de la joie et de la colère, d’autre part, les Organes deviennent alors en état de vide et le Sang et l’Energie quittent leur emplacement naturel » (Suwen, 77).

« Au niveau du Cœur demeure le shen. Les exagérations de la crainte, l’inquiétude, la méditation ou le souci atteignent facilement le shen » (Lingshu, 8).

« La tristesse, l’affliction, les soucis nuisent au Cœur » (Nanjing, 49e difficulté).

Les sentiments en excès lèsent la circulation du qi, ce qui va léser le qi, le Sang, le yin, le yang et les Liquides organiques.

Chaque sentiment peut dérégler son Organe respectif en engendrant et aggravant une maladie et réciproquement, la pathologie d’un Organe peut être révélée par un dérèglement des Sentiments. Chaque sentiment en excès peur se transformer en Feu.

 

Les fonctions des Organes

Les trois Organes les plus touchés par les Sentiments sont le Cœur, le Foie et la Rate, entraînant les syndromes suivants :

-        vide de qi et de Sang blessant la Rate pour le qi, le Cœur et le Foie pour le Sang ;

-        échange entravé entre Cœur (Feu) et Reins (Eau) : mouvements verticaux du Feu et de l’Eau de l’axe shaoyin perturbés ;

-        Foie et Rate en dissonance.

 La Rate 

L’excès de réflexion (soucis, rumination mentale) blesse la Rate et noue le qi. Les fonctions de l’harmonisation-transport du qi, du Sang et des Liquides organiques et de la montée-descente du pur et de l’impur sont entravées. L’Humidité n’est plus éliminée et se transforme en mucosités qui montent au Cœur.

 Le Foie

Le Foie assure la mise en mouvement. La colère, l’énervement, l’irritabilité entravent la libre circulation du qi, provoquant une stagnation du qi du Foie, mucosités impures comprises. D’autre part, le Bois du Foie attaque la Terre de la Rate.

 

Le Cœur

Comme le Cœur n’est plus nourri par le Sang, l’impur stagne, affaiblit le Cœur et le shen, et ferme les orifices, ce qui ralentit le psychisme et provoque les troubles mentaux.

Dans les conditions physiologiques normales, la joie détend et fait circuler le qi et le Sang, procurant une sensation de légèreté, de bien-être et de bonheur. Il s’agit de la joie interne, spontanée, inhérente à l’individu, à différencier avec la joie liée à une cause externe qui peut désorganiser la conscience.

 Dépression et troubles psychiques en médecine chinoise

 -        Les excès et déséquilibres alimentaires, les soucis et pensées obsédantes, le surmenage, entraînent un Vide de qi de Rate (jaune). Celle-ci ne peut plus fabriquer le qi à partir des aliments (yingqi) ni transformer le qi en Sang. La transformation et le transport ne sont plus correctement pourvus, l’Humidité n’est plus chassée et s’installe. A la longue, celle-ci se transforme en Mucosités impures qui montent au Cœur et obstruent ses Orifices.

Le yingqi n’étant plus produit, il ne peut nourrir le Cœur (rouge) qui est la demeure du shen.

Le shenming (clarté de l’Esprit) est affaibli, ce qui provoque les troubles psychiques et engendre la dépression.

-        La dépression et les facteurs émotionnels engendrent une stagnation du qi du Foie (vert) qui envahit la Rate (jaune). Les facteurs psychiques aggravent le Vide du Cœur, ce qui provoque les troubles mentaux.

-        Le refoulement des émotions, la parole non exprimée entraîne une stagnation du qi du Foie qui attaque la Rate par le cycle de soumission. Au cours du temps, cette stagnation de qi peut se transformer en stase de Sang.

-        A cause de la stagnation du qi du Foie, les Mucosités provenant de la Rate s’accumulent dans le Cœur. Le shen est déplacé de sa demeure provoquant les troubles psychiques et la dépression. Si la stagnation du qi du Foie se prolonge, elle se transforme en Feu du Foie. Quand le qi du Foie monte à contre-courant au Cœur, il blesse le Cœur et le shen. Lorsque la stagnation du qi et l’atteinte du Cœur se prolongent, la Rate est touchée, entraînant le Vide de Cœur et de Rate : la Rate ne produit pas le Sang pour nourrir le Cœur qui est la demeure du shen, d’autant plus que les facteurs psychiques aggravent son Vide, ce qui aggrave les troubles mentaux.

Les symptômes de ces déséquilibres sont d’apparition progressive : signes de ralentissement psychique : mutisme, visage inexpressif, regard fixe (cf. Autoportraits de Van Gogh), léthargie, dépression, introversion, confusion mentale, intellect affaibli.

 

Analyse des peintures de Van Gogh

 Méthodologie

 Dans cette étude, les peintures de Van Gogh sont analysées selon une grille de lecture basée sur :

La correspondance entre :

- les couleurs et les Cinq Eléments,

- les couleurs et les Cinq Organes,

- les couleurs et Cinq Emotions et les Sept Sentiments (tableau II),

- les symptômes/diagnostics de Van Gogh selon la médecine occidentale et la physiopathologie en médecine chinoise (tableau III).

Une théorie en chromothérapie selon laquelle nous sommes instinctivement attirés par les couleurs qui nous permettraient de corriger un déséquilibre d’énergie pouvant engendrer des problèmes physiques, mentaux ou émotionnels [22].

 Tableau II. Correspondance entre les couleurs, les Cinq Eléments, les Organes, les Cinq Emotions et les Sept Sentiments.

 

Couleur

Elément

Organe

Cinq Emotions et Sept Sentiments

Vert

Bois

Foie

Colère – Enervement – Irritabilité – Irascibilité – Courroux – Fureur

Rouge

Feu

Cœur

Joie - Frayeur

Jaune

Terre

Rate

Souci- Rumination mentale – Contrariété – Préoccupations - Appréhension

Blanc

Métal

Poumons

Chagrin –Tristesse – Affliction

Noir

(Bleu)

Eau

Reins

Inquiétude – Peur - Crainte – Frayeur - Effroi - Panique

 

 Tableau III. Correspondance des troubles de Van Gogh selon la médecine allopathique et la médecine chinoise.

 

Symptômes selon la médecine allopathique

Déséquilibre énergétique selon la médecine chinoise

Halos colorés attribués au glaucome

Xanthopsie et cataracte

Xanthopsie due à intoxication digitalique

Dyschromatopsie acquise

Foie : Atteinte de   l’organe sensoriel visuel

Maladie de Ménière : vertiges et étourdissements épisodiques, déséquilibre physique, symptômes auditifs, acouphènes

Rein : atteinte de l’organe sensoriel auditif

Epilepsie

 

Rein : Vide du qi 

Foie/Vésicule biliaire : chaleur humide

Foie : montée de yang

Trouble bipolaire, symptômes maniaco-dépressifs ou cyclothymiques,

Psychose cycloïde

Psychopathologie due à une intoxication chronique au plomb (crises d'épilepsie, altérations progressives du caractère, périodes de délire, troubles mentaux)

Dépendance à l’absinthe (thuyone) : hallucinations, convulsions, sensations de désinhibition

Rein - Cœur : atteinte de l’axe shaoyin 

  

Symptomatologie de Van Gogh selon la médecine chinoise

 Les signes de dépression, stress, insomnie de Van Gogh peuvent correspondre aux syndromes suivants :

-        syndrome de yin vide, Feu florissant,

-        syndrome Vide de Cœur et de Rate : correspondant au vide de Sang,

-        syndrome Stagnation du qi de Foie et accumulation de mucosités.

La stagnation de qi se transforme en Feu, donnant les signes de Feu : irritabilité, colère facile, acouphènes.

Le Vide de yin du Cœur, conséquence de la Chaleur du Foie et du non-échange avec l’Eau des Reins pourrait être à l’origine des insomnies.

Le qi du Foie blesse le Cœur-Esprit, entraînant des signes de Cœur et de shen blessés : colère, insomnies, confusion mentale, hallucinations, illusions sensorielles.

Van Gogh présentait aussi des signes de Vide de Sang à la tête (acouphènes, vertiges) et de Vide de Sang du Cœur (insomnies).

Le yin déficient et le Feu en plénitude peuvent expliquer sa dépression.

Par ailleurs, on peut aussi noter des signes de Chaleur-Vide :

-        du Cœur (vide de yin) : insomnie, agitation anxieuse

-        du Foie (élévation du yang) : colère, vertiges

-        des Reins (vide de yin) : vertiges

La stagnation de qi et l’accumulation de mucosités sont à l’origine de :

-        signes de mucosités du Cœur : agitation mentale, insomnie ou sommeil perturbé.

-        signes de stagnation de qi du Foie : dépression, abattement, alternance de l’humeur.

En conclusion, les symptômes de Van Gogh pourraient correspondre à l’atteinte de   :

-        Rate et Reins : vide de yin ;

-        Foie : vide de Sang et montée du yang ;

-        Cœur : Plénitude de Feu suite au vide du Rein yin.

 Les couleurs utilisées par Van Gogh

 On peut noter une prédominance de jaune et de bleu, et en proportions moindres du vert dans les peintures de Van Gogh.

-        Le vide du yin de Rate pourrait être à l’origine de son attirance pour la couleur jaune (ex. : Les tournesols ; Epis de blé).

 

Epis de blé (juin 1890)                                                                                                                               
Huile sur toile 64,5 x 48.5 cm

Rijksmuseum, Amsterdam

 

 

Vase avec quinze tournesols (Arles, août 1888).

National Gallery, Londres, Angleterre

 

 -        Le vide de Sang du Foie pourrait expliquer une certaine prédominance de vert dans ses oeuvres (ex : Les bords de l’Oise à Auvers).

 

 

Les bords de l'Oise à Auvers (juillet 1890)
Huile sur toile 73,3 x 93,7 cm.
Detroit, The Detroit Institute of Arts

 

-        Le bleu prédomine dans de nombreuses œuvres de Van Gogh (ex : La nuit étoilée ; Branches fleuries d’amandier ; Champ de blé sous un ciel orageux).

 

La nuit étoilée (Cyprès et village) / (juin 1889)
Huile sur toile, 73.7 x 92.1 cm
New York, MOMA

 

La couleur bleue n’existe pas dans le tableau classique de correspondances des couleurs avec les Cinq Eléments. Selon le Feng Shui, le bleu est assimilé à l’élément Eau, donc à l’organe Rein. Ce qui pourrait expliquer la prédominance du bleu par le vide du yin des Reins.

Mais si l’on rapproche le bleu du vert en se référant à une certaine similitude d’écriture en chinois, l’attirance par la couleur bleue chez Van Gogh pourrait alors être assimilée au vide de Sang du Foie. 

-        La plénitude de Feu de Cœur (suite au vide du Rein yin) pourrait être l’explication de la quasi-absence de couleur rouge dans ses œuvres (exception : La vigne rouge ; Le café de nuit, place Lamartine, Arles).

 La vigne rouge (novembre 1888)
Huile sur toile, 75 x 93 cm
Moscou, Musée Pouchkine


Le Café de nuit (septembre 1888)

70 x 89 cm

Yale University Art Gallery, New Haven, Connecticut, USA

 Tableau IV. Correspondance entre les couleurs des œuvres de Van Gogh et les Cinq Eléments/Organes

 

Couleurs prédominantes

Organes /Elément

Peintures

Marron

Rate/Terre

Les mangeurs de pommes de terre (avril 1885)

Jaune

Rate/Terre

Tournesols dans un vase (août 1888);

Jaune/Marron & Bleu

 

Le semeur au coucher du soleil (juin 1888) ; Moissons en Provence (juin 1888) ; Terrasse du café le soir (septembre 1888) ; Chambre de Vincent à Arles (octobre 1888) ; Souvenir du jardin à Etten (novembre 1888) ; Iris (mai 1889) ; Portrait du docteur Gachet (juin 1890)

Vert & Bleu

Foie/Bois & Reins/Eau

Les bords de l’Oise à Auvers (juillet 1890) ; Champ de blé sous un ciel orageux (juillet 1890)

Bleu/Noir

Reins/Eau

La nuit étoilée (juin 1889) ;

Autoportrait à l’oreille bandée (1889) ; Autoportrait à Saint-Rémy (septembre 1889) ; Le semeur (1889) ; Branches fleuries d’amandier (février 1890) ; Route avec un cyprès et une étoile (1890)

 


Le semeur au coucher du soleil (novembre 1888)
Huile sur jute sur toile, 73,5 x 93
Zurich, Fondation collection E. G. Bührle

 


Les mangeurs de pommes de terre (avril 1885)
Huile sur toile, 82 x 114 cm
Amsterdam, Musée Vincent Van Gogh

 

 Autoportrait à Saint Remy (septembre 1889)
Huile sur toile, 65 x 54 cm
Paris, Musée d'Orsay

 

 

Branches fleuries d'amandier (février 1890)
Huile sur toile, 73,5 x 92 cm
Rijksmuseum, Amsterdam

 

Portrait du docteur Gachet (juin 1890)
Huile sur toile, 66 x 57 cm
Collection privée (Christie's New York, 1990)

 

Iris (mai 1889)
huile sur toile, 71 x 93 cm
Malibu, Paul Getty Museum

 


Champ de blé sous un ciel orageux (juillet 1890)
Huile sur toile 50 x 100,5 cm.
Amsterdam, Rijksmuseum Vincent Van Gogh

 

 Conclusion

 Il existe une concordance entre les divers diagnostics allopathiques attribués à Van Gogh et les déséquilibres énergétiques vus sous l’angle de syndromes physiopathologiques en médecine traditionnelle chinoise. La prédominance de jaune, vert et bleu dans l’ensemble de ses peintures pourrait être attribuée à ses troubles traduits en termes de déséquilibres énergétiques selon la médecine chinoise (tableau IV).

 

 

Dr Tuy Nga Brignol

Rédactrice en chef d'Acupuncture & Moxibustion

Rédactrice en chef de la revue « Les cahiers de myologie »

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 Conflit d’intérêts : aucun

 Références

 1- Naifeh S, Gregory White Smith, « Van Gogh : The Life”. Random House (New York), 2011.

2- Voskuil PH.. Van Gogh's disease in the light of his correspondence. Front Neurol Neurosci. 2013;31:116-25.

3- Michel FB, « Van Gogh, psychologie d’un génie incompris », Ed Odile Jacob, 2013.

4- Voskuil P. Diagnosing Vincent van Gogh, an expedition from the sources to the present "mer à boire". Epillpsy Behav. 2013;28(2):177-80.

5- Lanthony P, [Van Gogh's xanthopsia], Bull Soc Ophtalmol Fr. 1989 Oct;89(10):1133-4. 

6- Arnold WN, Loftus LS, Xanthopsia and van Gogh's yellow palette, Eye (Lond). 1991;5 ( Pt 5):503-10.

7- Lee TC, Van Gogh's vision. Digitalis intoxication? JAMA. 1981;245(7):727-9.

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10- Hart WM Jr. Acquired dyschromatopsias. Surv Ophthalmol. 1987;32(1):10-31.

11- Arenberg IK, Countryman LF, Bernstein LH, Shambaugh GE Jr, Van Gogh had Menière's disease and not epilepsy. Jama. 1990;264(4):491-3. Comment in : Jama. 1991;265(6):722-4.

12- Arenberg IK, Countryman LL, Bernstein LH, Shambaugh GE Jr, Vincent's violent vertigo. An analysis of the original diagnosis of epilepsy vs. the current diagnosis of Meniére's disease, Acta Otolaryngol Suppl. 1991;485:84-103.

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20- Arnold WN, Vincent van Gogh and the thujone connection, JAMA. 1988;260(20):3042-4.

21- Carotaa A, Iariac G, Berneyb A, Bogousslavskya J, Understanding Van Gogh’s Night: Bipolar Disorder IN Neurological Disorders in Famous Artists. Bogousslavsky J, Boller F (eds): Front Neurol Neurosci. Basel, Karger, 2005, vol 19, pp 121–131

22- Norris S – Chromothérapie – Série Découverte et Initiation – 224 p – The Ivy Press Limited 2001.

 

Nos remerciements au Ciné-Club de Caen (Partie Beaux-Arts) pour l’iconographie.

Visitez leur site : http://www.cineclubdecaen.com/peinture/materiel/grandspeintres.htm

 

 Brignol TN. Van Gogh : revue de littérature de ses diverses pathologies et essai d’analyse du déséquilibre énergétique à travers ses peintures. Acupuncture & Moxibustion. 2013;12(3) 

 

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