MÉRIDIENS, 1999 - N° 113

LE TAI YANG ET LA DOULEUR, INTERFACES MULTIPLES 

Docteurs Sophie Houssemand, Sylviane Ogier* 

Résumé : Face aux aspects multifactoriels de la douleur, le Tai Yang présente un modèle de réponse thérapeutique pluridimensionnel parce qu'il est une interface. Ses différentes missions de protection, de répartition, d'information, et de communication permettent actuellement de le considérer, en référence aux textes anciens, comme un dispositif régulateur ubiquitaire que l'on se propose de nommer fonction. Ce travail sur le Tai Yang expose comment, face à une douleur, le médecin acupuncteur dépasse le signal loco-régional pour atteindre l'homme souffrant dans sa globalité.

Mots clés : Tai Yang, douleur, interface, fonction, globalité. 

Abstract : Confronted by the differing aspects of pain, Tai Yang offers as a possible solution a paradigm of therapy in multidimensional form because it is an interface. Its different roles of protection, of diffusing information and of communication enable us at the present time, when referring to the ancient texts, to consider it as an overall regulating system that we could call function. This study of Tai Yang shows how the medical acupuncturist when confronted by pain, looks further than the localised signal so as to arrive at the individal suffering in his intirety.

Key words :    Tai Yang, pain, interface, function, entirety.

 * Étude réalisée pour le 3ème Congrès national d'Acupuncture de la FAFORMEC à Paris les 10-11/12/99 (Fédération des Acupuncteurs pour leur Formation Médicale Continue). ASLMARRA : Amicale St Luc des Médecins Acupuncteurs de la Région Rhône-Alpes

 

La présente communication nous conduit tout d'abord à définir la notion de DOULEUR. Au XVIIème siècle, DESCARTES écrivait "La douleur n'est ni plus, ni moins qu'un système d'alarme dont la seule fonction est de signaler une lésion corporelle". Pour le  Petit Larousse, la douleur est décrite comme "une sensation pénible, désagréable ressentie dans une partie du corps, mais ce peut être aussi un sentiment pénible, voire une souffrance morale".

La Pensée chinoise ne fait pas la distinction entre la matière et l'esprit. La douleur simple peut être le résultat d'un trouble de l'harmonie entre les énergies Yang et Yin.

Cet exposé est consacré au Tai Yang ; il est divisé en deux parties : Interfaces de l'Externe et Interfaces de l'Interne. Le choix du Tai Yang a été réalisé non pas dans le but de le réactualiser sous ses aspects Jing Mai, Jing Jin, Jing Luo, Jing Bie, mais plutôt de donner une vision globale de cette entité, en essayant de mettre l'accent sur l'aspect dynamique du Qi.

Le Su Wen ch 39 dit "pour bien parler des théories anciennes, il faut les rapprocher des actuelles".

Le Tai Yang, dans son expression pathologique aiguë ou chronique, représente tout de même l'activité quotidienne de l'acupuncteur. Il illustre la partie superficielle, donc la partie visible et accessible de l'individu ; il est aussi facilement agressé puisque bien exposé, et devient souvent la première victime dès que la défense n'est plus assurée ; enfin, il peut être considéré comme un écran à double face qui peut recevoir, rejeter ou imprimer les messages plus profondément. 

I - INTERFACES DE L'EXTERNE (S. Ogier) 

1. Sur le plan morphologique

Toute idée de souffrance sous-tend sur le plan énergétique une interférence au courant incessant des vaisseaux Jing. Si on observe structurellement le Tai Yang en tant que Jing Mai, c'est le plus long de l'organisme (67 points pour V, 19 points pour IG), donc le plus étendu. Il est en fait la partie la plus superficielle du corps, se dessine comme un voile qui reçoit le ciel, rejoint la terre ; il régit également l'OUVERTURE du YANG.

Su Wen  ch 6 :  "Le Tai Yang est ouverture, il répand le souffle. Le Yang Ming est clôture, Le  Shao Yang est charnière, il règle le débit".

Ce voile qui débute au Tai Yang supérieur (intestin grêle), nous conduit du point "petit marais" au point Ting Gong "palais de l'audition", puis rejoint le Jing Ming "clarté du ciel", d'où  naît le Tai Yang inférieur (vessie) qui s'achève au Zhi Yin "Yin extrême". Par son cheminement externe et son passage sur la tête et le cou, il est facilement exposé aux agents externes, le Han (froid) est celui qui fréquemment teste la perméabilité du voile. "Le froid change le Tai Yang" dit le Shang Han Lun, mais le vent lui aussi peut venir le seconder pour générer la pathologie.

Le Tai Yang, par ailleurs, contient les points shu assentiment ou d'hyperesthésie qui répondent à la douleur. La symptomatologie des organes est censée s'accumuler sur les points assentiments dorsaux correspondant aux organes (Ling Shu ch 33). Le Da Zhu (11 V) "grande navette" correspond à la première vertèbre dorsale comparée elle aussi à une navette conçue pour la liaison et la transmission. 

2. Sur le plan fonctionnel

Le Yang fort régit et assure la protection communication (Planche 1) 

- protection externe par rapport au Tai Yin.

"Le Tai Yang, contrôle l'externe, le Tai Yin contrôle l'interne". Ling Shu ch IV. Le Tai Yang, c'est l'homme vis-à-vis de l'externe, le Tai Yin, c'est l'homme vis-à-vis de l'interne (peau, muqueuses). Il commande la circulation de l'énergie wei. Ce wei défensif, trop fluide pour être dans les vaisseaux, sous-tend ce voile en remplissant les interstices de la trame. Le wei passe dans les vallées intermusculaires dénommées Xi et Gu, "grands confluents dans les chairs" ch 58 Su Wen.

- protection externe par opposition à la pénétration du Xie

C'est "la grille d'ouverture", dit le Ling Shu ch 5. La grille d'ouverture est plus ou moins ouverte aux agresseurs avec permission d'entrée en plus ou moins grand nombre des Xie. Mais la pénétration des Xie ne se fera qu'en référence à l'insuffisance d'énergie vitale et la plénitude d'énergie perverse (Ling Shu ch 66). Le conflit engendrera une douleur de différents types : horripilation, douleur musculaire..

Le Su Wen précise :

* ch 63 : le Xie s'installe dans l'épiderme, faute d'en être chassé, il entre dans les ramifications vasculaires, puis dans les vaisseaux de liaison, puis dans les méridiens, parcourt les viscères..

* ch 56 : le Yang du Tai Yang se nomme Guan Shu (centre régulateur). Tout réseau apparaissant sur son territoire est une liaison du Tai Yang qui déverse le trop plein de Xie dans le méridien ; le Xie prend asile dans le viscère creux (exemple cystite).

* Ch 42 : le vent peut pénétrer le Tai Yang et passer tous les Yu de la vessie, se répandant dans les chairs : il s'en prend au wei défensif qui tuméfie les chairs. 

3. Mais comment naît la douleur ?

Le Qi circule ; lorsque le froid pénètre à l'intérieur du méridien, il ralentit le Qi, puis le bloque dans sa circulation, ce qui provoque une douleur aiguë. Le froid logé à l'extérieur des vaisseaux les rétracte et cause une douleur brutale. La douleur subsiste en fonction de la répétition des refroidissements. Le froid logé à l'intérieur affronté à la chaleur donnera une douleur avec pression intolérable par désorganisation du Qi et du sang (Su Wen ch 39). 

4. Sur le plan clinique

Me X, de constitution Tai Yin, aux antécédents de rhinites chroniques, colites spasmodiques, douleurs arthritiques et insomnie avait consulté l'an passé pour un tableau dépressif avec "crise de panique", bien stabilisée après les séances d'acupuncture. En août, au retour de vacances en Bretagne, elle décrit :

* une apparition de douleurs erratiques : cervicalgie, algie du pied gauche (méridien vessie),

* une recrudescence de douleurs arthritiques suite à un bain froid, accompagnée de signes digestifs à type de nausée. Le pouls est faible et profond. Le wei défensif ne protège plus la partie biao externe du corps, favorisant la pénétration du Xie

* le vent (fong) explique les douleurs erratiques,

* le froid humidité induit plutôt les douleurs fixes.

Les signes digestifs : c'est le début de pénétration des Xie. Le vent atteint le Yin profond, le Yin ne peut pas monter le Yang est bloqué en haut. Le diaphragme se bloque, expliquant la nausée (syndrome "Ni").

Par sa morphologie Tai Yin, cette femme a tendance à immobiliser son  Yin interne. Le Tai Yang barrière de  défense, ne protège plus le Tai Yin ; le Yang est faible, il reste à l'intérieur. Il y a rupture de communication entre Tai Yin et Tai Yang. Les antécédents mentaux renvoient à la fonction Shao Yin et ses instances psychiques. Ceci nous conduit  à la deuxième partie de l'exposé. 

II - INTERFACES DE L'INTERNE (S. Houssemand)

Pour démentir Descartes, réhabilitons Aristote et Platon  qui eurent une approche rationnelle de la douleur en la considérant non pas comme une sensation (au même titre que celle provoquée par la vue, l'ouïe, le toucher..), mais comme une émotion qui devait, à l'instar de son opposé le plaisir, être perçue par un organe maître : le coeur (11). Bien plus tard, en 1979, la définition de Merksey ralliait les deux phénomènes : "la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle".

Pour la Chine, la conception culturelle de la douleur provoque rarement une expression directe par des pleurs ou des cris. La souffrance est davantage endurée avec fatalisme. Dans les textes anciens, c'est une notion vite occultée ; on évoque la douleur, mais on décrit longuement le processus d'atteinte par le Xie (ex SW 39) (1). Le Tai Yang, "Yang maximum" (SW 75) présente donc comme on l'a vu une structure riche et plastique, illustrant bien la complexité du mécanisme de propagation d'une douleur allant de l'extérieur vers l'intérieur, de la périphérie vers la profondeur, de l'enveloppe vers le cerveau. La profondeur du Tai Yang c'est (encore) le jeu d'interfaces constantes avec les trois aspects que nous allons aborder :  les organes (cœur et rein), le cerveau et les organes sensoriels, et la représentation ciel-terre-homme. 

1. Biao/Li et mission d'information

Éphémère ou persistante, une douleur, quand elle est profonde, est une maladie dans la maladie. La pathologie du Tai Yang dans la profondeur provoque la souffrance des viscères IG et V et peut donc atteindre leurs organes C et Rn. On sait qu'"il existe un rapport dehors-doublure (Biao/Li) entre Tai Yang et Shao Yin.." (SW 24) (1). Considérer la relation Biao/Li, c'est étudier l'interaction dans les deux sens :

• De l'extérieur : "Tai Yang (V) domine le Qi, il est le dehors, le Biao" (SW 33) (1). Au chapitre 63 du Su Wen (1) on découvre les étapes de pénétration du Xie allant de la peau aux viscères ; l'intégration du message douloureux vers l'intérieur se fraye différents passages, ce qui suppose un affaiblissement des fonctions de protection du Tai Yang. Car "le Xie pathogène ne peut seul léser le corps de l'homme" (LS 66) (2) et l'atteinte viscérale ne survient pas par hasard (8). Su Wen 24 (1) dit : "Si le corps est heureux et l'esprit accablé, la maladie naît dans les vaisseaux". La perte d'harmonie du milieu intérieur prédispose donc l'homme (de façon physique ou psychique) à l'agression douloureuse récidivante ce qui facilite la persistance ou la transformation de la douleur (initialement brève et brutale). 

• De l'intérieur : "Shao Yin est la doublure (le Li)" (SW 33) (1). A l'inverse, la souffrance muette de l'organe (Rn) peut émettre à la surface (Biao) des signaux douloureux visibles ou palpables prenant valeur d'indice. Car l'intrication avec la surface est permanente. Le Ling Shu nous révèle au chapitre 47 (2) : "Les reins sont en rapport avec le TR et la V, eux-mêmes en relation avec les jonctions entre la peau et les muscles". C'est pourquoi l'extériorisation d'un signal douloureux (tel qu'une contracture para vertébrale), peut être "la résultante d'une longue élaboration du processus pathogène interne", qui  provient d'un déséquilibre  Yin/Yang inapparent (8). Finalement, que ce soit en progressant du dehors au dedans, ou le contraire, sur un mode direct ou indirect, l'apparition d'une douleur dans le Tai Yang est à la fois indice et révélateur d'indice. Par sa relation Biao/Li avec Shao Yin, elle chemine entre l'extérieur et l'intérieur et se loge de façon significative, soit pour exprimer une souffrance, soit pour l'imprimer en profondeur.  (Planche 2) 

2. Douleur, psychisme et verticalité

Cerveau et psychisme sont en relation étroite avec le Tai Yang comme en témoigne le trajet céphalique du méridien (LS 10) (2). Le Tai Yang "rassemble" et réunit le Yang à la tête. On lit : "Tous les Yang dépendent du Tai Yang dont le vaisseau est relié au point Feng Fu (16 VG)" (SW 31) (1). Citons d'emblée les rapports essentiels entre Tai Yang et les méridiens curieux (Yin Qiao Mai, Yang Qiao Mai et Du Mai) dont il détient des points clés. À toute douleur  et à toute réponse neuro-végétative, s'ajoute une participation émotionnelle qui relie la sensation (j'ai mal) à la perception ou mise en mémoire (je souffre) (11). Quand le Tai Yang est source de frayeurs, de manifestations émotionnelles (colère, larmes), le Shao Yin est en cause. Qui dit Shao Yin parle de l'axe vital de l'homme représenté par les instances psychiques Zhi et Shen, avec son maillon central qui le fragilise : le Yi (7). Cette représentation relie la volonté, la pensée et l'esprit, et met le sujet à l'épreuve de sa conformité entre le ciel et la terre. On peut l'appeler "axe directionnel de l'homme" qui sous-tend la conscience et la connaissance (7).

En Occident, on considère que, quel que soit son niveau de perception, la conscience est une condition nécessaire pour ressentir une douleur. L'information est enregistrée en fonction de l'interprétation qu'on en a faite, soit inconsciemment, soit par rapport au contexte du moment. (Planche 3).

En MTC, le Shao Yin est le récepteur central de l'information douloureuse ; c'est lui qui engage le Shen, donc le vécu, l'assimilation des composantes affectives de l'histoire de l'individu. Le Su Wen aux chapitres 21 et 80 (1), nous rappelle combien il est nécessaire "d'observer le degré d'émotivité, l'état général et la susceptibilité de la peau pour connaître la nature du sujet  et l'examiner selon les règles" ou plus loin, "le diagnostic est complet si on n'omet pas l'état affectif". Enfin, le Jia Yi Jing, en parle dès le chapitre 1er du livre I "le cœur est ce qui perçoit ;  lorsque le cœur mémorise, l'idée apparaît" (5). (Planches 4 et 5).

Cette notion d'axe vertical est rapportée dès le SW 3 (1) au sujet du Tai Yang "Dans les maladies causées par le froid, l'esprit vacille comme autour d'un axe". Plus concret, LS 8 explique : "le Zhi perturbé entraîne la perte de la joie et de la mémoire ; on ne peut plus ni fléchir ni redresser la colonne lombaire". (2). Par cet axe, l'homme est placé au centre d'un échange énergétique haut/bas qui fait la synthèse des composantes affectives et émotionnelles de toutes les manifestations. Car le psychisme est implanté dans les organes ; il réagit sur le physique et inversement. "Les échanges (entrées et sorties) et les mouvements (ascension et descente) sont l'objet de soins constants" nous livre le chap. 68 du Su Wen.. et en cas de pathologie, le Yin ne peut plus monter et le Yang ne peut plus descendre. Les trois Yin et les trois Yang sont bien des mouvements fondamentaux, beaucoup plus que de simples trajets canalaires. Leur évolution relative aux fonctions vitales, reflète la destinée du Yang de l'individu (7). 

3. Tai Yang et organes des sens

La définition de la douleur proposée par l'Association internationale pour l'étude de la douleur (IASP) qui dit, (Merksey 1979) "la douleur est une expérience sensorielle (…)", reste toujours actuelle. Mais la perception de la douleur, à la différence de ce qui se passe pour les organes sensoriels, ne fait pas intervenir de récepteurs spécialisés (6), alors que la perception sensorielle est individuelle et met en jeu le cortex cérébral.

Le trajet du Tai Yang encadre l'œil et l'oreille (LS 10) (2). Les orifices corporels sont les antennes des viscères, les  portes des esprits, car chaque orifice a sa fonction, chaque organe a son Shen. Ce qui atteint les yeux, retentit sur le foie, ce qui atteint les oreilles, retentit sur les reins. Dans le Nan Jing, la 40ème difficulté précise que l'orifice corporel des reins reçoit le son pour que l'oreille entende, quant au cœur, il aide à la reconnaissance des sensations (Š) pour participer à leur mémorisation. (3).

C'est bien un circuit significatif ; Yu Zhen (9 V), Jing Ming (1 V) et Zan Zhu (2 V) vont à l'œil, Ting Gong (19 IG), Luo Que ( 8 V) vont à l'oreille. La vue et l'ouïe dans la proximité immédiate du Tai Yang permettent à l'homme de se situer dans l'espace et de déterminer la posture. De ce fait, les organes des sens participent à la verticalité. Par ailleurs, le Tai Yang renforce également la stabilité par les "six lignes du dos qui servent de règle au corps humain", (SW 79) (1), où s'alignent les points shu-assentiment contenant l'énergie des organes tout le long du Du Mai (2). Donc, placé à la fois entre ciel et terre (en contact avec le Yang cosmique) et entre l'enveloppe et le centre (où il tisse un gigantesque réseau de connections) le Tai Yang peut apparaître comme un immense moyen de communication parce qu'il aide à l'acheminement du message douloureux, draine partout, filtre en fonction du rapport Yin/Yang et soutient la zone des organes sensoriels un peu comme une sonde plongée dans le milieu ambiant, pour influencer la statique et être solidaire des modifications du comportement.  (Planche 6).

L'ubiquité de situation et de fonction du Tai Yang fait de lui un ensemble d'interfaces multiples, liant entre eux des systèmes de détection et de réponse mis en jeu dans l'adaptation de l'organisme aux agressions de tout genre. On comprend donc comment, en fonction de l'équilibre énergie/sang du patient, le Tai Yang est plus qu'une enveloppe, plus qu'un circuit, plus qu'un émetteur-récepteur d'informations ; il "est le père", le "3ème Yang", là où "le 3ème Yin est la mère". Cette idée forte, qui est divulguée au 79ème chapitre du Su Wen (1) lui confère de surcroît des qualités ayant trait à l'organisation, à la prospection, à l'autorité.. autant de règles de fonctionnement que la survenue d'une douleur pourra mettre à l'épreuve.  

CONCLUSION

A la manière du Tai Yang dans ses aspects multiples, internes et externes, l'expression de toute douleur est polyvalente et conduit à analyser globalement les paramètres cliniques, anamnestiques et environnementaux du patient à traiter par acupuncture (planche 7).

*  Globalité quant à l'examen clinique

"Toute douleur qui ne sert à rien est absurde" écrivait A. Malraux. Une douleur est subjective et quand elle a un support concret, une signification biologique, une cause évidente, c'est sa durée qui devient inutile et inacceptable (6). Mais quand la douleur n'est qu'un signe sans support, elle reste un signal majeur pour le médecin acupuncteur, c'est lui qui, "par l'étude des pouls et des méridiens, objective ce que l'on ne peut toucher ou dont on n'a pas la connaissance immédiate (..) ; le Shen, intuition, est la compréhension active de l'inexprimable" (SW 26) (1).

*  Globalité quant à la demande du patient

La douleur n'a ni sens ni non-sens. Entre la tentation de justifier la souffrance pour donner du sens à la vie et celle de récuser le sens d'une vie par excès de souffrance, il y a la vie, et donc le Qi qui à travers la douleur, a du sens. C'est l'homme souffrant qu'il faut soigner, avec la préoccupation de répondre à ce quelque chose qui échappe au sens et résiste au langage. (10) ; c'est le douloureux chronique. Face à la souffrance, la science, victime d'elle-même, s'intéresse à la douleur et à l'homme mais de façon  dichotomique, parce qu'elle ne peut pas intégrer l'évolution des symptômes dans le continuum espace-temps.

*  Globalité quant à l'effet thérapeutique

La médecine traditionnelle chinoise apporte cette dimension évolutive dans l'espace temps, et contribue au diagnostic par la compréhension globale d'un mécanisme dynamique. Ainsi, l'acupuncture aide à traiter l'homme souffrant dans son intégrité, fondée sur l'unité du socle physique et psychique. C'est ce que cette étude sur le Tai Yang et la douleur a tenté d'illustrer.

BIBLIOGRAPHIE

(1)    Anonyme  : HUANG DI NEI JING SU WEN. Trad HUSSON Albert, ASMAF,éd. Paris 1973, 325 p.
(2)    Anonyme : LING SHU. Trad MING WONG, Masson, éd. Paris 1987, 397 p.
(3)    Anonyme : NAN JING. Trad Dr BACH QUANG MINH, AFERA, éd. s.l.n.d,. 265 p.
(4)    Anonyme : SHANG-HAN LUN. Trad MING WONG, Masson, éd. Paris 1983, 251 p.
(5)    HUANG FU MI : JIA YI JING. Trad DANG-VU Hung, Masson, éd. 1989, 299 p.
(6)    MEYER Philippe : de la douleur à l'éthique, Hachette Sciences, éd.1998, 235 p.
(7)    NGUYEN Auguste : Attributs du Qi et fonction vitale. Séminaires ASLMARRA Lyon (les 19/6/1999 et  18/9/1999), non publiés.
(7 bis)    NGUYEN Auguste : Du neuf en acupuncture Méridiens, 1999, n° 112, p 129-149.
(8)    NGUYEN Auguste : Talalgie. Méridiens, 1990, n° 91, p 161-165.
(9)    Institut RICCI : Dictionnaire français de la langue chinoise. Kuangchi Press, éd. Taipei, 1976, 1322 p.
(10)    VERGELY Bertrand : la souffrance, recherche du sens perdu. Folio essais, éd. 1997, 333 p.
(11)    SCHWOB Marc : la douleur. Flammarion, coll. Dominos, 1994, 126 p.
                    
                     
VOCABULAIRE MÉDICAL CHINOIS

par E. ROCHAT DE LA VALLÉE* 

 

Nous continuons la publication régulière dans MÉRIDIENS d'un vocabulaire médical traditionnel chinois,

interprété et traduit en français.

On pourra considérer ces articles comme une prépublication de ce qui bientôt paraîtra dans le Grand Dictionnaire

Chinois-Françaisen préparation à l'Institut Ricci.

On pourra également les considérer comme l'état des travaux entrepris en vue de la confection et de la publication -

éventuellement en coopération avec deux autres auteurs - d'un grand dictionnaire médical chinois-français.

  Le lecteur voudra donc bien nous pardonner quelques irrégularités dans la longueur des développements et des exposés,

ainsi que d'éventuelles absences de quelques notions secondaires. Mais nous avons pensé que cette publication,

en l'état des recherches, pouvait être utile aux praticiens qui se heurtent à des difficultés de compréhension

des expressions médicales chinoises traditionnelles.

Les entrées sont exclusivement faites à partir du chinois, dans la transcription que nous avons choisie et qui est

le système officiel pinyin. Il n'y a pas d'entrée à partir du français pour éviter les confusions dues à la différence

dans les traductions d'un même mot ou expression. Les caractères chinois sont écrits dans leur forme complète;

cependant, le cas échéant, on trouvera, à droite de l'entrée, 16 formes simplifiées ou des variantes d'écriture courantes

des caractères.

Souvent, le caractère singulier - qu'il ait lui-même un sens médical ou qu'il soit simplement le premier caractère

d'expressions médicales - est présenté avec ses sens généraux en chinois. Un tel complément d'information

servira, nous l'espérons, la compréhension profonde de la proposition chinoise.

Nous avons évité les entrées trop répétitives par rapport à un sens suffisamment explicite par la décomposition de

l'expression.

Ainsi nous n'avons pas répété systématiquement un caractère déjà analysé isolément dans des expressions où

la seule addition est le caractère signifiant " symptôme " ou "méthode "... etc.

Ce vocabulaire ne s'étend pas au champ très vaste et spécialisé de la pharmacopée (materia medica). On s'est borné à

mentionner les termes les plus courants utilisés pour rédiger les ordonnances ou confectionner les médicaments.

Par contre, les médecins et auteurs médicaux les plus connus, comme les ouvrages les plus importants ont été inclus

dans cette sélection, assortis d'une brève présentation.

 

* Elisabeth ROCHAT DE LA VALLÉE - Institut Ricci - École Européenne d'Acupuncture, PARIS.