MÉRIDIENS, 1997 - N° 109

MÉDECINE, SCIENCE ET PHILOSOPHIE

par le Dr Patrick TRIADOU


Résumé. Parmi les courants de pensée qui ont influencé l'élaboration de la médecine chinoise, deux ont eu un rôle prédominant, le taoïsme et l'école naturaliste. Après la constitution de l'Empire, deux événements majeurs ont poussé à questionner la cohérence et la nature de sa représentation du réel, la rencontre avec le bouddhisme et l'arrivée de la médecine scientifique. Devenue traditionnelle, la médecine chinoise a connu une nouvelle formulation de son discours et fait preuve des mêmes tendances syncrétiques que la pensée chinoise de façon générale.


Mots clés. -Médecine chinoise, Taoïsme, Confucianisme, Naturalistes, Philosophie, Science.

 

Summary. -Among the different trends of thought which influenced the elaboration of Chinese medicine, two have been of main importance, taoïsm and the school of the naturalists. After the establishment of the Empire, two major events stimulated the questionning on the coherence and the nature of the chinese conception of the reality. The first one corresponded to the penetration of Buddhism in China and the second to the meeting with scientific medicine. After the transformation of Chinese medicine into a traditional medicine, its discurse changed but still exhibited the same tendancies to syncretism than the Chinese tought in general.


Keywords. -Traditional Chinese medicine, Taoïsm, Confucius, School of Naturalists, Philosophy, Science.

INTRODUCTION

S'interroger sur les rapports de la médecine et de la philosophie en Chine, c'est accepter de chausser les bottes de l'anthropologue pour se familiariser avec une pensée qui est celle de la culture dominante en Extrême Orient. C'est aussi l'occasion d'éviter de répondre à une question: la pensée chinoise classique relève-t-elle ou non de la philosophie?

Ces interrogations me semblent d'actualité. La médecine chinoise, menacée de disparition dans la première moitié du XXème siècle, est en effet non seulement toujours pratiquée en Chine et dans sa zone d'influence, mais également en Occident où des crédits sont alloués pour, dans un contexte d'économie de santé, définir les indications lui permettant d'offrir un meilleur rapport bénéfice/coût que d'autres thérapies.

Pour revenir à la question initiale, trois périodes me semblent plus particulièrement intéressantes. La première qui s'étend du Vème siècle avant J.C. au lIème siècle après J.C., c'est-à-dire des Royaumes combattants à la fin de la première grande dynastie chinoise, est celle de la mise en place des cadres théoriques de la médecine savante. Elle correspond aussi au moment de l'apparition des écoles de pensée avant que l'orthodoxie confucéenne n'occupe le devant de la scène. Les deux autres partagent une réaction dirigée contre l'introduction de deux regards étrangers sur le réel que constituent le bouddhisme d'origine indienne à partir du Vlllème siècle et la médecine scientifique au XXème siècle.

MÉDECINE ET TAOÏSME

La médecine du Dao, qui pourrait servir titre à cet exposé, résume bien la première période qui est celle où la médecine emprunte aux écoles leur manière de questionner le réel pour élaborer une représentation du corps, de la maladie, et une conception de l'acte thérapeutique. Le Dao occupe, en effet, une place centrale dans le paysage mental chinois. Il désigne littéralement la voie, le chemin, la propension des choses. Si chaque école dispose d'une voie spécifique, ce terme reste prioritairement associé au taoïsme qui compte au nombre de ces facettes un courant « philosophique » accessible grâce à la lecture des ouvrages attribués à Lao zi, Zhuang zi et Lie zi. Pour ces auteurs le monde est avant tout caractérisé par les transformations incessantes qui l'animent. Cela ne signifie pas pour autant qu'il soit dépourvu d'ordre, le Dao représente même le principe d'ordre qui régit son fonctionnement. Il n'existe cependant pas et cela est une donnée fondamentale de la pensée chinoise classique, de définition du Dao. Une des premières phrases du Dao de jing écrit par le légendaire Lao zi dit même que le Dao dont on parle n'est pas le Dao constant.

 suite dans le numéro 109 papier, sur commande 

VOCABULAIRE MÉDICAL CHINOIS

par E. ROCHAT DE LA VALLÉE* 

Nous continuons la publication régulière dans MÉRIDIENS d'un vocabulaire médical traditionnel chinois, interprété et traduit en français.

On pourra considérer ces articles comme une prépublication de ce qui bientôt paraîtra dans le Grand Dictionnaire Chinois-Français en préparation à l'Institut Ricci.

On pourra également les considérer comme l'état des travaux entrepris en vue de la confection et de la publication - éventuellement en coopération avec deux autres auteurs - d'un grand dictionnaire médical chinois-français.

 Le lecteur voudra donc bien nous pardonner quelques irrégularités dans la longueur des développements et des exposés, ainsi que d'éventuelles absences de quelques notions secondaires. Mais nous avons pensé que cette publication, en l'état des recherches, pouvait être utile aux praticiens qui se heurtent à des difficultés de compréhension des expressions médicales chinoises traditionnelles.

Les entrées sont exclusivement faites à partir du chinois, dans la transcription que nous avons choisie et qui est le système officiel pinyin. Il n'y a pas d'entrée à partir du français pour éviter les confusions dues à la différence dans les traductions d'un même mot ou expression. Les caractères chinois sont écrits dans leur forme complète; cependant, le cas échéant, on trouvera, à droite de l'entrée, 16 formes simplifiées ou des variantes d'écriture courantes des caractères.

Souvent, le caractère singulier - qu'il ait lui-même un sens médical ou qu'il soit simplement le premier caractère d'expressions médicales - est présenté avec ses sens généraux en chinois. Un tel complément d'information servira, nous l'espérons, la compréhension profonde de la proposition chinoise.

Nous avons évité les entrées trop répétitives par rapport à un sens suffisamment explicite par la décomposition de l'expression. Ainsi nous n'avons pas répété systématiquement un caractère déjà analysé isolément dans des expressions où la seule addition est le caractère signifiant " symptôme " ou "méthode "... etc.

Ce vocabulaire ne s'étend pas au champ très vaste et spécialisé de la pharmacopée (materia medica). On s'est borné à mentionner les termes les plus courants utilisés pour rédiger les ordonnances ou confectionner les médicaments.

Par contre, les médecins et auteurs médicaux les plus connus, comme les ouvrages les plus importants ont été inclus dans cette sélection, assortis d'une brève présentation.

* Elisabeth ROCHAT DE LA VALLÉE - Institut Ricci - École Européenne d'Acupuncture, PARIS.