MÉDECINE, SCIENCE ET PHILOSOPHIE
par le Dr Patrick TRIADOU
Résumé. Parmi les courants de pensée qui ont influencé
l'élaboration de la médecine chinoise, deux ont eu un rôle prédominant, le
taoïsme et l'école naturaliste. Après la constitution de l'Empire, deux
événements majeurs ont poussé à questionner la cohérence et la nature de sa
représentation du réel, la rencontre avec le bouddhisme et l'arrivée de la
médecine scientifique. Devenue traditionnelle, la médecine chinoise a connu une
nouvelle formulation de son discours et fait preuve des mêmes tendances
syncrétiques que la pensée chinoise de façon générale.
Mots clés. -Médecine chinoise, Taoïsme, Confucianisme,
Naturalistes, Philosophie, Science.
Summary. -Among the different trends of thought which influenced the elaboration of Chinese medicine, two have been of main importance, taoïsm and the school of the naturalists. After the establishment of the Empire, two major events stimulated the questionning on the coherence and the nature of the chinese conception of the reality. The first one corresponded to the penetration of Buddhism in China and the second to the meeting with scientific medicine. After the transformation of Chinese medicine into a traditional medicine, its discurse changed but still exhibited the same tendancies to syncretism than the Chinese tought in general.
Keywords. -Traditional Chinese medicine, Taoïsm,
Confucius, School of Naturalists, Philosophy, Science.
INTRODUCTION
Ces interrogations me semblent d'actualité. La médecine chinoise, menacée de disparition dans la première moitié du XXème siècle, est en effet non seulement toujours pratiquée en Chine et dans sa zone d'influence, mais également en Occident où des crédits sont alloués pour, dans un contexte d'économie de santé, définir les indications lui permettant d'offrir un meilleur rapport bénéfice/coût que d'autres thérapies.
Pour revenir à la question initiale, trois périodes me semblent plus particulièrement intéressantes. La première qui s'étend du Vème siècle avant J.C. au lIème siècle après J.C., c'est-à-dire des Royaumes combattants à la fin de la première grande dynastie chinoise, est celle de la mise en place des cadres théoriques de la médecine savante. Elle correspond aussi au moment de l'apparition des écoles de pensée avant que l'orthodoxie confucéenne n'occupe le devant de la scène. Les deux autres partagent une réaction dirigée contre l'introduction de deux regards étrangers sur le réel que constituent le bouddhisme d'origine indienne à partir du Vlllème siècle et la médecine scientifique au XXème siècle.
MÉDECINE ET TAOÏSME
La médecine du Dao, qui pourrait
servir titre à cet exposé, résume bien la première période qui est celle où la
médecine emprunte aux écoles leur manière de questionner le réel pour élaborer
une représentation du corps, de la maladie, et une conception de l'acte
thérapeutique. Le Dao occupe, en effet, une place centrale dans le
paysage mental chinois. Il désigne littéralement la voie, le chemin, la
propension des choses. Si chaque école dispose d'une voie spécifique, ce terme
reste prioritairement associé au taoïsme qui compte au nombre de ces facettes un
courant « philosophique » accessible grâce à la lecture des ouvrages
attribués à Lao zi, Zhuang zi et Lie zi. Pour ces auteurs le monde est
avant tout caractérisé par les transformations incessantes qui l'animent. Cela
ne signifie pas pour autant qu'il soit dépourvu d'ordre, le Dao
représente même le principe d'ordre qui régit son fonctionnement. Il
n'existe cependant pas et cela est une donnée fondamentale de la pensée chinoise
classique, de définition du Dao. Une des premières phrases du Dao de
jing écrit par le légendaire Lao zi dit même que le Dao dont
on parle n'est pas le Dao constant.
suite dans le numéro 109 papier, sur commande
par E. ROCHAT DE LA VALLÉE*
Nous
continuons la publication régulière dans MÉRIDIENS d'un vocabulaire médical
traditionnel chinois, interprété et traduit en
français.
On
pourra considérer ces articles comme une prépublication de ce qui bientôt
paraîtra dans le Grand Dictionnaire Chinois-Français en préparation à l'Institut
Ricci.
On
pourra également les considérer comme l'état des travaux entrepris en vue de la
confection et de la publication - éventuellement en coopération avec deux autres
auteurs - d'un grand dictionnaire médical
chinois-français.
Le lecteur voudra donc bien nous
pardonner quelques irrégularités dans la longueur des développements et des
exposés, ainsi que d'éventuelles absences de quelques notions secondaires. Mais
nous avons pensé que cette publication, en l'état des recherches, pouvait être
utile aux praticiens qui se heurtent à des difficultés de compréhension des
expressions médicales chinoises traditionnelles.
Les
entrées sont exclusivement faites à partir du chinois, dans la transcription que
nous avons choisie et qui est le système officiel pinyin. Il n'y a pas d'entrée
à partir du français pour éviter les confusions dues à la différence dans les
traductions d'un même mot ou expression. Les caractères chinois sont écrits dans
leur forme complète; cependant, le cas échéant, on trouvera, à droite de
l'entrée, 16 formes simplifiées ou des variantes d'écriture courantes des
caractères.
Souvent,
le caractère singulier - qu'il ait lui-même un sens médical ou qu'il soit
simplement le premier caractère d'expressions médicales - est présenté avec ses
sens généraux en chinois. Un tel complément d'information servira, nous
l'espérons, la compréhension profonde de la proposition
chinoise.
Nous
avons évité les entrées trop répétitives par rapport à un sens suffisamment
explicite par la décomposition de l'expression. Ainsi nous n'avons pas répété
systématiquement un caractère déjà analysé isolément dans des expressions où la
seule addition est le caractère signifiant " symptôme " ou "méthode "...
etc.
Ce
vocabulaire ne s'étend pas au champ très vaste et spécialisé de la pharmacopée
(materia medica). On s'est borné à mentionner les termes les plus courants
utilisés pour rédiger les ordonnances ou confectionner les
médicaments.
Par
contre, les médecins et auteurs médicaux les plus connus, comme les ouvrages les
plus importants ont été inclus dans cette sélection, assortis d'une brève
présentation.
*
Elisabeth ROCHAT DE LA VALLÉE - Institut Ricci - École Européenne d'Acupuncture,
PARIS.