Editorial
Quand on a traduit lentement et longuement la pensée chinoise, contenue dans les Classiques, on a de la peine à formuler le mystère de la vie autrement que ne le fait cette tradition.
Je réponds à votre flatteuse proposition, en vous proposant, à mon
tour; trois textes qui résument ce que l'on pensait au temps des Han, autour de
l'ère chrétienne, sur la vie humaine. On peut en inférer les principes du diagnostic
médical. Cela vous intéresse...
Le premier texte fonde tout diagnostic comme vision simple. Le deuxième
n'est que le rappel de l'état d'un homme, comme matière vivante offerte à
l'observation. Les essences/esprits dans leur unité sont la vie complexe du
composé humain. L 'homme, malade ou bien portant, retrouve ou perpétue
l'authenticité primitive, «quand le premier soleil brillait sur le premier
matin». Notre souci et notre quête quotidienne sont de ne jamais «séparer ce
que Dieu a uni». L'unité organique est toujours une union active et parfaite.
Le Simple, qui est à l'origine de ce qui apparaît en forme d'être vivant, se
maintient Un dans tous les mouvements internes de sa croissance. S'il décline,
c'est qu'il résiste mal à la dissociation de ses composantes. Le vieillissement
du vivant doit être harmonieux.. un travail concerté, spontané de l'homme tout
entier. Les textes chinois ou le disent, ou le laissent entendre.
Voici, sans plus de commentaires, ces trois textes. Le
chapitre 10 du Laozi, pour illustrer ce principe que la vie est toujours occupée
à empêcher que se rompe le rapport mutuel de ses éléments organiques. Les
résumés des chapitres 6 et 7 du
Huainanzi, eux, privilégient deux aspects de l'unité du vivant.
Chapitre 10 du Laozi
Vos âmes
spirituelles et charnelles
S'embrassant dans
l'Unité
Saurez-vous empêcher
leur séparation
Concentrant vos souffles
Atteignant au souple
Saurez-vous produire
l'Enfançon
Contemplant l'Originel
Saurez-vous y voir les
êtres comme ils sont
Epargnant votre peuple
En conduisant l'Etat
Saurez-vous le garder
éloigné du savoir
Devant la Porte du Ciel
Qui s'ouvre et se
referme
Saurez-vous éloigner la
femelle
Candeur illumination
A l'efficace universelle
Saurez-vous vous tenir
au non agir
Laisser croître
Laisser être ne pas
accaparer
Entretenir ne pas
assujettir
Présider à la vie, ne
pas faire mourir
C'est cela la Vertu
originelle
6.LANMIN Vision dans
l'Obscur
déclare
Que l'essence
suprême circule librement dans les Neuf cieux, Que l'Imperceptible disparaît
dans le Sans forme,
Que l'Immaculé a le
pouvoir de pénétrer la Pureté,
Que l'Éblouissant
communique avec la Ténèbre obscure. Grâce à quoi, tout d'abord,
Nous recueillons
l'ensemble des êtres,
Et nous dégageons
des espèces;
Nous observons les
êtres et les rangeons dans leur classe
Notre intelligence conçoit leur ressemblance avec l'espèce Ce que les
êtres peuvent signifier
Tient au rapport du symbole qui les fonde à leur apparence Grâce à quoi
nous nous frayons un chemin
À travers des embarras inextricables
En forçant obstacles et barrages.
Après avoir dégagé le sens humain des choses,
Pris dans un infini emmêlement,
Nous pouvons saisir clairement
Les stimulations qui viennent des êtres selon leur espèce Et les
réponses qui reviennent des souffles analogues,
Les conjonctions du Yin et du Yang
Et le signe émis par la forme et le contour.
C'est ainsi que notre vision
Va au plus loin et embrasse l'universel.
7. JINGSHEN :
L'Esprit vital
Plonge jusqu'à la racine d'où l'homme tire son existence,
Il nous éveille à
la compréhension de la structure corporelle
percée des Neuf
orifices,
Il tire du Ciel ce
à quoi son image ressemble
Et assimile son
composé sang-souffles au tonnerre et à la foudre,
Au vent et à la
pluie;
En attribuant à la
même réalité allégresse et colère de l'homme,
Plein jour et
obscurité, froid et chaud,
Il consacre le
commun resplendissement de leur Vertu.
Il examine avec
soin où se séparent vivre et mourir;
Il relève les
moindres indices qui permettent de discerner le semblable et le différent,
Il règle exactement
le ressort caché de l'agir et du repos,
Pour le retour à
l'ancestral de la nature propre et du destin particulier. Ainsi l'homme
entretient-il et économise-t-il son Esprit vital,
Tient en paix Hun
et Po, ne s'aliène pas dans les êtres.
Claude LARRE SJ.