MÉRIDIENS, 2000 - N° 115  

L'ACUPUNCTURE, SA PLACE DANS LA CIVILISATION MODERNE

par le Dr Yoshiro Yase

Président du Kansai College of Oriental Medecine (Osaka, Japon)

Traduction: P. Sautreuil

Traduction résumé en espagnol: Pilar Margarit Bellver

 

Résumé: Quoique l'efficacité et la sécurité de l'acupuncture en méde­cine standard restent obscure, la demande en traitements et formation est allée en augmentation dans des pays aux fonds culturels différents.

Ce doit être la compréhension générale ou la reconnaissance que l'acu­puncture (et la moxibustion) est en droit d'attendre en tant que pratique thé­rapeutique majeure centrée sur le patient et alternative à la médecine conventionnelle centrée sur la machine.

Mots clés: acupuncture, civilisation moderne, médecine occidentale

 

Abstract : Although acupuncture's efficacy and safety in standard medicine still remains obscure, requests of its treatments and instruction have been increasing in countries with different cultural backgrounds.

This may be the general understanding or recognition that acupunctu­re (and moxibustion) is to be expected as one of major forces in patient-cen­tered treatment and alternative to conventional machine-oriented medecine.

Key words : acupuncture, modern civilization, standard medecine

 

Resumen : Aunque la eficacia y la seguridad de la acupuntura en medecina estandar sigan siendo inciertas, la demanda en tratamientos y for­maci6n ha idoaugmentando en los pais es con fondos culturales diferentes. Debe ser lacomprehensi6n general 0 el reconocimiento que la acupuntura (y la moxibusti6n) tiene el derecho moral de esperar como practica tera­peutica mayor centrada en el paciente y alternativa a la medecina conven­cional centrada en la maquilla.

Palabras clave: accupuntura, civilizaci6n moderna, medecina occiden­tal

 

L'Acupuncture, l'une des composantes de la Médecine Traditionnelle Asiatique (M.T.A.), est née il y a plus de 2000 ans en Chine, puis s'est répan­due en Corée et au Japon vers la fin du Xè siècle après J. C. Elle arriva en Europe aux environs du XVIIè siècle, et au cours des dernières années a bénéficié, à plusieurs reprises, d'un plus vaste intérêt et d'une meilleure acceptation en Occident (y compris aux Etats Unis). Le premier "boom" moderne eut lieu au début des années 70 après la visite de Nixon en Chine. Cependant, malgré un grand enthousiasme initial, l'intérêt pour l'acupunc­ture retomba rapidement. Depuis cette époque, l'acupuncture a été "redé­couverte" en Occident plusieurs fois au cours des trente dernières années.

 

La raison de cet intérêt renouvelé pour l'acupuncture venait de la des­cription de son utilisation dans la Chine moderne pour l'anesthésie au cours d'interventions chirurgicales, tout autant que pour réaliser une analgésie. Cette nouvelle utilisation de l'acupuncture durant la chirurgie était extrê­mement spectaculaire, et un sentiment se fit jour en Occident que peut être l'acupuncture pourrait être utilisée à la place de l'anesthésie conventionnelle en chirurgie.

 

L'intérêt occidental initial, toutefois, fût soumis à une sérieuse rééva­luation en raison des deux faits suivants. Premièrement, il devint évident que l'usage, à cette époque, de l'acupuncture en anesthésie pour la chirurgie était relativement restreinte et d'un fonctionnement peu fiable (bien qu'elle ait été employée comme méthode anesthésique jusqu'aux années 1980). En Chine, avec le développement de la médecine occidentale au cours des 20 dernières années, elle n'a pas été utilisée pour plus de 5 à 10 % des inter­ventions chirurgicales, surtout pour des patients et des interventions sélec­tionnés qui ont été, de façon exhaustive, confrontés aux méthodes acupuncturales.

Vous pouvez lire la suite de l'article dans la version papier de Méridiens numéro 115

 

VÉRITABLE SIGNIFICATION DES TROlS lNN ET DES TROlS YANG DES FONCTIONS VlTALES

 

Par le Docteur Auguste NGUYEN

 

Résumé: La notion de FONCTI0NS VITALES fournit une nouvelle clé de lecture des textes canoniques, de compréhension des processus physio-pathologiques, elle permet de cibler l'étiologie pour une thérapeutique plus performante. Cette démarche rapproche davantage l'Acupuncture de la Médecine moderne sans que celle-là se départisse de son caractère tradi­tionnel spécifique, qui comporte bien des paramètres apparemment dépassés. Il faut néanmoins les intégrer afin de faciliter la connaissance de cette médecine pluri-millénaire, réputée diffi­cile à saisir. Par-dessus une gorge profonde creusée par l'incompréhension, ce travail n'est qu'un pont de liane fragile, suffisamment solide cependant pour relier une rive à l'autre de la Médecine de toujours.

Mots Clés: Médecine Traditionnelle Extrême-Orientale, Fonction vitale, Trois Inn Trois Yang, Trigrammes, Ciel- Terre-Homme.

 

Abstract : The idea of VITUAL FUNCTI0NS provides a new key to interpreting the ancient texts and to understanding the physic-pathological process. It creates the possibility of targeting the aetiology for a more effective form of treatment. This advance brings Acupuncture closer to Modern Medicine without the former losing its special traditional character which permits a great number of apparently outmoded parameters. Nevertheless they must be combined so as to make more accessible the knowledge of this thousands of years old form of medicine, consi­dered difficult to understand. Over a deep gulf created by lack of comprehension, this piece of work is no more than a fragile connection, yet solid enough to create a link between the two areas of knowledge within a Medicine of time without end.

Key words : Traditional Far Eastern Medicine, Vital Function, Three Inns, Three Yang, Trigams, Heaven -Earth -Man

 

 

Introduction

 

Les trois Inn et les trois Yang constituent un ensemble très vaste en Médecine Traditionnelle Chinoise puisque la notion Inn et Yang est à la base de la Pensée qui la sous-tend. Inn et Yang sont considérés comme les «portes de la vie ". Une lecture attentive des Livres canoniques Nei Jing So Wen (Nôi Kinh So Vân, en vietnamien) et Ling Shu (Linh Tru) permet de trouver toujours du nouveau en Acupuncture.

C'est l'étude de Yang Ming qui m'a réellement ouvert les yeux sur sa pro­fondeur et sa richesse, mais ce que je découvre aujourd'hui n'était pas encore suffisamment clair en moi. Je me suis mis à travailler les textes, à les relire maintes fois pour les approfondir. Des années de réflexion et l'expé­rience aidant, ce long travail de recherche m'a permis d'établir, au fur et à mesure, les liens entre les différentes données connues, de les réunir en un corpus cohérent, utilisable en clinique médicale aujourd'hui.

 

C'est ainsi que j'ai découvert les FONCTIONS VITALES (F.V.) très importantes à mes yeux, pour une meilleure approche et une utilisation plus perfor­mante de l'Acupuncture. Grâce à la connaissance de la langue vietnamienne, j'ai pu comprendre la science médicale que la Chine antique nous a léguée. L'ancien pays du Nam Viet a été, par deux fois, sous la longue domination de la Chine qui a laissé une forte empreinte de sa civilisation, de sa culture, et de sa médecine. Sans prétendre modifier quoi que ce soit, le fondement restant toujours la référence aux livres canoniques chinois, mes études ont pour but d'apporter une nouvelle clef de lecture et un nouveau regard sur leur utilisation.

Un changement bouscule toujours les habitudes de travail. Toute nouveauté étonne, suscite forcément des réticences, des interrogations, des doutes, voire des réserves. Seulement, sans changement, point de progression, c'est la stagnation. Une tradition, pour être vivante, a besoin de se renouveler constamment. L'Acupuncture n'échappe pas à la règle. D'ailleurs, si elle a pu perdurer jusqu'à nos jours après des millénaires, c'est grâce à son efficacité, mais aussi à la curiosité qu'elle a suscitée au cours des âges. Recherches et commentaires l'ont adaptée sans cesse aux différentes époques et constam­ment « actualisée ". La quantité d'ouvrages publiés et commentés des textes classiques, tout au long des siècles, le prouve bien. Cette mise à jour n'est le monopole de personne. Tous peuvent y contribuer. Il ne s'agit pas d'in­venter comme disait le grand Kong Fu Zi (Confucius):« Je n'invente rien. Je ne fais que transmettre ". Effectivement, rien de neuf sous le ciel que des choses que l'on ignore! C'est pourquoi les Anciens parlent de mystère, dans les chapitres 48 et 72 de Ling Shu (L.S. 48 & 72), et dans le chapitre 69 de So Wen (s.w.69). Mystère ne signifie pas systématiquement incompréhen­sibilité, mais plutôt, ce qui est celé dans le mécanisme secret du fonction­nement de la vie qu'il nous faut découvrir. Ce mécanisme, je l'appelle Fonction Vitale, composée elle-même de toutes les Fonctions nécessaires à la vie, principalement celles des Trois Inn et des Trois Yang. La transmis­sion du savoir ne consiste pas à répéter textuellement ce qui est écrit de génération en génération. Elle demande, au contraire, d'adapter ce savoir à la science du moment. So Wen .39 l'a spécifié: ".. .pour bien parler des théo­ries du passé, il faut les rapprocher de celles du présent ".

 

La notion de F.V transparaît partout dans les textes classiques, sans jamais être clairement précisée. Pourquoi cette discrétion? Il est plus facile de constater le fait que de répondre de façon adéquate si l'on ne connaît pas véritablement le motif profond qui a inspiré les auteurs anciens. Il n'est un secret pour personne qu'ils étaient nombreux à mettre leurs écrits sous le nom prestigieux de Huang Di. Cependant, on pourrait, sans trop de risque, deviner les raisons. La Chine a sa manière propre de parler que nous ne saisissons pas toujours, telle est sa tournure d'esprit. D'ailleurs, son écriture est idéographique. Chaque caractère est un dessin de quelques traits pour exprimer une idée que chacun peut interpréter à sa manière. Ainsi, un idéo­gramme peut recouvrir plusieurs sens dans lesquels on peut se perdre faci­lement, si l'on ne prend pas soin de suivre le contexte, et même si on le suit, est-on sûr d'être dans la pensée convenable? Ne vaudrait-il pas mieux rechercher le contenu du message et l'étudier?

 

La Chine antique avait un concept global de la vie. Aux yeux du commun des Chinois, Vivre, c'est d'abord Respirer, grâce au Qi, -que je traduirais par Souffle, de préférence à « énergie ", terme trop galvaudé -; ensuite, pour vivre, il faut manger, se restaurer. Mais vivre, c'est aussi être en phase avec le temps et les saisons pour ne pas tomber malade, c'est s'insérer dans le cadre universel, essentiellement constitué par" le Ciel qui couvre (ou qui couve) et la Terre qui porte" (So Wen 6 & 25, extrait du Li Ji). Le Souffle ­Qi vient du Ciel pour animer la Terre et, par voie de conséquence, il fait éga­lement vivre l'Homme. Par ce fait, celui-ci est intéressé par la vie et son envi­ronnement universel. Lorsqu'il subit un ennui de santé, pour le soigner, il faudra étudier tout ce qui l'entoure et rechercher la cause. S.W.68 désigne l'Homme comme le point de contact entre le Ciel (Tian, Thiên) et la Terre (Di, Dia) où s'échangent les Qi. On parle volontiers de Six Souffles issus pourtant du Qi (Khi) unique, mais réparti en ses deux éléments Inn (Am) et Yang (Duong) , chacun dans ses trois dimensions Shao, Tai, Jué. ou Ming (Thiêu, Thai, Khuyêt, Minh). S.W.3 rappelle que: " la vie est fondée sur le Inn/Yang par la réponse des éléments terrestres aux souffles célestes des trois Inn et des trois Yang".

 

Vous pouvez lire la suite de l'article dans la version papier de Méridiens numéro 115