MÉRIDIENS, 1999 - N° 113  

DISCOURS À L'OCCASION DU CONGRÈS MONDIAL DE LA W.F.A.S.

(Hanoï, les 9, 10 et 11 novembre 1999)

Dr Nguyen Van Nghi 

"Monsieur le Professeur Wang Xue Tai (Beijing) ; Monsieur le Professeur Nguyen Tai Thu (Hanoï) ; Mes chers collègues,

 La maladie m'empêche d'être actuellement présent, mais mon cœur et mon esprit sont parmi vous. Je charge le Docteur Phan Anh de me représenter et d'être ma voix pour lire ce texte. J'espère profondément que cette réunion sera fructueuse et vous revoir bientôt pour continuer à travailler à vos côtés. Je vous adresse mon salut affectueux".

Dr Nguyen Van Nghi

 Voilà cinquante ans que Mao Tse Tung, en Chine et Ho Chi Minh, au Vietnam, ont voulu développer une politique de santé intégrant harmonieusement la Médecine Occidentale et la Médecine Traditionnelle Chinoise.

Après des années de guerre, de guérilla et de résistance sino-vietnamienne, employer tous les moyens pour favoriser le maintien ou le rétablissement de la santé, provoquer un élan de solidarité et de cohérence dans les gestes médicaux, promouvoir la recherche étaient une nécessité absolue. Ainsi, les voix de ces deux grands leaders se sont élevées pour émettre ce vœu humaniste à l'intention du corps médical :

"… nous devons tendre vers l'étude et la coexistence des deux médecines, orientale et occidentale"

Il a été dit en Occident que leur politique de santé était dictée par le seul souci économique ! Penser cela, c'est ignorer cyniquement les vertus évidentes de cette médecine millénaire et oublier honteusement le respect des traditions médicales. Le grand mérite de Mao Tse Tung et d'Ho Chi Minh a été de pressentir avant tous les autres, le bénéfice considérable dont pourrait tirer le peuple, de la confrontation et l'union des deux médecines.

Cinquante ans plus tard, à l'aube du XXIème siècle, qu'en est-il vraiment de ce merveilleux espoir de réunion de la Médecine Occidentale et de la Médecine Traditionnelle Chinoise ? Qu'avons nous fait pour qu'il devienne réalité ?

Oui, quelques pas dans ce sens ont été franchis. Mais la route reste longue avant d'atteindre le but et nous devons tous oeuvrer pour y parvenir dans les plus brefs délais. C'est notre devoir de responsables et de médecins. Certes, les obstacles ont été et sont encore nombreux, surtout à l'Ouest, où l'esprit cartésien domine l'esprit scientifique. En Occident, la Médecine Traditionnelle Chinoise est tolérée, mais sa pénétration dans les milieux universitaires n'est que partielle voire marginale. En Asie, la coexistence pacifique de ces deux médecines est mieux acceptée car le mode de pensée chinois et la culture chinoise s'adaptent plus aisément au raisonnement acupunctural mais cette coexistence reste trop imparfaite et inégale.

Alors comment agir pour réunir harmonieusement ces deux médecines ?

Pour nous, il est indispensable de s'atteler à deux tâches : ­ - la première, c'est de maîtriser totalement l'ensemble des connaissances de la Médecine Traditionnelle Chinoise, encore hélas méconnues, par l'analyse complète des ouvrages de référence que sont le Su Wen et le Ling Shu ;

-­ la seconde, c'est de persuader tout le corps médical qu'il n'y a pas incompatibilité mais complémentarité entre Médecine Occidentale et Médecine Traditionnelle Chinoise.

Le premier point est donc d'apprendre, analyser et diffuser la Médecine Traditionnelle Chinoise.

Il est nécessaire de mieux comprendre la Médecine Traditionnelle Chinoise, d'approfondir toutes ses données, sans en négliger arbitrairement certaines (comme actuellement les notions de base : Jing Qi Shen et Sanjiao - TR). Il reste encore à analyser et à diffuser des bases de l'acupuncture méconnues ou négligées. Nous estimons que nous avons compris seulement la moitié des données physiopathologiques. Beaucoup sont donc encore à découvrir. Pourtant, elles sont contenues dans deux livres de référence, le Su Wen et le Ling Shu. Ces ouvrages clés nous livrent, un peu en vrac, des données complexes et très touffues qui sont essentielles. Il est donc devenu absolument nécessaire de s'atteler activement à la tâche de comprendre et de divulguer les informations des textes anciens pour pouvoir maîtriser la Médecine Traditionnelle Chinoise. Car à quoi sert de tenter des travaux sur la validation de l'acupuncture si d'une part, on ignore ses véritables bases et d'autres part, on la juge selon les critères exclusifs occidentaux ?

La Médecine Occidentale a l'immense avantage de nous livrer largement ses connaissances et ses acquis continuels grâce à la presse scientifique ; nous sommes informés presque au jour le jour par les études de savants, chercheurs et praticiens qui s'y consacrent nombreux. Par contre, les connaissances de la Médecine Traditionnelle Chinoise, connaissances pourtant de base, sont encore enfouies dans des textes traditionnels car elles sont présentées sous une forme archaïque et une formulation déroutante pour les hommes d'aujourd'hui. Ainsi, le mépris pour certains, la méconnaissance pour d'autres, des textes traditionnels chinois de référence (le Su Wen et le Ling Shu) nous paraissent être un véritable écueil à la réunion des deux thérapeutiques. A nous donc, de décoder, de clarifier les informations de la Médecine Traditionnelle Chinoise en données accessibles pour tous et de les transmettre. Ce travail nous l'avons personnellement déjà bien avancé mais il doit être poursuivi par les jeunes générations car la fusion n'est évidemment pas possible sans la connaissance parfaite de ces deux médecines.

Le second point est donc de saisir toute la complémentarité entre Médecine Traditionnelle Chinoise et Médecine Occidentale.

Cette complémentarité ne peut être comprise qu'après la maîtrise des deux médecines. En effet, elle ne saute pas tout de suite aux yeux, tant leurs caractères paraissent aux non initiés incompatibles. Médecine primitive millénaire contre médecine moderne disent certains, ou encore médecine mythique contre médecine scientifique. Rien qui, a priori, puisse les rendre proches ! Mais nous pensons que la Médecine Traditionnelle Chinoise peut enrichir la Médecine Occidentale comme la Médecine Occidentale peut moderniser la Médecine Traditionnelle Chinoise. Leur confrontation mutuelle ne peut être que fructueuse.

Nous savons que la Médecine Traditionnelle Chinoise est basée sur l'Énergie et la Médecine Occidentale sur la Matière. Au début du XXème siècle il a été admis en science moderne que " l'Énergie crée la Matière". Or, dans le Ling Shu, on lit "le Qi forme le Xing". Voila deux phrases absolument identiques à 2000 ans d'intervalle ! Matière - Énergie, ou autrement dit, Qi-Xing sont donc deux entités fondamentales, indissociables, retrouvées par une voie totalement différente en Occident et en Orient. Preuve que ces deux médecines peuvent se rejoindre ! Nous trouvons également dans le Su Wen les concepts très récents de cycle, de chaîne, de chronobiologie, d'éthologie … et d'autres encore, concepts considérés comme ultra modernes mais connus depuis toujours par les médecins traditionalistes chinois. On peut donc appliquer certaines connaissances de la Médecine Traditionnelle Chinoise à la Médecine Occidentale comme on tente actuellement d'appliquer certaines connaissances de la Médecine Occidentale à la Médecine Traditionnelle Chinoise. Ainsi, il ne faut pas négliger la Médecine Traditionnelle Chinoise au profit de la Médecine Occidentale, mais au contraire il faut s'efforcer de mettre en évidence leur complémentarité. A partir de cette complémentarité et seulement à partir d'elle, naîtra la fusion.

Le Dao de la Médecine sera respecté lorsque la médecine aura parfaitement intégré ces deux modes de raisonnement thérapeutique, sans esprit de centrisme, d'apriorisme, ou d'élitisme. Autrement dit, que tout médecin, de quelque culture dont il soit issu, aura une considération égale pour la Médecine Occidentale et la Médecine Traditionnelle Chinoise et pourra juger impartialement de l'emploi de l'une ou de l'autre. Agissons dans ce but ! Alors nous aurons oeuvré efficacement au rapprochement, à l'union, voire à la fusion de ces deux médecines en vue de favoriser l'évolution, la mutation et la progression bienfaisante de l'art de traiter. Nous avons l'intuition que le début de ce millénaire verra la cohésion de ces deux thérapies. Cette cohésion va aboutir à la naissance d'une Médecine universelle ou unitaire pour le bien de tous. Ainsi, seront réalisés les vœux, qui restent étonnamment d'actualité, des présidents Mao et Ho Chi Minh. 

 

Bibliographie de Nguyen Van Nghi

par le Groupe d'études et de recherches en acupuncture (GERA)  

Résumé : l'article référence, en 518 rubriques, les publications du Docteur Nguyen Van Nghi. Les références sont présentées par ordre chronologique et sont suivies d'un index des mots-clés.

Abstract : Under 518 headings the article gives references for the publications of Dr. Nguyen Van Nghi. The references are given in chronological order and followed by an index of the key-words.