Jean-Marc Stéphan

 

Vous avez dit scientifique ?

 

  Pseudo-science, voici ce qu’on peut lire ici et là de l’acupuncture en parcourant les articles des blogs qui inondent la Toile [1,3]. Théoriquement, pour être nommée science, il faut qu'une discipline propose des moyens de vérifier les hypothèses qu'elle avance. Ainsi la notion de qi, la théorie des méridiens, concepts historiques de médecine traditionnelle chinoise non dénués de valeur sinologique ou métaphysique demanderaient à être validés par la science. En fait, on ne peut parler de pseudo-science que si ces spéculations utilisent puis déforment des termes scientifiques afin de se donner une légitimité. Un blogueur sur Internet est allé plus loin et considère que l’acupuncture est une pseudo-médecine : «  ce sont celles qui ne sont pas enseignées dans le cursus normal des études médicales, mais qui pourtant sont pratiquées par de vrais médecins » [3]. Pour lui « la médecine scientifique, c’est la médecine qui s’appuie sur les résultats de la science, c’est la médecine fondée sur les preuves ».

Il est dommage que ce blogueur ignore aussi qu’il existe déjà une acupuncture fondée sur les preuves, une acupuncture qui sans délaisser la Tradition – car qui couperait la branche sur laquelle il se tient ? - met en avant la méthode scientifique qui sied à toute discipline. 

Mais qu’est la méthode scientifique ?

C’est avant tout formuler puis tester des hypothèses grâce à la collecte d’informations et d’observations et pouvoir les reproduire par des équipes différentes. Mécanotransduction et tissu conjonctif, transduction et molécules informationnelles sont les termes qui participent à la création des théories actuelles essayant d’expliquer les mécanismes physiopathologiques du point d’acupuncture et de l’action de l’aiguille [4,5,6]. De ce fait, on peut observer que toutes les études réalisées suivent le raisonnement scientifique. Tout est justifié et argumenté. Les informations sont accessibles, de même les résultats, qu’ils soient positifs ou négatifs. L’ensemble de ces considérations a pour but essentiel d’assurer l’universalité de la logique et de l’expérimentation. La notion du point, fondée sur les données de la médecine traditionnelle chinoise, peut s’éclairer enfin grâce à la science, développée dans tous les pays occidentaux mais également en Asie, comme on peut par exemple le constater en Corée [7] ou en Chine [8]. Et nous ne sommes pas en reste comme vous pouvez le constater dans ce numéro avec les travaux de Boutouyrie et coll. sur les pouls radiaux, Piquemal sur le deqi sans oublier les études cliniques et anthropologiques.  

Notons enfin que les Chinois sont loin d’avoir la réticence de certains scientifiques à s’impliquer dans la recherche fondamentale en acupuncture. Par exemple, depuis peu, ils ont commencé à scruter les points en utilisant le synchrotron de Shanghai, ce qui fut récemment confirmé par l’Académie Chinoise des Sciences en février 2010 [9,2]. On constate bien la puissance de la science chinoise qui au-delà de la Tradition, semblerait pour nous s’affranchir des concepts Taoïstes du yin et du yang, rompre aussi avec leur altérité, alors qu’en France, certains s’y accrochent encore trop.

Quoi qu’il en soit et comme les Chinois, n’ayons pas peur de nous impliquer dans l’acupuncture.  Enrichissons cette « pseudo-médecine » douce en une médecine du futur.

 

Dr Jean-Marc Stéphan

Coordinateur DIU d’acupuncture obstétricale à la faculté de médecine de Lille

Chargé d'enseignement à la faculté de médecine Paris XI

 

Références



1. L’acupuncture, un truc de piques. Blog « Laïcité, athéisme & crédopathie. [cité le 17 mars 20010]. Available from: URL: http://www.meridiens.org/mrd/spip.php?breve182.

2. Borde V. Science chinoise : de l’acupuncture au synchroton. [cité le 27 avril 2010]. Available from: URL:http://www2.lactualite.com/valerie-borde/2010-04-27/science-chinoise-de-lacupuncture-au-synchrotron/?cp=all

3. Brissonnet J. Les pseudo-médecines, pourquoi pareil succès ? [cité 14 avril 2007]. Available from: URL: http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article701

4. Stéphan JM. A la recherche du substratum anatomique du point d’acupuncture. Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(3):252-261.

5. Stéphan JM. Acupuncture, tissu conjonctif et mécanotransduction. Acupuncture & Moxibustion. 2006;5(4):362-367.

6. Stéphan JM. Acupuncture, récepteurs transmembranaires à tyrosine-kinases, à cytokines et transduction. Acupuncture & Moxibustion. 2007 Mars;6(1):79-86.

7. Sautreuil P, Josset P, Koh BH. Acupuncture au Centre Médical de l’Université Kyung Hee de Séoul, Corée-du-Sud (2e partie). Acupuncture & Moxibustion. 2009;8(1):33-38.

8. Sautreuil P, Piquemal M. Acupuncture expérimentale. Acupuncture & Moxibustion. 2002;1(3-4):106-110.

9. Chinese Academy of Sciences. Scientists Use Light Beams to Prick Mystery of Acupuncture. [cité le 02 février 2010]. Available from: URL: http://english.cas.cn/Ne/CASE/201002/t20100202_50613.shtml.


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 © Stéphan JM. Vous avez dit scientifique ? Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(2):77-78.