NOTE  SUR  zongjin 

 

Jean – Louis LAFONT, Corinne GAGNARD

 

Résumé. L’article comprend  1° - un essai de précision du sens de zongjin, habituellement traduit par « muscles des ancêtres » et traduit ici par « tendon fondamental ». 2° - une description du contexte médical dans lequel cette notion apparaît (I° siècle). 3° - une reconstitution du tendon fondamental à cette époque, d’après les textes correspondants. 4° - une actualisation de cette notion compte tenu de l’évolution des idées en MTC et des connaissances contemporaines en MO. Mots clés. Muscle des ancêtres, tendon fondamental, appareil locomoteur, tendons des méridiens, physiologie, histoire.

 

Summary : This paper includes the following points : 1. an attempt to make clear the meaning of zongjin, generally translated as « ancestors’ muscle » and translated here as « fundamental sinew ». 2. A discussion of the medical background of the period of appearance of this concept (Ist century A.C.). 3. Based on texts of this period, a reconstitution of the fundamental sinew at this time. 4. The updating of this concept according to the evolution of ideas in TCM and the contemporary knowledge in western medicine. Key words : Ancestors’ muscle, fundamental sinew, locomotorium, sinews of the meridians, physiology, history.

 

 

INTRODUCTION

 

Lorsqu’il s’agit d’étudier certains passages obscurs ou difficiles des textes classiques de l’acupuncture, en particuliers ceux de l’Antiquité, tout le monde s’accorde pour dire « qu’il faut replacer le passage dans le contexte ». Cependant à notre connaissance peu d’auteurs se préoccupent de définir « le contexte » et en particulier l’état des connaissances médicales de l’époque durant laquelle le texte en question a été rédigé.   Dans un travail précédent [1], nous avons montré que la description de zongjin apparaît dans des textes dont nous situons la rédaction au début du I° siècle de l’Ere Commune, dans le contexte d’un système médical comprenant pour la première fois 12 méridiens centripètes auxquels sont annexés 12 tendons (jinjing) également centripètes. C’est donc dans ce contexte particulier qu’il faut replacer l’étude du zongjin et définir en préalable le sens de zong.

 

 zong  (R5240) [2] a le sens de : 1- temple des ancêtres, 2- ancêtres, 3- consanguins de même nom de famille, 4- respecter, 5- sorte, classe, catégorie, 6- secte, école, 7- maître, chef d’école, 8- fondement, fondamental, essentiel.

Le Dictionnaire médical [3] définit le sens de zongjin : 1- confluence des tendons, 2- organes génitaux mâles

Replacé dans le contexte médical de l’époque, il ne nous semble pas que la traduction, communément admise, de zongjin par « muscle des ancêtres » puisse être retenue. La traduction de l’expression zongqi (traduit habituellement par qi ancestral ) qui apparaît aussi à la même époque, pose d’ailleurs le même problème. La traduction de zongqi par qi ancestral laisse supposer qu’il s’agit d’un qi inné. Or, les rares passages où cette expression est mentionnée permettent d’envisager que zongqi  est la réunion du qi de l’air (du Ciel) avec le qi des aliments (de la Terre) après leurs différents « changements et transformations » (bianhua) dans l’organisme (Note1). De ce fait il s’agit d’un qi acquis. La notion d’un qi inné, à l’origine de la vie, apparaît au III° siècle dans le Classique des difficultés avec la notion de yuanqi (qi primordial). Il y a une différence de sens entre « ce qui est à l’origine » (yuan) et « ce qui est fondamental » (zong), d’où notre choix de traduire zong par fondamental.

 

LE TENDON FONDAMENTAL AU I° SIECLE

 

La description du tendon fondamental apparaît dans SW44 [4].

 

« yangming « Mer des 5 zang et des 6 fu », préside au fonctionnement du tendon fondamental qui gouverne la cohésion des os et le jeu des articulations. Chongmai « Mer des méridiens », préside au déversement des liquides organiques (jinye) dans les confluents des vallées. Il est associé au yangming par le tendon fondamental. Les parties haute et basse du tendon fondamental se réunissent au point « carrefour du qi » (qijie), point majeur du vaisseau de l’Estomac, qu’il rattache à daimai en relation avec dumai. Quand yangming est vide, le tendon fondamental se relâche, daimai ne tire plus, les jambes deviennent impotentes et atrophiques. » (SW44)

 

D’après ce texte le fonctionnement du tendon fondamental dépend de yangming. Il est en relation avec chongmai « Mer des méridiens » dont la fonction principale est l’irrigation des 12 méridiens. De plus le tendon fondamental est en relation avec daimai et dumai. Pour tenter de cerner cette notion, il convient de replacer ce passage dans le contexte médical de l’époque.

Le réseau des méridiens du premier système à base 12, incontestablement le plus complexe de tous les réseaux des méridiens décrits dans le Classique de l’interne, est constitué de 12 méridiens centripètes  (Note2) et comprend 6 des futurs « 8 vaisseaux extraordinaires » (chongmai, dumai, renmai, daimai, yin et yangqiaomai). Tous les trajets de ces méridiens et vaisseaux ont fait l’objet de changements importants depuis le premier réseau de 6 vaisseaux décrit au III° siècle AEC et il est primordial d’essayer de reconstituer leurs trajets.

 

Trajet du méridien yangming

Nous admettons que le trajet du méridien yangming au I° siècle se superposait globalement au trajet du méridien zuyangming actuel (Note3)

Trajet de chongmai

chongmai a, à cette époque, un trajet particulier à la fois postérieur et antérieur. Dans sa partie antérieure la branche supérieure remonte jusqu’à la tête, où il irrigue les méridiens yang (LS38), la branche inférieure descend jusqu’au pied, où il irrigue les méridiens yin (LS38, LS62). 

Le trajet de la branche supérieure de chongmai à l’abdomen et au thorax est des plus hypothétique, car il n’est pas précisé dans le texte. En projetant nos connaissances actuelles sur le texte on serait tenté de dire qu’il suit le trajet du méridien du Rein. Or rien n’est moins sûr et certains textes permettent d’envisager qu’il se projetait à cette époque sur le trajet du méridien d’Estomac. A l’appui de ce point de vue, en désaccord avec les données communément admises, nous avançons plusieurs arguments :

-          son émergence au point E30.

-          chongmai est à cette époque la Mer des 12 méridiens dont les points shu sont V11, E37, E39.

-          le texte du SW44 : « chongmai est associé au yangming par le tendon fondamental. ». Dans SW44, à aucun endroit shaoyin n’est mentionné.

-          la relation de chongmai, dans son trajet abdominal, avec le méridien yangming et non avec le méridien shaoyin, se retrouve au III° siècle dans le Classique des difficultés (NJ28) [5] :

 

« chongmai débute au qichong (E30). Il suit en dedans le trajet du méridien de l’Estomac, passe des deux côtés de l’ombilic, monte verticalement à la région thoracique où il se ramifie. »

 

Pour comprendre de telles divergences on est obligé d’admettre l’existence de plusieurs écoles à cette époque, ce qui est évident à la lecture d’ensemble des textes du Classique de l’interne (Note4)

Les fonctions de chongmai sont (d’après les textes de cette époque) :

-     il déverse les liquides organiques (jinye) dans les confluents des vallées (SW44), ou

-          il déverse l’essence (jing) dans les méridiens (LS38). D’après la physiologie et la terminologie technique de l’époque nous interprétons l’essence dans ce contexte comme l’essence des aliments [1]

Par ailleurs la reconstitution du réseau des méridiens et du modèle circulatoire de l’époque permettent de dire que chongmai assurait le temps centrifuge de la circulation (Note 5).

 

Trajet de daimai

C’est dans les textes de cette époque que le vaisseau dai est mentionné à deux reprises pour la première fois :

 

            « La branche séparée (jingbie du méridien zushaoyin) sort au niveau de la 14° vertèbre et se

            relie au daimai. » (LS11)

 

«  Quand yangming est vide, le tendon fondamental se relâche, daimai ne tire plus, les jambes deviennent impotentes et atrophiques. » (SW44)

 

Sur ces seules mentions il est difficile de se faire une idée précise du trajet et des fonctions de ce vaisseau. Par la suite, dans le courant des I°-II° siècle, il lui sera décrit son seul point mentionné dans le Classique de l’interne : le point daimai (l’actuel VB26).

 

Trajet de  dumai

C’est également dans les textes de cette époque que les vaisseaux ren et du sont mentionnés pour la première fois dans LS17 intitulé « Mesure des vaisseaux » :

 

            « dumai et renmai mesurent chacun 4 chi 5 cun ».

 

C’est la seule mention relative à ces deux vaisseaux et il est difficile de s’en faire une représentation plus précise. Les descriptions ultérieures de ces deux vaisseaux dans les textes du Classique de l’interne (SW60), montrent que, même au II° siècle, dumai et renmai n’ont pas encore acquis leurs trajets définitifs. 

 

Fonction du tendon fondamental

Replacé dans le contexte du réseau des méridiens de l’époque, le tendon fondamental s’intègre dans une description de l’appareil locomoteur constitué de 12 tendons annexés aux 12 méridiens centripètes (LS13). Chacun de ces tendons regroupe l’ensemble des muscles dépendant de chaque méridien (6). Il gouverne « la cohésion des os et le jeu des articulations » (SW44). On peut interpréter cette expression comme une action globale sur l’ensemble de l’appareil locomoteur, le fonctionnement propre du tendon fondamental étant sous la dépendance de yangming. Cet ensemble est en relation avec chongmai (qui « déverse les liquides organiques dans les confluents des vallées ») et avec dumai et daimai dont les trajets et les fonctions ne sont pas explicitées dans les textes.

 

Synthèse 

Comme on vient de le voir il convient d’être prudent dans l’interprétation des textes de l’Antiquité, et se garder de projeter nos connaissances actuelles sur ce qui est écrit. Il y eut à l’évidence plusieurs écoles et courants de pensées et aussi plusieurs versions différentes de la même idée.

En résumé on peut retenir que la description du tendon fondamental intervient dans un texte consacré aux paralysies atrophiques (wei) à une époque de compilation de textes d’origine diverses et d’époques différentes en vue de la réalisation des Classiques de la médecine effectuée au I° siècle. D’après le texte du SW44 nous pensons pouvoir retenir avec quelques certitudes que la partie haute du tendon fondamental peut être assimilée au muscle grand droit de l’abdomen, la partie basse au muscle quadriceps fémoral, dont la jonction fonctionnelle s’effectue au point E30. Cet ensemble, sous la dépendance du méridien yangming de l’Estomac, est en relation avec chongmai. De plus, comme le tendon fondamental associe  daimai en relation avec dumai, on pourrait ajouter à cet ensemble les muscles qui seraient sous la dépendance de ces vaisseaux soit : les muscles obliques et transverses de l’abdomen (daimai) et les muscles du rachis en particulier de la région lombaire (dumai).

 

LE TENDON FONDAMENTAL AU XXI° SIECLE

 

Le relevé des indications cliniques contemporaines des points d’acupuncture (Note 6),  limité à la région qui nous intéresse ici et sur les vaisseaux et méridiens cités par SW44, permet de dresser la liste des muscles constitutifs du tendon fondamental (tableau 1)

 

RECUEIL DES DONNEES

 

Méridien zuyangming d’Estomac

Les muscles dépendant de ce  méridien sont :

-          le muscle grand droit d’abdomen (E26, E27)

-          le muscle quadriceps fémoral (E31, E32) (Note 7)

 

chongmai

Les points d’acupuncture du R11 au R21 n’ont aucune indication musculaire. Cette constatation est un argument supplémentaire pour dire que chongmai au I° siècle se superposait au méridien d’Estomac, et non au méridien shaoyin du Rein, du moins dans l’école qui rédigea le texte du SW44.

 

daimai

Les muscles sous la dépendance de ce vaisseau sont :

-          le muscle grand dorsal : VB26

-          le muscle grand fessier : VB28 

 

dumai

Les muscles sous la dépendance de ce vaisseau sont :

-          les muscles fessiers, pyramidal et jumeaux (sup. et inf.) : VG 4

-          les muscles dorsaux et lombaires, les muscles moyens et petits fessiers : VG 5

-          les muscles obliques et transverses d’abdomen : VG 15 

 

 

 

Méridien ou vaisseau

points

muscles

 

yangming

E26

E27

E31

E32

Grand droit de l’abdomen

Grand droit de l’abdomen

Vaste médial, vaste latéral, droit antérieur

Vaste latéral, droit antérieur

chongmai

0

0

daimai

VB26

VB28

Grand dorsal

Grand fessier

 

dumai

VG4

VG 5

VG 15

Fessiers, piriforme et jumeaux

Muscles dorsaux et lombaires, moyen et petit fessiers

Muscles obliques et transverses d’abdomen

 

Tableau 1 : Les muscles constitutifs du tendon fondamental (zongjin)

 

 

SYNTHESE

 

Le tendon fondamental comprend donc, d’après le trajet actuel des méridiens et les indications cliniques contemporaines des points d’acupuncture, les muscles suivants :

-          muscle grand droit d’abdomen                                            méridien yangming

-          muscles obliques et transverses d’abdomen                                     dumai

-          muscle quadriceps fémoral                                                 méridien yangming

-          muscles fessiers                                                                daimai et dumai

-          muscles lombaires                                                             dumai

-          muscle grand dorsal                                                           daimai

 

Comme on le voit chongmai aujourd’hui n’a plus aucune relation avec le tendon fondamental, ce qui se comprend compte tenu de l’évolution des idées depuis l’Antiquité (Note 9).

 

FONCTION

 

La question se pose maintenant d’essayer de comprendre, compte tenu des connaissances actuelles, ce qu’ont voulu décrire sous l’image d’un tendon fondamental les médecins chinois du I° siècle.

 

Tous les muscles, définis comme constitutifs du tendon fondamental, n’ont pas de fonction dans la station debout au sens statique du terme (tableau 2). La station debout sans mouvement est une phase d’équilibre autour du centre de gravité, dont l’entretien, très économique, dépense peu d’énergie. Les seuls muscles présentant une activité, d’ailleurs très modérée, dans la station debout sont les muscles posturaux principaux qui sont situés en arrière du centre de gravité (en arrière du plan frontal passant par les deux hanches, en avant du corps de S2), excepté le muscle ilio-psoas qui est le seul muscle en activité perpétuelle durant la station debout. Les muscles posturaux principaux sont : les muscles de la nuque, les muscles spinaux, les muscles ischio-jambiers, le soléaire, le muscle ilio-psoas.

 

 

 

 

 

 

Muscles

Fonction principale

Fonction accessoire

Grand droit d’abdomen

Flexion du tronc

Rotation et flexion combinée du tronc

Obliques et transverses

Rotation du tronc (thorax)

Flexion du tronc

Elévation du pelvis

Muscles lombaires

-          masse sacro lombaire

-          carré des lombes

 

Extension du tronc

Elévation du pelvis

 

 

Extension du tronc

Grand dorsal

Extension de l’épaule

Rotation int. de l’épaule

Rotation du thorax

Elévation du pelvis

Quadriceps fémoral

Extension du genou

Verrouillage du genou

Fléchisseur de hanche (par droit antérieur)

Fessiers

-          grand fessier

 

-          moyen fessier

 

-          petit fessier

 

Extension et rotation externe de la cuisse

Abduction de la cuisse

 

Rotation interne de la cuisse

 

Abduction de la cuisse

 

Rotation interne de la cuisse

 

Abduction de la cuisse

 

 

Tableau 2 – Fonctions principales des muscles du tendon fondamental

 

 

Par contre tous les muscles définis comme constitutifs du tendon fondamental ont un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre et de la station debout au cours de la marche, c'est-à-dire la station debout au sens dynamique du terme [7] :

 

-          le quadriceps fémoral est le seul muscle du groupe du tendon fondamental qui sert à la propulsion. Il présente un pic d’activité lors du passage du pas ou lors de la montée – descente d’un escalier.

-          le quadriceps fémoral et les muscles fessiers maintiennent l’équilibre de la hanche et du bassin :

-          le quadriceps fémoral équilibre la hanche lors de l’appui antérieur au moment de la réception du pas au sol

-          les muscles fessiers ont deux rôles

-          dans la phase de réception au sol : contraction modérée par étirement pour rattraper la flexion de hanche. Ils jouent plus ou moins un rôle d’antagonistes du quadriceps dans cette phase.

-          au cours de l’appui unipodal (dernière phase de la marche) : contraction maximale pour maintenir l’équilibre horizontal

-   les muscles lombaires (carré des lombes) présentent une contraction au moment de l’appui    unipodal pour soutenir le bassin au cours du balancement transversal du tronc (oscillation du centre de gravité).

-    les obliques et transverses de l’abdomen présentent une activité bilatérale au cours de la marche : ils préviennent la chute du tronc en avant ainsi que la rotation et la flexion latérale du tronc.

-   le grand droit de l’abdomen et son rôle dans la marche est, pour le moment, l’objet d’études contradictoires. Pour certains auteurs il ne présente aucune activité [8]. Pour d’autres il présente au contraire une activité peut–être moins importante en terrain plat [9].

-     le grand dorsal intervient dans le balancement des membres supérieurs au cours de la marche :

- il est responsable du balancement postérieur du bras depuis le début du mouvement jusqu’au retour au plan du corps.

- il intervient par freinage dans le balancement antérieur du bras.

 

 

 

COMMENTAIRES

En conclusion de cette étude sur le zongjin on peut dire que c’est l’équilibre du bassin et la station érigée en mouvement, autrement dit « l’homme debout en marche », qui a été symbolisé sous l’image d’un  tendon fondamental, centre de confluence des tendons. D’après les fonctions attribuées aujourd’hui aux muscles qui le constitue on peut dire qu’il représente un « système de maintien du centre de gravité lors du déplacement ». La représentation fonctionnelle de l’appareil locomoteur qu’ont décrit les médecins chinois du I° siècle comprend 12 tendons annexés aux méridiens (jingjin) et 1 tendon fondamental (zongjin) centre et carrefour de tout l’appareil locomoteur, centre de confluence des tendons, centre d’enracinement de la force physique, centre du mouvement.

La notion de Centre est capitale dans la pensée chinoise antique et transparaît constamment quel que soit le niveau d’organisation auquel on se réfère. Tout système est orienté et centré. Ainsi au I° Siècle :

-          sur le plan des 5 zang, le Centre est la Rate,

-          sur le plan des processus de changements et transformations (bianhua) perçus dans leurs globalités, le Centre est le Foyer supérieur, lieu d’élaboration du qi fondamental (zongqi),

-          sur le plan de l’appareil locomoteur dans son ensemble, le Centre est le tendon fondamental (zongjin)

-          sur le plan du réseau des méridiens, le Centre est chongmai, le Vaisseau carrefour « Mer des 12 vaisseaux »,

-          sur le plan de l’être humain perçu dans sa totalité, le Centre est le Cœur.

 

Certaines de ces données ont changé depuis le I° siècle, en particulier chongmai qui a perdu sa place de Centre au bénéfice de renmai et dumai respectivement « Mer des méridiens yin » et « Mer des méridiens yang » (Note 9).

 

Correspondance : Dr Jean-Louis Lafont, 4, rue de la Couronne, 30000 Nîmes. Tél. 04 66 76 11 13 , fax : 04 66 76 06 17, courriel ; helene.roquere@clubinternet.fr

 

NOTES

Note 1  Comparer à ce sujet SW18, LS56, 71, 75 et les commentaires sur zongqi dans Emergence p. 430-431 [1].

Note 2 – Le premier système à base 12 succède à un système qui comprenait 11 vaisseaux (LS2), qui diffère d’ailleurs du système à 11 vaisseaux des Documents de Mawangdui.  Par rapport à ces deux textes le premier système à 12 méridiens comprend un 12° méridien appelé « Maître du Cœur » (xinshu) ou  « Enveloppe du Cœur » (xinbao) (LS71), qui prend la place du méridien du Cœur décrit dans LS2, se dernier prenant sa place définitive sur le bord médial du membre supérieur (LS71). A ces 12 méridiens centripètes sont annexés : - 12 jingbie ou « branches séparées des méridiens qui relient les méridiens à leurs viscères et constituent les « 6 réunions » (LS11) ; - 12 tendons des méridiens (jingjin) (LS13) ; - 12 canaux de l’eau (jingshui) (LS12).

Depuis la description du premier réseau comprenant 6 méridiens au III° siècle AEC, tous les méridiens et les luo sont centripètes (SW6, LS5, SW63, LS2), ce qui permet de comprendre que la distribution des 5 points shu  soit centripète (LS2). La première description d’un réseau de méridiens alternativement centripètes et centrifuges  apparaîtra au I°-II° siècle (LS10) et deviendra le modèle classique.

 

Note3 -  Le trajet du méridien zuyangming a fait l’objet de variations au niveau de l’extrémité céphalique. Au niveau abdominal le trajet du yangming de l’époque n’était peut-être pas exactement le trajet actuel. On lit en effet dans LS21 : « renmai, yangming et taiyin se relient et se croisent au guanyuan (VC4) à 3 cun sous l’ombilic »

 

Note 4 – L’existence de plusieurs écoles est évidente. En ce qui concerne chongmai, s’il est certain  qu’une école à décrit chongmai sur le trajet du méridien d’Estomac, une autre à peu près au même moment le décrit sur le trajet du méridien du Rein (voir la nomenclature des points d’acupuncture correspondant à cette période dans SW59).

 

Note 5 - L’idée d’une circulation est mentionnée dans les textes du Classique de l’interne dés la description d’un premier réseau de 6 vaisseaux (SW6). Cependant la description précise du circuit n’apparaît que tardivement. Dans le système comprenant 11 méridiens le vaisseau yinqiao participe à la circulation (LS76) (I° siècle AEC). Dans le système comprenant 12 méridiens centripètes chongmai « Mer des 12 méridiens » assure le temps centrifuge de la circulation, du centre vers la périphérie, le temps de retour, des extrémités vers les Centres est assuré par les 12 méridiens centripètes et les canaux de l’eau. Avant l’élaboration du modèle circulatoire classique dans lequel le circuit ne comprend que les 12 vaisseaux méridiens alternativement centripètes et centrifuges (LS10), d’autres modèles circulatoires ont été décrits intégrant certains des futurs vaisseaux extraordinaires (par ex. renmai et dumai dans LS16). Après l’adoption du modèle circulatoire classique (LS10) les vaisseaux chong, ren, du etc. vont acquérir une organisation d’ensemble, constituant un système à part, dénommé « 8 vaisseaux extraordinaires des méridiens » mentionné pour la première fois dans le Classique des difficultés (III° siècle).

 

Note 6 - A notre connaissance Soulié de Morant [10] est le seul auteur qui propose des muscles ou des groupes de muscles dans les indications cliniques des points d’acupuncture [6]

 

Note 7 – Si les points du chongmai actuel (Rn11 au Rn21) ne présentent aucune indications musculaires, il n’en est pas de même du chongmai décrit au I° siècle. Les seuls points relevés dans les textes et que l’on peut lui attribuer avec certitude sont les points shu en haut (V11) et en bas (E30, E37, E39) mentionnés par LS33. On obtiendrai alors, compte tenu des indications contemporaines des points d’acupuncture :

-          V11 : muscles lombaires

-          E37 : moitié du corps même côté flaccidité ou contracture.  Jambier antérieur.

-     E39 : muscles du même côté : tout trouble.

     Rhumatisme musculaire ; Rhumatisme par vent, froid, humidité, ne peut bouger.

 

Note 8 – En réalité le muscle quadriceps fémoral dépend dans son ensemble des tendons des méridiens zuyangming et zushaoyang : droit antérieur (E31, E32), vaste latéral (E31, E32), vaste médial (E31), crural (VB31) [d’après 10]. La participation du tendon du méridien zushaoyang au muscle quadriceps

fémoral est mentionnée dans le texte du LS13 : « il remonte sur la région latérale de la cuisse et s’attache à la région fessière, une branche rejoint le futu ». L’expression  futu, habituellement traduite « lapin embusqué », désigne soit la région du droit antérieur, soit le point E32.

 

Note 9 – Les expressions « renmai Mer des méridiens yin », « dumai Mer des méridiens yang » apparaissent dans Etudes sur les 8 vaisseaux extraordinaires de Li Shizhen [11]. D’après le relevé de toutes les citations classiques compilées dans l’ouvrage on ne les retrouve pas dans les textes antérieurs au XVI° siècle. [12].

 

 

REFERENCES

 

1. Lafont J.L. Emergence. Origine et évolution de l’acupuncture dans le Classique de l’interne. Bruxelles: SATAS; 2001.

 

2.  Institut Ricci.  Dictionnaire français de la langue chinoise. Paris: Kuangchi Press; 1976.

 

3. Dictionnaire médical chinois-français. Edition en langue française. Pékin:1992.

 

4. Husson A. Huangdi nei jing Su wen. Paris: A.S.M.A.F.; 1973.

 

5. Bach Q. M.,  Rudermann J. Nan jing Explications et commentaires. Nîmes: A.F.E.R.A.;  1986.

 

6 . Lafont J.L. Les tendons des méridiens. Tradition et modernité. Actes du Congrès de l’AFERA.: Nîmes; 2003

 

7. Bonnel F., Cheurel J.P., Outrequin G. Anatomie clinique. Les membres. Paris: Springer –Verlag; 1991.

 

8. Sheffield F. Electromyographic study of the abdominal muscles in walking and other movements. Am. J; Phys. Med. N° 41: 142-147. 1962

 

9. Watters, Morris. Electrical activity of muscles of the trunk during walking. J. Anat. N° 111: 191-199; 1972.

 

10. Soulié de Morant G.  L’acupuncture chinoise. Paris: Maloine:1972

 

11. Li S.J. . Etude sur les 8 vaisseaux extraordinaires. (Trad. Teboul–Wang B.) in Les méridiens extraordinaires. Paris: Trédaniel; 1997.

 

12. Lafont J.L.Chongmai. Tradition et modernité. Actes du Congrès de la FAFORMEC: Nantes; 2001.