L’acupuncture est – elle utile chez le patient avec dépression majeure traitée par antidépresseur ?

 

RÖSCHKE J, WOLF C, MÜLLER MJ, WAGNER P, MANN K, GRÖZINGER M et al : The whole body acupuncture in major depression. Journal of affective disorders 2000  57 :73-81

 

QUESTIONS :

Evaluer l’efficacité de l’acupuncture corps entier en addition au traitement médicamenteux de la dépression pendant une durée de 8 semaines (2 mois)

2 hypothèses sont testées : 1- l’acupuncture associée améliore l’évolution de la maladie plus que le traitement pharmacologique seul. 2- la puncture de points définis d’acupuncture est spécifique.

 

PLAN EXPERIMENTAL :

Essai contrôlé randomisé  acupuncture + médicament de référence  vs médicament de référence vs fausse acupuncture + médicament de référence.

 

CADRE :

Département de psychiatrie, Université de MAINZ - GERMANY   

 

PATIENTS :

 Recrutement :70 patient(e)s étudié(e)s sur une période allant d’octobre 1993 à octobre 1995,  souffrant  d’un épisode dépressif majeur. Critères d’inclusion : 1°diagnostic selon le DSM III (296.2 : un épisode dépressif majeur – 296.3 épisode périodique de dépression majeure), 2° score > 18 sur les 21 items de l’échelle de dépression d’HAMILTON, 3° âges des patients de 20 à 70 ans. Critères d’exclusion : délire, affection psychiatrique de type schizophrénie trouble bipolaire, idée suicidaire aiguë, hernie discale, emphysème, épilepsie,  maladie du foie et du rein, troubles de la coagulation, retard de cicatrisation de plaie.

Tous les patients ont donné leur consentement éclairé écrit.

 

INTERVENTION :

Les 3 groupes ont un traitement pharmacologique : miansérine DCI (athymil en France 90 –120mg /j° et diazépam DCI (valium en France jusqu’à 20 mg mg /j si nécessaire)

Randomisation entre trois groupes :

1.Groupe acupuncture vraie.  Nomenclature OMS : VE15, VE17, VE18, CO7, MC6, RA5, RA6 et PO1  les points sont piqués bilatéralement, soit 18 points. 3 fois par semaine pendant 4 semaines soit 12 séances. Séances réalisées par 2 médecins expérimentés en acupuncture chinoise traditionnelle.  Les séances sont de 30 minutes; le traitement est standardisé avec des aiguilles de 0.3mm x 25 mm à une profondeur de quelques millimètres. Détection des points au détecteur. Retrait après quelques minutes.

2.Groupe fausse acupuncture. Localisations non spécifiques  à proximité  des vrais points, piqués superficiellement.

3.Groupe  de contrôle : médicamenteux : l‘ Athymil a été utilisé en raison du peu d’effet secondaire par rapport aux tranches d’ages du groupe.

Les scores de sévérité de même que les taux d’hospitalisations antérieures, âges et le sex ratio sont distribués de manière homogène entre les 3 groupes.

IL n’existe pas de différences statistiques entre les groupes ni sur le plan de l’âge, ni du sexe

 

JUGEMENT :

L’état psychologique a été évalué  à l’entrée dans l’étude puis deux fois par semaine pendant 8 semaines par des évaluateurs indépendants et aveugles. Pour suivre l’évolution psychopathologique de la dépression les 3 échelles suivantes ont été utilisées : échelle d’évaluation globale (GAS, 1976)  échelle de mélancolie (BRMS), et l’échelle d’impression clinique globale .Pour l’état dépressif dans le suivi longitudinal, utilisation d’une échelle d’auto évaluation (Bf-S).

 

RESULTATS :

L’acupuncture associée (verum ou placebo) améliore plus l’évolution de la dépression que le traitement par miansérine seule  aucune différence n’a été mise en évidence entre acu verum et placebo  il n’y a pas d’effet spécifique à la puncture d’un point défini d’acupuncture dans le traitement d’une dépression majeure.

 

GRILLE DE QUALITE : Grilles de qualité selon JADAD.

Randomisation 1 (citée sans description), aveugle patient 1.Aveugle évaluateur : 1.

Prise en compte des perdus de vue : 1.

Soit score de 4/5, c’est à dire étude de haute qualité. L’étude est donc présumée de bonne qualité méthodologique.

 

COMMENTAIRES :

Plan expérimental : il est éthique (le groupe contrôle a le traitement de référence d’une dépression) et cherche à mettre en  évidence, enter les bras acupuncture verum et placebo,

un effet spécifique de l’acupuncture en association à un antidépresseur.

Comparabilité des groupes avant traitement : le groupe acupuncture a 60 % d’épisodes récidivants de dépression majeure selon le DSM III-R en plus par rapport aux 2 autres groupes (86% vs 54%)  l’échelle de Hamilton  peut différencier les sujets dépressifs des sujets contrôles mais elle ne permet pas de différencier des groupes diagnostiques de dépressions.   Cette échelle est suffisamment sensible pour apprécier les changements sous traitement antidépresseurs. Cette différence potentielle entre groupes a certainement été repérée par les auteurs qui ont ajouté le taux d’hospitalisations antérieures  à la comparaison initiale des groupes. Les antécédents de dépression sévère paraissent être un indice de gravité, comme il semble que le groupe acupuncture est un taux de récidive plus importants les conclusions sont forcement en faveur d’une moindre efficacité de ce groupe. Le DSM III différencie d’ailleurs 296.2 : un épisode dépressif majeur – 296.3 épisode périodique de dépression majeure.

Résultats – taux de répondeurs : il y a bien que non significativement, 80 % de meilleurs répondeurs en plus dans le groupe placebo que dans le groupe verum acupuncture, ce qui tendrait à démontrer une activité non négligeable du bras dit acupuncture placebo …

Groupe acupuncture verum : les 2 groupes verum et placebo acupuncture ont une différence significative en leur faveur par rapport à la miansérine 90 – 120 mg /j mais sans mise en évidence d’une différence entre eux. Verum acu semble être insuffisamment actif : on ne peut juger de l’adéquation deslocalisations des points ni des profondeurs de puncture car non précisées. Par contre, il n’y a pas de recherche préalable du “ deqi ”, ni manipulations et la durée de pose des aiguilles (“ quelques minutes ”) semble insuffisante.

Dans l’autre bras, le groupe placebo acupuncture semble être suffisamment actif pour empêcher la mise en évidence d’une différence statistiquement significative avec le groupe verum : d’une part les points piqués sont ils des points d’acupuncture (méridiens ou hors méridiens) hors indication psychique ou des non - points (ni méridien ni hors méridien), d’autre part la puncture superficielle n’est pas l’absence de puncture cutanée.

 

EN CONCLUSION :

L’absence de calcul préalable de l’effectif nécessaire à l’étude plaide en faveur d’un manque de puissance statistique pour la mise en évidence d’une différence d’effet entre acupuncture verum et placebo.

                                                                     

                                                                    Dr Michel Faure

GERA

Groupe de travail « évaluation et lecture critique en acupuncture »

FAFORMEC


Date de création 03/02/2001