Hyperactivité et troubles de la concentration : de la théorie à la pratique

Pascal Clément

Résumé : L'enfant dit hyperactif est un enfant qui souffre d'un « trouble déficit de l'attention / hyperactivité » (TDAH), syndrome clinique qui associe trouble attentionnel, impulsivité et hyperactivité motrice. Ce trouble est hétérogène dans son expression et son étiologie, mais son retentissement scolaire et psychosocial peut être invalidant. Le trouble ne disparaît pas à l'adolescence et se poursuit à l'âge adulte, nécessitant ainsi un accompagnement prolongé. Son traitement est multimodal. Il repose sur la mise en place de mesures psychoéducatives, ré-éducatives et médicamenteuses. Dans ce contexte, nous nous appliquerons à présenter la lecture que fait la médecine traditionnelle chinoise (MTC) du TDAH et la place qu'elle peut trouver dans la prise en charge globale des patients, en particulier au travers des apports pratiques de l'acupuncture. Mots-clés : TDAH – hyperactivité – attention – enfants - acupuncture.

Summary: The so-called hyperactive child is a child who suffers from "Attention Deficit Hyperactivity Disorder" (ADHD), a clinical syndrome which associates difficulty staying focused and paying attention, impulsivity and motor hyperactivity. This disorder is heterogeneous in its expression and its etiology, but its repercussions at school and psychosocial impacts can be invalidating. The disorder does not disappear in adolescence and continues through adulthood, requiring an extended support. Therapy  includes a combination of treatments. It is based on various types of psychotherapy, education or training, and medication. In this context, we present the Traditional Chinese Medicine (TCM) view about ADHD and the TCM place in the global care of patients, in particular through the practical contributions of acupuncture. Keywords : ADHD – hyperactivity – attention - childs disease - acupuncture.

  

Définition et approche clinique

 

La notion d'hyperactivité de l'enfant n'est pas récente. Les conceptions théoriques opposent encore les partisans de l'hyperactivité « symptôme », ou « instabilité psychomotrice » et ceux qui défendent la notion d'un « syndrome » nommé, selon la classification américaine DSM « trouble déficit de l'attention / hyperactivité » (TDAH, ou ADHD en anglais), et selon la classification de l'OMS (CIM10) « syndrome hyperkinétique ».

La prévalence est estimée entre 3 % et 5 % de la population d'âge scolaire, avec une prédominance masculine mais il est probable que la prévalence soit sous-estimée chez les filles.

La forme du garçon d'âge scolaire est le tableau le plus caractéristique et c'est généralement lors de la scolarisation à l'école élémentaire que la situation apparaît la plus gênante. L'enfant souffre de difficultés précoces et durables dans trois domaines :

-      l'inattention (incluant l'éveil, la vigilance, la distractivité, l'attention soutenue),

-      l'impulsivité (motrice, verbale et mentale),

-      l'hyperactivité.

Ces manifestations sont inappropriées dans leur intensité, compte tenu de l'âge et du niveau de développement de l'enfant, et surviennent dans différentes situations qui nécessitent de l'attention, un contrôle de l'impulsivité et une restriction des mouvements. D'autres symptômes sont fréquemment associés, telle que la désobéissance et la difficulté à respecter les lois, la fluctuation du rendement avec une grande variabilité des résultats, l'autoritarisme et l'entêtement, la versatilité. C'est à partir de l'ensemble de ces symptômes que le diagnostic positif peut être posé. Il s'agit probablement d'un des diagnostics les plus difficiles à établir en psychiatrie et neuropsychiatrie [1].

 Histoire naturelle

 La symptomatologie a la particularité de se modifier dans son expression et son intensité en fonction de différents paramètres. En effet, l'enfant hyperactif n'a pas le même comportement dans toutes les situations et des fluctuations importantes peuvent au contraire être observées.

L'enfant est souvent plus obéissant et moins agité avec son père qu'avec sa mère (plus d'autorité chez le père versus plus d'affect chez la mère mais celle-ci est aussi le plus souvent en première ligne pour les événements de la vie familiale, les rendez-vous chez le médecin, les courses au supermarché, les tâches scolaires, etc. et assume globalement plus d'heures de présence auprès de l’enfant...).

Les enfants TDAH souffrent plus souvent de troubles d'acquisition de la coordination motrice, en particulier dans les tâches de motricité fine. Cela peut constituer une aide au diagnostic.

L'insertion sociale est difficile avec des perturbations des relations avec leurs pairs ce qui entraîne facilement des exclusions par les autres dans les jeux et les activités de groupe et augmente les difficultés à communiquer et à faire comprendre leurs intentions et leurs sentiments.

 

Étiologies et données d'imagerie

 

Elles sont multiples, impliquant des mécanismes :

-        génétiques (les formes familiales sont fréquentes),

-        neurobiologiques (liées à un problème de recapture de la dopamine par les synapses)

-        environnementaux (substances utilisées pendant la grossesse, problèmes obstétricaux ou périnataux, contextes sociaux, familiaux et psychologiques).

En imagerie structurale, les études morphométriques montrent des atteintes plus étendues que ce qui était attendu. Des diminutions du volume du cerveau (lobes, noyau caudé) et du cervelet ont été décrites. En comparaison avec des sujets contrôles, un retard de maturation corticale existe chez ces enfants, particulièrement dans le cortex préfrontal. Ce délai de maturation apparaît significatif.

En imagerie fonctionnelle, les travaux ont surtout étudié les tâches cognitives liées au contrôle de l'attention, à la mémoire de travail et à l'inhibition de réponse. Les sujets atteints de TDAH montrent des dysfonctionnements frontaux pour les tâches impliquant une inhibition de la réponse et temporo-pariétaux pour celles impliquant l'attention. On ne peut néanmoins pas se prononcer sur l'aspect primaire ou secondaire des anomalies décrites [1].

 

Évaluation et diagnostic

 

Le diagnostic est clinique et repose sur l'analyse de l'histoire des troubles, l'analyse sémiologique, l'étude des comorbidités et de l'environnement familial.

L'évaluation clinique sera complétée par des évaluations cognitives (neuropsychologues) et l’évaluation de l'efficience intellectuelle afin de vérifier le niveau normal de celle-ci mais aussi repérer une précocité associée ou au contraire une insuffisance qui a son propre retentissement sur les capacités attentionnelles d'un enfant.

Différents tests et échelles d'évaluations (échelles de Conners, Attention deficit and hyperactivity disorder rating scale) peuvent étayer le diagnostic mais ne remplacent pas le diagnostic clinique. Elles peuvent néanmoins aider à suivre l'évolution de la symptomatologie sous traitement.

  

Formes cliniques et variations selon le stade de développement [1]

 

On décrit trois formes cliniques (en fonction de l'intensité respective des trois ensembles symptomatiques)

-      forme mixte, la plus fréquente

-      forme à hyperactivité / impulsivité prédominante

-      forme attentionnelle avec peu ou pas d'hyperactivité motrice : enfant plus en retrait socialement avec moins de problèmes de conduite.

 

Hyperactivité chez le jeune enfant et l'enfant d'âge préscolaire 

Parfois repérable dès les premiers mois de vie. En raison de leur activité motrice excessive et de leurs difficultés à appréhender le danger, ils sont particulièrement exposés aux risques d'accidents domestiques. Ceux qui ont, outre les caractéristiques de l'hyperactivité, un comportement agressif et négatif ont le plus de risques de présenter des troubles persistants. Néanmoins l’influence des facteurs environnementaux est telle que rien n'est joué avant 5 ans.

 

Hyperactivité chez l'adolescent 

La persistance du trouble à l’adolescence est possible et réalise un tableau identique à celui de l'enfance. Néanmoins, l'hyperactivité diminue mais l'impulsivité et l'inattention demeurent stables, interférant avec les résultats scolaires et conduisant à des infractions aux règles familiales, scolaires ou sociales. Les difficultés d'adaptation dans le domaine scolaire, éducatif et interpersonnel sont importantes et contribuent à détériorer la relation parents/enfant et à aggraver la mésestime de soi de l'adolescent. On observe alors souvent des conduites à risque à la recherche de sensations et de nouveauté pouvant déboucher sur des conduites addictives ou des choix de vie marginaux.

 

Variations selon le sexe

Peu de différences sont mises en évidence dans le comportement des filles et des garçons hyperactifs. Ainsi les comportements semblent similaires chez les 6/11 ans en ce qui concerne l'impulsivité et l'inattention. Néanmoins, à symptomatologie équivalente, les consultations en pédopsychiatrie se font plus souvent pour les garçons que pour les filles.

 

Formes associées à d'autres comportements perturbateurs

On observe fréquemment un trouble oppositionnel avec provocation et un trouble des conduites qui sont directement influencés par l'environnement familial avec un risque d'évolution vers une personnalité antisociale et des abus de substances.

Les troubles de l'apprentissage doivent être systématiquement recherchés.

Les troubles anxio-dépressifs peuvent précéder, accompagner ou encore être la conséquence du TDAH par le biais de la mésestime de soi et du rejet des autres.

 

Autres comorbidités

Les tics chroniques, le syndrome de Gilles de la Tourette, l'énurésie et encoprésie.

Les troubles du sommeil sont fréquents.

 

Diagnostics différentiels

 

Le diagnostic est difficile en préscolaire et il n'est pas aisé de distinguer un TDAH d'un comportement turbulent chez un enfant vivant dans un environnement désorganisé.

Une symptomatologie de type trouble attentionnel avec impulsivité et hyperactivité peut s'observer chez les enfants souffrant de troubles envahissants du développement - TED (autisme) ou de retard mental. Il s'agit là de symptômes associés, mais il ne s'agit pas du TDAH « syndrome », qui exclut l'existence d'un autre trouble mental en diagnostic principal [1].

De même, il n'est pas toujours facile de faire la différence entre TDAH avec comorbidité associée et une autre pathologie psychiatrique avec trouble attentionnel associé...

L'épilepsie peut entraîner aussi des troubles attentionnels et comportementaux de même que certains médicaments (corticoïdes, bronchodilatateurs...).

  

Approche thérapeutique

 

Multidisciplinaire

Il est nécessaire d'associer différentes approches thérapeutiques chez l'enfant lui-même, mais aussi d'inclure des moyens d'actions au niveau de la famille et de l'école.

Le traitement pour un enfant donné doit être individualisé avec au minimum une guidance psychoéducative de l'enfant et de sa famille, et des aménagements scolaires.

Ensuite seulement, et selon les cas, on y associe une approche psychothérapeutique, une rééducation, un traitement médicamenteux.

 

Médicaments

Ils ne peuvent en aucun cas se substituer aux mesures éducatives indispensables et aux autres approches thérapeutiques rééducatives ou psychothérapeutiques.

Le méthylphénidate (Ritaline*, Concerta*, Quasym*) est un stimulant du système nerveux central qui augmenterait la concentration de la dopamine et de la noradrénaline dans la fente synaptique. L'efficacité clinique ne paraît pas corrélée aux taux plasmatiques, très variables d'un enfant à l'autre pour une même dose et donc sans intérêt pour la conduite pratique du traitement. Il s'agit d'un médicament qui figure dans le groupe des stupéfiants et qui a l'autorisation de mise sur le marché (AMM) en France sous le libellé « troubles déficitaire de l'attention avec hyperactivité chez l'enfant de plus de 6 ans sans limite supérieure d'âge ». Les effets spécifiques sont documentés (chez les répondeurs) dans les trois domaines : moteurs, sociaux et cognitifs. Les effets indésirables sont réputés peu importants et le médicament est souvent bien supporté néanmoins. La revue Prescrire [2,3] précise que le méthylphénidate n'est à utiliser que chez les enfants très gênés par un syndrome d'hyperactivité avec déficit de l'attention (et non pas pour des enfants simplement turbulents), en dernier recours en raison de la nature amphétaminique de cette molécule qui a une efficacité symptomatique à court terme (dans 75 % des cas) et beaucoup d'effets indésirables (allant jusqu'à la mort subite). De plus, la durée du traitement ne peut être annoncée au départ mais on estime qu'il est inutile de le poursuivre plus d'un mois en l'absence d'amélioration. Le retentissement sur la croissance a été évoqué mais semble lié eu TDAH lui même et non au traitement.

La supplémentation en fer semble être un appoint intéressant chez les enfants présentant un taux abaissé de ferritine.

 

L'alimentation

L'influence de l'alimentation a été confirmée par l'étude INCA en 2011 [4] où une restriction alimentaire majeure pendant 5 semaines semble améliorer 60 % du groupe d'enfants (4 à 8 ans) concernés, mais cela est inapplicable voire dangereux pour une utilisation prolongée. D'une manière générale, on conseille d'éviter le plus possible les aliments trop sucrés, le café, les colorants alimentaires et autres stimulants.

Une hypothèse a été émise quant à un rôle des colorants alimentaires dans l'exacerbation de comportements d'hyperactivité chez les enfants. Une étude clinique comparative en double aveugle, versus placebo, selon une méthodologie croisée, chez 297 enfants représentatifs de la population générale, a montré des scores d'hyperactivité supérieurs dans les périodes de prise de colorants alimentaires (sous forme de boissons à base de jus de fruits contenant ou non les addictifs). Une méta-analyse de 15 essais cliniques en double aveugle, qui ont évalué des colorants alimentaires chez des enfants déjà considérés comme hyperactifs, a montré une augmentation de leur hyperactivité. En pratique, même si le mécanisme de ce phénomène n'est pas élucidé, ces données incitent à éviter d'exposer les enfants aux colorants alimentaires [1].

La L-tyrosine, acide aminé précurseur du neurotransmetteur dopamine est présente en grande quantité dans la chair blanche, comme le poulet et le poisson et l'on peut encourager leur consommation.

 

Psychothérapies

Cognitivo-comportementales ou psychodynamiques, nous ne les décrirons pas ici.

 

Rééducations

En orthophonie liées aux troubles d'apprentissage et en psychomotricité pour traiter les troubles de la coordination.

 

Liens avec l'école

Sensibiliser les enseignants aux difficultés spécifiques aux troubles attentionnels et prévoir des aménagements tels que projet personnalisé de scolarisation avec le médecin scolaire voire reconnaissance du handicap auprès de la maison départementale des personnes handicapées.

  

L'hyperactivité en médecine chinoise

 

Il n'y a pas vraiment de termes en MTC pour traduire le TDAH et tout au plus peut-il être évoqué dans les textes classiques [5] :

« Un yang puissant renforce les jambes, permettant d'aller au plus haut ; un yang excessif conduit à un discours délirant, ou l'on maudit et sermonne l'entourage sans distinction ». (Questions simples, Huangdi Neijing, Suwen) ;

« Les enfants caractérisés par l'exubérance de Sang et de qi seraient inquiet et agités ». (Essais sur la pathogenèse et les manifestations de diverses maladies, Zhubingyuanhoulun ; 610) ;

« Silence puis logorrhée sans raison ou encore activités excessives désordonnés et sans jugement ». (Prescriptions valant milles pièces d'or, Qian Jin Fang, 652) ;

« L’enfant distrait qui commence toujours brillamment sa scolarité mais ne termine jamais, parlant toujours correctement mais oubliant sans arrêt ce dont il parle ». (La réalisation de la longévité en gardant la Source, Shoushibaoyuan, 1616)

 

Physiopathologie

 

L'hyperkinésie infantile se caractérise par une hyperactivité qui empêche l'enfant de se concentrer et de rester tranquille pendant une période de temps à laquelle on s'attendrait pour un enfant de cet âge. En raisonnant selon la MTC, elle peut être due à un trouble des fonctions du Cœur et du Foie. Le Cœur contrôle l'Esprit (shen) et les sentiments. Lorsque le yin du Cœur est insuffisant, la Feu, par insuffisance, flambe alors vers le haut. Le Cœur perd alors sa capacité à contrôler l'Esprit, l'agitation s'installe. Le Foie a pour fonction d'harmoniser et de régulariser la circulation du qi et du Sang. La nature du Foie appartient au Bois. Le Vent est la première caractéristique de la saison du printemps, qui appartient également au Bois. La nature du Vent est d'être en mouvement. Une insuffisance du yin du Foie provoque la transformation du yang du Foie en Vent interne, qui à son tour déclenche l'hyperactivité [6,7].

Les enfants ont également des organes délicats qui restent très fragiles aux agressions, alimentaires en particulier. Une consommation excessive de produits laitiers, aliments gras, graisses animales, sucre, fragilisent la Rate et conduisent à la formation de Glaires. Les Glaires peuvent obstruer l'Esprit. Elles constituent un facteur pathogène « lourd » et alors qu'au niveau physique elles provoquent une impression de lourdeur du corps, au niveau psychique et émotionnel, elles « pèsent » aussi sur la personne et aggravent les états dépressifs et la mésestime de soi. A un certain degré, les Glaires obstruant l'esprit peuvent engendrer de la confusion mentale qui peut aggraver l'apathie ou l'excitation, engendrant alors une agitation, une conduite maniaque, une insomnie lorsqu'elles s'associent avec de la Chaleur [8].

Une fois formées, les Glaires suivent le Sang et peuvent aggraver une insuffisance ou une stase de Sang de par la relation d'échange mutuel entre les Liquides Organiques et le Sang.

On lit dans les questions simples du Huangdi Neijing, Suwen « ce n'est que lorsque le yin est en paix et le yang rassemblé que l'Esprit et l'Essence sont en harmonie » or, l’Essence (jing) est considérée comme l'origine et la base du shen, le shen d'un être nouvellement conçu provient donc du jing prénatal de son père et de sa mère. Après la naissance, le jing prénatal est mis en réserve dans le Rein et assure la base du shen. Si l'on considère les organes touchés, le premier à l'être est le Rein, puisqu'il ne peut enraciner le jing adéquatement. Ainsi, la fonction de loger le zhi est affectée. Comme le jing est faible (hérédité, problème de la mère à la grossesse, qualité du jing du père), cela affecte le yin du Rein, qui ira de son côté troubler le yin du Foie (flottement du hun). Le Foie ne peut retenir le yang, qui monte à la tête et va aussi affecter le Cœur et le shen. Le yang du Foie en excès peut aussi aller agresser la Rate et sa fonction d'enraciner le yi, d’où les symptômes de manque de concentration et de difficultés d'apprentissage. De plus, si le jing est faible, le po décline (Poumon), le qi de disperse, et le hun flotte [9].

Enfin, si l'hyperactivité se manifeste dès la naissance, il est indispensable de rechercher également un mécanisme traumatique psychique lors de la grossesse de la mère. Cet aspect implique les merveilleux vaisseaux (yinweimai et yangqiaomai) [10]. 

 

Tableaux cliniques

 

On peut individualiser quatre tableaux cliniques [5,6,9], correspondants aux trois formes cliniques occidentales :

-      Chaleur dans le Cœur et le Foie : forme hyperactif/impulsif

-      Glaires Chaleur : forme hyperactif/impulsif

-      Vide du Cœur et de la Rate : forme attentionnelle prédominante

-     Vide du Foie et de la Rate : forme mixte

Le Vide des Reins constitutionnel pourra être envisagé dans les formes du jeune enfant préscolaire ou dans les formes vues tardivement.

Si la maladie est située dans le Cœur, les symptômes comprennent l'inattention, l'instabilité émotionnelle, rêverie, et dysphorie.

Si la maladie se trouve dans le Foie, les symptômes comprennent l'impulsivité, l'hyperkinésie, l'irritabilité et le manque de maîtrise de soi.

Si la maladie est située dans la Rate, les symptômes comprennent l'inattention et une mauvaise mémoire.

Si la maladie est située dans le Rein, les symptômes comprennent de mauvais résultats scolaires et de la mémoire, une énurésie, des douleurs, une petite taille et la faiblesse des genoux.

 

Les syndromes de plénitude se trouvent toujours à un stade précoce du TDAH, dominé par la Chaleur dans le Cœur et le Foie, les troubles internes de Glaires-Chaleur.

Les syndromes de vide se trouvent toujours dans la phase tardive du TDAH, dominés par le vide de yin de Foie et des Reins et le vide de Cœur et de la Rate.

Un TDAH ancien devra faire évoquer un vide profond et constitutionnel.

S'il y a un vide de yin, les symptômes comprennent l'inattention, la mauvaise maîtrise de soi, la labilité émotionnelle et la distraction. S'il y a un excès de yang, les symptômes comprennent
l'hyperactivité, la logorrhée, l'impulsivité et l'obstination, l'irritabilité.

  

Principes thérapeutiques et exemples de points [5,6,9]

 

-      Chaleur dans le Cœur et le Foie : clarifier le Cœur et apaiser le Foie, stabiliser l’Esprit. Shenmen (C7), taichong (F3), fengchi (VB20), xinshu (VE15), ganshu (VE18), shenshu (VE23), sishencong (EX-HN 1).

-      Glaires-Chaleur : disperser la Chaleur, apaiser le Cœur et dissoudre les Glaires. Dazhui (VG14), neiguan (MC6), fenglong (ES40).

-      Vide du Cœur et de la Rate : Nourrir le Cœur et Tonifier la Rate. Fengfu (VG16), fengchi (VB20), shangxing (VG23), jianshi (MC5), zusanli (ES36), taichong (F3), qihai (VC6), geshu (VE17).

-      Vide du Foie et de la Rate : Tonifier le Foie et Renforcer la rate. Shenmen (C7), shenting (VG24), baihui (VG20), houxi (IG3), zusanli (ES36), pishu (VE20), ganshu (VE18), taichong (F3).

Le cas échéant, soutenir yinweimai (zhubin RE9, neiguan MC6), yangqiaomai (fengfu VG16, shenmai VE62), et le vide de Rein (shenshu VE23, taixi RE3, jingmen VB25, guanyuan RM4).

En prévention, l'attention sera portée sur l'alimentation, en particulier pour modérer une consommation excessive de produits laitiers, aliments gras, graisses animales, sucre, et dans les cas intriqués qui ne sont pas rares, il faudra interroger les parents pour repérer les causes essentielles et traiter. En effet, l'acupuncture doit être utilisée en combinaison avec d'autres traitements, ce qui rejoint l'approche multimodale de la médecine occidentale.

 

Mise en pratique des théories 

 

Revue de la littérature

 

En 2011, Lee et coll. [11] publient une revue systématique de la littérature comprenant 114 études d'acupuncture, électroacupuncture (EA) et auriculothérapie associées au TDAH. Seules trois études répondent aux critères d'inclusion :

-     Une étude montre que l'électroacupuncture (EA) + traitement comportemental est supérieure à EA factice + traitement comportemental [12].

-  Deux études rapportent un bénéfice significatif de l'acupuncture ou l'acupuncture auriculaire par rapport aux traitements médicamenteux conventionnels [11,13].

Ces résultats encourageant corroborent notre expérience de terrain. Les auteurs concluent néanmoins que les preuves sont insuffisantes pour l'efficacité de l'acupuncture en tant que traitement symptomatique.

Dans le même temps, la revue Cochrane publie également ses conclusions en excluant l'EA et l'auriculothérapie mais ne retient aucune étude d'acupuncture, celle publiée par l'équipe de Lee étant biaisée par le fait que l'acupuncture n'est pas comparée au traitement de référence (méthylphénidate) mais à une autre molécule [14].

Ainsi, compte tenu du manque d'essais disponible, il n'est pas possible de tirer de conclusions concernant l'efficacité et l'innocuité de l'acupuncture dans le TDAH de l'enfant et de l'adolescent.

 

Discussion et relations avec la médecine occidentale

 

La composante génétique ou environnementale du TDAH trouve un écho en MTC avec les déficiences constitutionnelles du jing et l'implication des Merveilleux Vaisseaux.

La supplémentation en fer pouvant être un appoint intéressant chez les enfants présentant un taux abaissé de ferritine, peut correspondre aux interrelations permanentes entre Liquides Organiques et Sang.

 

Les expériences de restrictions alimentaires majeures, améliorant la symptomatologie, peuvent renvoyer aux conseils diététiques destinés à éviter la formation de Glaires.

Enfin, à partir d'études d'imagerie, il existe des preuves solides que l'acupuncture a un effet considérable sur le système limbique, site de projection dopaminergique qui participe au contrôle des processus motivationnels et de récompense... Les études à ce sujet semblent montrer qu'il s'agit plutôt d'un effet général de l'acupuncture plus que spécifique, qui ne dépend pas forcement du site de l'aiguille mais plutôt d'une combinaison de facteurs incluant le stimulus et à un certains degré les convictions et les attentes du patient... Cela peut expliquer les difficultés à reproduire et mesurer dans des études standardisées les effets positifs que nous constatons dans nos cabinets [15,16].

 

Conclusion

 

La médecine traditionnelle chinoise nous permet d'appréhender ce trouble complexe, au diagnostic difficile, avec un point de vue nouveau, complémentaire et prometteur, que ce soit dans l'approche diagnostique nécessairement globale et qui constitue déjà l'essence de notre pratique, que dans la stratégie thérapeutique proposée, incluant conseils nutritionnels et acupuncture et s'intégrant particulièrement bien à la prise en charge multimodale recommandée en médecine occidentale. Plus que jamais, le raisonnement rigoureux du médecin et l'analyse des données de la littérature scientifique doivent nous conduire, à mettre en pratique nos théories et les confronter à nos pairs, médecins occidentaux ou acupuncteurs, en soignant nos études pour le souci commun que nous avons de la santé de nos patients et aboutir à une véritable pratique médicale intégrative.

 


 

Références

 1. Le Heuzey M.-F. Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant. In : EMC Traité de Médecine Akos. Paris: Elsevier Masson SAS ; 2012. 8-0870.

2. Colorants alimentaires et symptômes d’hyperactivité chez des enfants. La revue Prescrire. 2009 ; 338(29) :433.

3. Hyperactivité avec déficit de l'attention : gare au dérapage (suite). La revue Prescrire. 2004 ; 249(24).

4. Pelsser LM, Buitelaar JK. Effects of a restricted elimination diet on the behaviour of children with attention-deficit hyperactivity disorder (INCA study): a randomised controlled trial. Lancet 2011;377: 494-503.

5. Ni X, Zhang-James Y, Han X, Lei S, Sun J, Zhou R. Traditional Chinese medicine in the treatment of ADHD: a review. Child Adolesc Psychiatr Clin N Am. 2014 Oct;23(4):853-81.

6. Chen Jirui, Nissi Wang. Acupuncture : observations cliniques en chine. Paris : SATAS;1992.

7. Dinouart-Jatteau P. Maladies courantes de l'enfance. EMN. Paris. IC-19, 1992, 26p.

8. Maciocia Giovanni. Les principes fondamentaux de la médecine chinoise. 2e ed. Paris: Elsevier Masson ; 2005.

9. Boisvert MP. Evaluation énergétique du TDHD et ses méthodes de traitement. Canada: Collège de Rosemont ; 2009.

10. Desoutter B. Trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Actes du 9e Congrès de la Faformec; 18-19 novembre 2005; Lyon, France. 2005.

11. Lee MS. Acupuncture for treating attention deficit hyperactivity disorder: A systematic review and meta-analysis in Chinese Journal of Integrative Medicine. 2011;17(4 ) : 257-260.

12. Li SS, Yu B, Yan B, Kang L, Jiang SH, Li W, et al. Randomized- controlled study of treating attention deficit hyperactivity disorder of preschool children with combined electro-acupuncture and behavior therapy. Chin Archi Tradit Chin Med (Chin) 2009;27:1215–1218.

13. Liu M. Clinical observation of auricular pressing therapy for 40 patients with attention deficit hyperactivity disorder. Zhejiang J

Tradit Chin Med (Chin) 2007;42:533.

14. Li. Acupuncture pour le traitement du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) chez l'enfant et l'adolescent. Revue Cochrane en ligne. 2011.

15. White A, Cummings M, Filshie J, Stéphan JM. Précis d'acupuncture médicale occidentale. 1e ed. Paris: Elsevier Masson; 2011.

 16. Clément P. Hyperactivité et troubles de la concentration : de la théorie à la pratique. Actes du 18e congrès de la Faformec; 28 et 29 Novembre 2014; Tarbes, France. 2014.

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