Question : Nous commercialisons des stylets endo-nasaux utilisés en
réflexothérapie. Nous préconisons sur la notice de les stériliser entre chaque
patient à l'autoclave 134°C pendant 18 minutes comme prévu dans la circulaire
DGS/DH n°100 du 11 déc. 1995 relative aux précautions à observer en milieu
chirurgical et anatomopathologique face aux risques de transmission de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Un de nos clients ne souhaite pas appliquer cette méthode de
stérilisation et voudrait utiliser des lingettes désinfectantes, type lingettes
anios®. Avez-vous des informations sur les types de désinfection
totale à froid possibles et autorisés en cabinet médical pour des instruments
utilisés au contact des muqueuses ?
(Tonia Courant, Responsable Qualité & Communication,
SEDATELEC, toniacourant@sedatelec.com,
www.sedatelec.com)
Réponse : La stérilisation
doit impérieusement obéir à certaines réglementations. A première
vue, les stylets endo-nasaux pourraient être considérés comme du
matériel invasif dit critique, c'est à dire pouvant être en contact
avec des vaisseaux sanguins, ou allant dans une cavité stérile (exceptionnel).
Pour réaliser cette stérilisation,
la circulaire DGS/DH n°672 du 20 octobre 1997 relative à la stérilisation
des dispositifs médicaux dans les établissements de santé [
[1]
] souligne dans son point 2.2.5 que "Dans
l'état actuel des connaissances, la stérilisation par la vapeur d'eau
saturée sous pression doit être la méthode appliquée lorsque le dispositif
le supporte". Cette stérilisation a d'ailleurs déjà fait l'objet
de deux articles dans la revue « Acupuncture & moxibustion »
[
[2]
,
[3]
]. La circulaire se base sur le
fait que seule la stérilisation par vapeur d'eau à 134°C pendant 18
minutes détruit : 1. les virus enveloppés (VIH, VHB, CMV), 2. les bactéries végétatives (Staphylococcus
auréus, pseudomonas aeruginosa), 3. les champignons (candida, aspergillus), 4. les virus nus ( VHA, VHC), 5. les mycobactérium (tuberculosis, avium), 6. les spores ( bacillus clostridium),
7. les prions. Certains agents infectieux comme les prions
nécessitent d'appliquer, dans des circonstances déterminées, des procédés
particuliers indiqués dans la circulaire DGS/DH
n° 100 du 11 décembre 1995 [
[4]
] et celle du 14 mars
2001 [
[5]
] relative aux précautions à observer lors
de soins en vue de réduire les risques de transmission d'agents transmissibles
non conventionnels. Ainsi, l'autoclave à 134° pendant 18 mn est préconisé,
mais insuffisant ! Car pour inactiver les prions, il ne faut
pas oublier que cette phase de stérilisation doit être précédée d'une
désinfection de haut niveau
avec immersion dans la soude ou l'hypochlorite de
sodium pendant 1 heure suivie d'un rinçage et séchage. Donc, si on veut respecter les règles
de l'art, avant le passage en autoclave, ces stylets endo-nasaux doivent
bénéficier d'une désinfection appropriée à finalité bactéricide, fongicide,
virucide, et sporicide. En ce qui concerne les produits désinfectants,
les normes actuelles de référence sont les normes NF EN 1040 (T 72-152)
pour une activité bactéricide, NF EN 1275 (T 72-202) pour une activité
fongicide, NF T 72-180 pour une activité virucide et NF T 72-230 ou
NF T 72-231 pour une activité sporicide. Bref, l'idéal serait une
immersion complète dans un bain désinfectant qui pourrait être de
l'hypochlorite de sodium pendant 1 heure afin d'être sporicide. Néanmoins, votre client ne veut pas de
cette stérilisation. La circulaire
DHOS/E2/DGS/SD5C/2003/N°591 du 17/12/2003 relative aux modalités
de traitement manuel pour la désinfection des endoscopes non autoclavables
dans les lieux de soins permet de résoudre peut-être ce problème [
[6]
]. Cette circulaire recommande une prise
en considération systématique du risque lié aux agents transmissibles
non conventionnels (ATNC) dans les niveaux de traitement requis pour
les endoscopes, quelle que soit la nature de l'acte. On prend donc
en compte si l'endoscopie a conduit à un acte à risque ou non (risque
de contact avec une ulcération ou effraction involontaire d'un tissu
considéré comme infectieux) et simplification de l'organisation du
travail des professionnels en endoscopie. On peut donc envisager votre stylet endo-nasal
semblable à un nasofibroscope. De ce fait, et selon cette circulaire,
il est possible de considérer le stylet comme un dispositif semi-critique
et non plus critique, c'est à dire en contact avec une muqueuse, ou
une peau lésée superficiellement. Cela change le niveau de risque
infectieux par rapport aux agents conventionnels. Le stylet n'est
plus alors jugé comme entraînant un haut risque infectieux, mais
plutôt un risque médian, nécessitant uniquement une désinfection
de niveau intermédiaire avec un produit du groupe II inactivant les
ATNC. Cette procédure simplifiée comprend : un simple nettoyage avec
un produit détergent, un rinçage intermédiaire à l'eau du réseau,
une désinfection par un produit du groupe II (bactéricide, fongicide,
virucide, tuberculocide ou mycobactéricide), suivi d'un rinçage à
l'eau du réseau. Attention, en cas de saignement qui peut laisser
supposer un contact par effraction des tissus lymphoïdes potentiellement
infectieux vis à vis des ATNC, la procédure préconisée dans la présente
circulaire sera mise en Suvre (double nettoyage avec un produit détergent,
un rinçage intermédiaire, désinfection par un produit du groupe II,
suivi d'un rinçage à l'eau du réseau).
Quels
produits peut-on utiliser ?
Les lingettes anios® ? Ce sont des lingettes à usage unique
pour nettoyage et désinfection de toutes surfaces et du petit matériel
entre deux patients, imprégnées de digluconate de chlorhexidine, alkylaminoalkylglycine
et d'éthanol. On applique la lingette sur la surface
à traiter, on laisse sécher, sans rincer. La solution d'imprégnation
est : bactéricide NF EN 1040, NF T 72-151, NF T 72-170, NF T 72-190,
NF T 72-201 ; fongicide NF T 72-201, NF T 72-190 ; active sur Herpès
virus et virus de l' Hépatite B. Bref, ces lingettes ne répondent pas totalement
à un produit de groupe II. D'ailleurs, le fabriquant attire l'attention
de l'utilisateur sur les obligations réglementaires qui lui incombent
et engagent sa responsabilité. En outre, il attire l'utilisateur sur
les risques éventuellement encourus lorsqu'un produit est utilisé
à d'autres usages que celui pour lequel il est conçu. Le liquide stéranios® 2
% est davantage recommandé pour la désinfection totale à froid
des instruments thermosensibles, des dispositifs médicaux non autoclavables
et du matériel d'endoscopie. Le stéranios® est bactéricide
(NF EN 1040, NF T 72-171, NF T 72-190, NF T 72-301) ; fongicide (NF
EN 1275, NF T 72-190) ; virucide (NF T 72-180) et même sporicide (NF
T 72-230/231, T 72-301). Par ailleurs, il est actif sur B.K, Cryptococus
neoformans, HIV-1, Herpes virus et Hépatite B, efficace sur les mycoplasmes
urogénitaux. Le stéranios à 2% est prêt à l'emploi. Il faut laisser
le stylet pendant 20 mn de trempage ou mieux 1 heure, si on veut être
sporicide. Ne pas oublier de rincer soigneusement après trempage.
Ne pas oublier la phase de simple ou double
nettoyage avec un produit détergent. Le fabriquant de stéranios®
préconise donc pour ce nettoyage et cette pré-désinfection nécessaire
son autre produit l'Aniosyme DD1® qui est un nettoyant
pré-désinfectant poly-enzymatique bactéricide aux normes AFNOR (NF
EN 1010, pr EN 13727, NFT 72-171, NF EN 1275, actif sur B.K. et sur
le virus HIV-1). En conclusion, ce qu'il faut retenir pour l'acupuncteur, c'est qu'une
stérilisation à froid, même si elle est possible dans les faits, nécessite
un tel luxe de précautions et de contraintes pour un résultat quelque
peu décevant en terme de stérilité, que l'emploi d'instruments à usage
unique ou une stérilisation selon les règles de l'art [3
] ne doivent être que les seules techniques à employer !
Sinon, ne pas oublier que la stérilisation à froid passe par quatre
étapes à savoir, double nettoyage avec un produit détergent, un rinçage intermédiaire à
l'eau du réseau, une désinfection avec un produit du groupe II et
enfin un rinçage terminal.
[1]
. circulaire DGS/DH n°672 du 20 octobre 1997
relative à la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements
de santé
[2]
. Stéphan JM. Acupuncture, stérilisation et législation. Acupuncture & Moxibustion
2003;2(1-2):73-75
[3]
. Fraux G, Stéphan JM. Acupuncture,
stérilisation et législation. Acupuncture & Moxibustion 2003;2(3):155-157
[4]
. circulaire DGD/DH
n°100 du 11 décembre 1995 relative aux précautions à observer
en milieu chirurgical et anatomopathologique face aux risques de
transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob
[5]
. circulaire n° DGS/5C/DHOS/E2/2001/138
du 14 mars 2001 relative aux précautions à observer lors de
soins en vue de réduire les risques de transmission d'agents transmissibles
non conventionnels
[6]
.circulaire
DHOS/E2/DGS/SD5C/2003/N°591 du 17/12/2003 relative aux modalités
de traitement manuel pour la désinfection des endoscopes non autoclavables
dans les lieux de soins |
© Jean-Marc STEPHAN & Acupuncture
& Moxibustion Décembre 2005