Patrick Sautreuil
Résumé : Le manuscrit de George Soulié de Morant rédigé en anglais, est unique dans son œuvre de pionnier de l’acupuncture moderne. Les multiples corrections, les ajouts eux même corrigés, en font un document exceptionnel, un joyau par les nombreux documents, manuscrits et tapuscrit qu’il lègue à la postérité. Mots clés : Acupuncture - manuscrit anglais - George Soulié de Morant
Abstract: George Soulié de Morant's manuscript, written in English, is unique in its pioneering work of modern acupuncture. The numerous corrections and additions, themselves corrected, make it an exceptional document, a gem, among the numerous documents, manuscripts and typescripts he bequeathed to posterity.
Keywords: Acupuncture - English manuscript - George Soulié de Morant
“ La France est l’autre empire du Milieu ” François Cheng
Introduction
George Soulié de Morant (1878-1955, GSdeM) a eu trois vies : diplomate, écrivain et pionnier de l’acupuncture médicale en France et en Europe de l’Ouest.
Ses langues maternelles étaient le français, l’anglais et l’espagnol. Il apprit la langue chinoise au cours de l’adolescence, l’écriture, le langage mais aussi voire surtout l’étiquette, avec un serviteur de Judith Gautier, recueilli par son père Théophile Gautier, un lettré chinois, Ting Ton-Ling (Ding Dunling). Judith Gautier était férue d’Orientalisme et lui transmit certainement sa fascination pour la Chine.
Entré au service de la Compagnie Industrielle de Madagascar, il fut envoyé en Chine en 1901. Ses talents de traducteur furent rapidement appréciés par les milieux diplomatiques. Débuta alors sa première vie, celle de diplomate, commencée comme interprète de l’Ambassade de France, à Pékin, puis Hangzhou, Shanghai, et enfin Yunnan fou (Kunming), capitale provinciale du Yunnan (au « Sud des Nuages ») et terminus d’une ligne ferroviaire construite par la France la reliant à Hanoï au Vietnam. Il est rentré en France en 1911.
Parallèlement, sa deuxième vie, celle d’homme de Lettres avait commencé. Érudit, éclectique, prolifique, il a écrit 35 livres [[1]] dans des domaines très variés : les arts, la musique (pianiste, il expliqua les règles complexes de la musique chinoise), le droit international, la géographie et l’histoire, des traductions et adaptations d’œuvres classiques chinoises, des nouvelles et des romans (deux en anglais).
Sa carrière littéraire se transforma radicalement lorsqu’il rencontra le docteur Paul Ferreyrolles dans la station thermale de La Bourboule en 1927 lors d’une cure effectuée par sa fille Evelyn alors âgée de 13 ans (Figure 1). Ce médecin fut le premier à s’intéresser à ce que GSdeM avait appris en Chine. L’acupuncture, en ce début de XXe siècle, conservait une image négative liée aux premières tentatives, un siècle plus tôt, minée par des conflits de chapelle, discréditée par des expériences douteuses et par des charlatans. Elle était tombée en désuétude.
Figure 1. Evelyn Soulié de Morant avec ses deux parents à La Bourboule en 1927.
Dès le début de son séjour en Chine, GSdeM s’était intéressé à la Médecine Traditionnelle Chinoise et surtout à l’Acupuncture. Formé à cette pratique par des acupuncteurs à Pékin (Dr Iang/ Yang) et à Shanghai (Dr Tchang/Chang), GSdeM reçut du gouverneur du Yunnan le titre de « Médecin-Maître » et fut le premier occidental à pratiquer l’acupuncture en Chine. A partir de sa rencontre avec le Dr Feyrrerolles, il transmit son savoir à des médecins français puis européens dans le cadre de consultations hospitalières : Foch, Bichat, Léopold Bellan, Hôtel Dieu ... C’est le point de départ de sa troisième vie, celle qui nous intéresse : le pionnier de l’acupuncture moderne [[2]] . Il publia, de 1929 à 1954, une quinzaine d’articles qui ont été rassemblés par son fils Nevil dans un livre [[1]]. En 1934, parut le Précis de la Vraie Acupuncture [Edition Mercure de France], livre que je considère comme le fondateur de l’acupuncture médicale et scientifique (Conférence à Osaka, octobre 2024 et congrès de la Faformec à Bordeaux, novembre 2024). Ensuite, parait le tome I de sa future grande œuvre (1939, avec l’Atlas des points et méridiens intégré au texte, Mercure de France), le tome II (1940) et enfin, « L’Acuponcture Chinoise, 鍼灸法, Zhenjiu fa » comprenant les cinq tomes - Energie, Points, Méridiens, Circulation ; Maniement de l’Energie ; Physiologie de l’Energie ; Méridiens, Points et leurs Symptomes ; Maladies et leurs Traitements - dans un ouvrage volumineux (1021 pages) et un Atlas des Points et Méridiens, parus en 1957 chez Lafitte, deux ans après sa disparition (1955), et réédité chez Maloine (1972). Il en existe deux traductions [[3]]. Dans cet ouvrage final, chaque élément du texte est référencé : au Tchenn Tsiou Ta Chreng (Zhenjiu dacheng) « Grande Perfection des Aiguilles et Moxas », au Tchenn Tsiou I Sio (Zhenjiu yixue) « Étude facile des Aiguilles et Moxas », à I Sio Jou Menn (Yixue rumen) « Porte d’entrée des Études Médicales » et également à des ouvrages japonais du début du XXe siècle. Parfois les renvois portent sur le Neijing suwen, le Nanjing, voire le Yijing.
Les étapes préalables aux publications concernant l’acupuncture sont des documents manuscrits et tapuscrits, dont la lecture et l’étude sont passionnantes. On mesure en les analysant l’immensité du travail réalisé par George Soulié de Morant. Parmi ceux-ci, le manuscrit en anglais : un trésor à lui seul, un diamant.
Celui qui allait devenir un acteur clé dans l’implantation de l’Acupuncture en France et en Europe a fait un remarquable travail de déchiffrage, d’adaptation à l’esprit occidental de notions d’énergétique chinoises, complexes et très différentes de la science médicale de son époque. Par notre publication, soixante-dix ans après sa disparition, nous rendons hommage au pionnier.
Pour en savoir plus et lire l'article complet, veuillez-vous cliquer en haut et à droite de l'écran sur l'icône des 3 barres horizontales.
Puis entrez votre identifiant et mot de passe fourni lors de votre abonnement par l'intermédiaire de l'ASMAF-EFA ou en vous abonnant à cet endroit.
![]() |
Dr Patrick Sautreuil Membre de l’Association Scientifique des Médecins Acupuncteurs de France – École Française (ASMAF-EFA) Président de l’International Council of Medical Acupuncture and Related Techniques (ICMART) Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
|
Notes
[1]. Quelques titres et dates : Éléments de Grammaire Mongole (1903), T’seu-Hsi, Impératrice des Boxers (1911), Lotus d’Or (1912), Florilège des Poèmes Song (1923), Le Singe et le Pourceau (1924), La Passion de Yang Kwé-Feï (1924), La Brise au Clair de Lune (1925), Bijou de Ceinture ou le jeune homme qui porte robe, se poudre et se farde (1925), Ce qui ne s’avoue pas, même à Shanghaï, ville de plaisirs (1927), Les Préceptes de Confucius (1929), de Théâtre et Musique Moderne en Chine (1926), traité de Chiromancie, L’Art Chinois (1928), Histoire de la Chine (1929), Soun Iat-Sènn (1932), L’Épopée des Jésuites en Chine (1928), La Vie de Confucius (1929) ... entre autres ouvrages, ainsi que de très nombreux articles.
[2]. GSdeM écrivait acuponcture avec un « o » au lieu du « u », acupuncture, écriture internationale adoptée en France.
[3]. Il existe deux traductions du livre « Acupuncture Chinoise » 1957 : en espagnol (Buenos Aires, 1983, 2 volumes) et en anglais (USA, 1994). Le livre « Précis de la Vraie Acupuncture n’a pas été traduit.
[4]. En résonnance avec cet aspect novateur de l’œuvre de George Soulié de Morant, nous avions choisi, comme thème pour les Échanges qui portent son nom, et qui ont eu lieu en 2003, à Paris, à la Cité Universitaire Internationale « Acupuncture et Dysautonomie, Harmonisation Vague-Sympathique », surligné « Vagus Sympathetic », dans la calligraphie de George Soulié de Morant, avec sa signature.
[5]. Photos des Échanges Soulié de Morant 2003 de Patrick Sautreuil visibles dans la médiathèque ASMAF-EFA sur le lien internet : https://www.meridiens.org/echanges/echanges2003/depart.html.
[6]. Lien internet avec le programme et les photos de Jean-Marc Stéphan : https://meridiens.org/asmaf/index.php/echanges-et-autres-congres/mediatheque/photos/photos-esm-2012.
[7]. Soulié de Morant G. Traduction Soulié de Morant E, Sautreuil P. Les Enfants. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(3):172-179. Disponible à l’URL: https://www.meridiens.org/acuMoxi/neuftrois/A%26M_9-3FINAL10.pdf.
[8]. Soulié de Morant G. Traduction Soulié de Morant E, Sautreuil P. Les Merveilleux Vaisseaux par George Soulié de Morant. Acupuncture & Moxibustion. 2003;2(1-2):79-86. Disponible à l’URL: https://www.meridiens.org/acuMoxi/deuxun/Am2003_2-1-2.pdf.
[9]. Le musée de l’Université de Kunming, Yunnan, (中医西学博物馆, zhong yi xi xue bo wu guan : Musée des études occidentales sur la médecine chinoise, Museum of Western Studies on Chinese Medicine), a donné une place importante à George Soulié de Morant. Son créateur, Hor Ting avait mesuré le rôle fondamental de G. Soulié de Morant en suivant des Echanges G. Soulié de Morant, à l’époque au Procope, place de l’Odéon, à Paris (Cf chapitre correspondant). À noter que le Dr Felix Mann est également représenté dans ce musée. Né en Allemagne, il a appris l’acupuncture en partie grâce à un ami Alsacien – l’alsacien étant proche de la langue allemande. Il lui traduisait des passages des ouvrages de George Soulié de Morant. Ensuite, F. Mann a poursuivi une carrière de médecin acupuncteur remarquable en Angleterre (Éléments d’un entretien à Londres en 2001, courrier présenté dans le musée de Kunming). C’est une illustration de l’extension de l’acupuncture dans l’Europe de l’Ouest à partir des enseignements et publications de GSdeM. Dans le même esprit, en Italie, dans les années 50-60-70, les ouvrages de Soulié de Morant était une des rares sources disponibles pour les Italiens francophones se dédiant à l’apprentissage de l’acupuncture.
[10]. Actes du séminaire de l’ASMAF-EFA du 17 mars 2007. Merveilleux Vaisseaux, Méridiens Extraordinaires, Méridiens Curieux, Méridiens Singuliers, Clinique et Thérapeutique. Disponible à l’URL: https://meridiens.org/asmaf/index.php/echanges-et-autres-congres/les-actes-des-e-s-m/merveilleux-vaisseaux-meridiens-extraordinaires-meridiens-curieux-meridiens-singuliers-clinique-et-therapeutique.
Références
[1]. Soulié de Morant G. Acuponcture (Communications 1929-1951), Guy Trédaniel, 1979.
[2]. Soulié de Morant G. Traduction Soulié de Morant E, Sautreuil P. Les Enfants. Acupuncture & Moxibustion. 2010;9(3):172-179.
[3]. Soulié de Morant G. Traduction Soulié de Morant E, Sautreuil P. Les Merveilleux Vaisseaux par George Soulié de Morant. Acupuncture & Moxibustion. 2003;2(1-2):79-86.
[4]. Soulié de Morant G. Acupuncture Chinoise, ATLAS, Les Éditions de l’Éveil, collection Éveil Santé, 2017, Noisy sur École, France.